On n’a pas toujours à tenir le joueur par la main pour lui faire aimer un jeu.
Pas besoin d’instructions précises, de facilités, ou même d’un univers rassurant. Dingaling l’a bien compris. Et place l’essence même de son jeu dans le détail, la minutie et la parcimonie. Déjà, le nom du monde, Olathe, se morphe en un « Loathe » facilement.
Mais on commence par se replacer dans le contexte.
Agresse-moi encore
Great White Flash à Olathe. On s’en prend plein la gueule, ébloui.
On rouvre à grand peine les yeux. Et on constate, impuissant, l’extinction totale, ou presque, de la femme sur Terre. Et la disparition de la nuit. Désormais, il faudra vivre à la lumière, ou mourir.
Mourir, chose commune ici. Une pulsion, comme leur vie est une pulsion.
Si jamais tu t'aperçois que ta révolte s'encroûte et devient une
habituelle révolte, alors,
Sors
Marche
Crève
Baise
Aime enfin les arbres, les bêtes et détourne-toi du conforme et de l'inconforme Lâche
ces notions, si ce sont des notions
Rien ne vaut la peine de rien
On tire, on déchire, découpe à tour de bras, pas d’honneur, on vainc sans péril. Coup de batte dans le dos, agression dans le sommeil, tout est bon.
Quelle valeur a l’argent, maintenant ? Il ne vaut rien. On lui préférera des magazines pornographiques, du matériel trivial, pour assouvir ses besoins primaires.
La joie disparait, avec l’espoir. On tente comme on peut de se la réinventer, au travers d’une pilule de drogue et d’alcool.
Effets secondaires. La chair se déforme, la bile suinte, le sang surplombe le corps déformé. Membres abscons, chair pantelante et pendante, bides monstrueux, partout on croise ce qui était autrefois humain. Ils hurlent, dérangent, et mordent.
Mais peut-on être véritablement dérangé par ces masses, dans ce monde horrible ? On tombe d’horreurs en horreurs, les excès et solutions auxiliaires abjectes sont légions et maîtres. On compense comme possible la fin de la femme.
Seule la musique semble offrir un moyen respectable de se distraire. En apparence, puisqu’elle sera aussi pernicieuse que ceux qui, enjoués, en jouent. Dissonances, crissements, grincements terribles côtoieront des thèmes étranges, aux sonorités tantôt abrasives, tantôt endiablées et dansantes, quelque part entre Hotline Miami et Earthbound. Rien de tel pour tabasser à mort son prochain.
Nouer des liens
Cet univers glauque n’est en réalité que secondaire. Le tout se joue dans les rapports qu’entretiennent les personnages, notamment la famille. En l’occurrence, la famille Amstrong occupe bien évidemment le rôle central, comme l’atteste le titre du jeu.
Ces liens… Solides ou succins, d’amitié comme d’amour, seront tissés avec soin, par les mots et les images. Ni trop évident, ni trop occultés, simplement juste et touchant. Terriblement humain. On domine, on se fait dominer, cruellement, on regrette, on se désole. On préfère un adopté à l’autre, on pleure et on refuse de se battre.
On baisse les bras. On craque. Le réconfort ne se trouve plus chez les gens, mais dans la drogue pour certains.
Eclats de rires absurdes et jaunes
Autrement, on se complaira à prendre part à l’atrocité permanente pour se permettre de s’esclaffer du malheur des autres. "Strange, Funny and heartrending" une fois de plus, les situations loufoques et sauvages amènent un rire franc, un dégoût profond, voire les larmes, ou un peu de tout à la fois.
Prendre part au tabassage en règle des obstacles sur notre route, à coup de poings, de bouteilles, de balles, ou même de moto et de guitare.
Prendre part à des choix remettant en perspective votre affection pour vos compagnons. De façon sordide.
Prendre part à la recherche douloureuse d’une fille.
Prendre part à Lisa.
Et s’y consacrer, s’y investir, s’imprégner du jeu, le fouiller pour ne pas rater l’essentiel, qui est bien peu de choses. Une phrase, un « I love you », un regard, un câlin. Et c’est déjà beaucoup.