Limbo, c'est presque ma découverte de Steam. Du coup j'y tiens, et la critique s'en ressentira.
J'ai pénétré dans le jeu, peut-être un peu sceptique, en suivant sans l'incarner ce petit personnage minimaliste; j'ai sursauté, il est vrai, à la première araignée, mais le parcours ne me semblait que plaisant, sympa, original, tout ces adjectifs qui finalement confinent au sans plus.
Et puis (très vite), première erreur d'appréciation, première chute mortelle. Cet instant imperceptible où le petit bonhomme ferme les yeux, vaincu par un découragement extrême, où il cesse d'être "juste" un personnage, ce regard sans pupille, si vivant pourtant, m'a définitivement plongée dans l'univers.
Un univers en nuances sombres, irrémédiablement sombres, où même le blanc éclatant des néons parait obscurci par un profond malaise qui gangrène le décors, où les (potentiels) ennemis semblent être des enfants, comme le bonhomme, comme moi. Figure trouble, absence de Némésis définie : Limbo porte bien son nom, on évolue sans savoir ni comprendre, perdu dans un monde où la seule logique valable est la "survie", au mépris, parfois, des règles élémentaires de la physique.
La bande son, assortie au dessin, est minimaliste et riche à la fois : des bruits, des sons épars, inquiétants, souvent un pseudo silence et l'échos des objets qui tombent ou que l'on pousse.
Limbo est un jeu d'adresse, de réflexion, et malheureusement pour mes réflexes de neurasthénique sous calmants en équilibre précaire, de précision et d'estimation, quelques millimètres d'écarts suffisant parfois à faire rater un saut (ou à finir tranché, ou électrocuté, et j'en passe). La violence et le gore sont étrangement absents de son univers, même si la mort est partout, les dangers innombrables et les échecs durement payés : de l'horreur, oui, de l'angoisse, complètement, quelques gouttes d'encre noire, un corps schématique qui tombe sans vie au fond d'un ravin, des yeux blancs qui se ferment (je sais je me répète) étant finalement assez efficace pour créer une ambiance sans hémoglobine et sans éclats de fureur.
Limbo recèle une poésie propre, des moments de beauté, des petits bijoux que l'on est ravi de trouver sur son chemin, quand l'obscurité se fait trop oppressante ou les bruits métalliques trop pesants. Dans ses paysages parfois ravagés, dans les recoins des usines ou dans les cavernes d'une sorte de forêt, une harmonie étrange se dessine, le clignotement d'un néon illumine par à-coup les fractions d'un décors jusque là invisible, le grincement d'une poulie se fait oracle du segment d'aventure à venir. Et moi, devant mon écran, je reste ébahie.
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