Suda, c'est plus fort que toi
Sous des couverts grossiers et une mine de petits détails qui pourraient paraître désuets selon les standards actuels, Lollipop Chainsaw est une véritable célébration de l'arcade façon Sega, celle sur laquelle j'ai passé mon adolescence, rivé à ma Dreamcast, à shooter du zombie dans House of the Dead, vandaliser des lieux publics dans Jet Set Radio, ou encore déposer des touristes idiots à l'autre bout de la ville dans Crazy Taxi.
Je dois avouer que retrouver cet état d'esprit complètement débridé est salvateur pour moi ces derniers temps, gavé que je suis de titres au sérieux et à la scénarisation toujours plus importants. Sans renier la qualité de certains d'entre eux (coucou Max Payne 3), j'avais envie de retrouver quelque chose de plus léger (pour ne pas dire débile, voire outrancier), et le dernier titre de Grasshopper Manufacture est là pour exaucer mon souhait. Un gameplay simpliste, un scénario idiot, des situations allumées, il ne m'en faut pas plus pour profiter d'un énorme plaisir régressif.
Que l'on ne s'y trompe pas, tous les défauts que l'on peut lire ici et là à propos du jeu sont bien réels, et les critiques fondées, mais personnellement je ne m'y retrouve pas. Car la caméra capricieuse, les niveaux construits en couloirs à l'aide de murs invisibles, ou encore la durée de vie "légère" pensée au profit de l'attaque de score sont certes des défauts aujourd'hui, mais combinés ils forment une belle fenêtre sur ce que pouvait être le videogaming circa 2000. Une époque pendant laquelle j'ai passé les meilleurs moments de ma "carrière" de joueur, où je m'inquiétais davantage d'un jeu ne passant pas en 60hz sur ma télévision que d'un jeu me demandant 10€ supplémentaires pour déverrouiller l'ensemble du contenu sur le disque, acheté au dur labeur de trois tontes de gazon (et ouais, swag).
En fait j'ai envie de faire mon vieux con et mettre une bonne note à ce jeu. Pas par principe, mais parce que je m'amuse réellement dessus. Il y a la patte Suda 51, c'est donc totalement barré avec des défauts techniques indéniables (notamment les temps de chargement trop fréquents et le level design extrêmement pauvre, ou les QTEs toujours très nuls), mais le titre a du charme. Les boss sont hallucinants de débilité, dans le bon sens du terme (à la façon de Saints "it's raining tanks" Row 3), l'aventure est parsemée de mini-jeux ultra-référencés (mais parfaitement dispensables) qui permettent de varier les plaisirs, et surtout les sensations de combat sont bien là. Sans atteindre la richesse et la complexité d'un Bayonetta, le système de combat permet en effet de s'amuser rapidement et sans trop se prendre la tête.
Une simplicité apparente qui revient aux fondamentaux des jeux d'arcade, ce qui peut s'avérer être à la fois une bénédiction et une malédiction pour le titre. Lollipop Chainsaw est un jeu de niche, il ne plaira pas à tout le monde, et pas simplement parce que l'héroïne se balade en tenue de cheerleader et défouraille du zombie à coups de poms-poms (d'ailleurs tant que j'y suis, on gueulait moins à l'époque quand une "journaliste" zappait des extra-terrestres en micro-short ras-le-bonbon, le second degré se perd ma bonne dame). La marge de progression est plutôt faible finalement, une fois les bases acquises le jeu ne vous résistera pas longtemps, juste le temps de boucler la (rapide) aventure solo avant qu'une certaine répétitivité ne s'installe. Heureusement on y reviendra toujours avec un petit plaisir non camouflé ne serait-ce que pour refaire un niveau ou un boss (sérieusement, le... non je ne veux pas gâcher la surprise, mais il y a des biens gratinés dans le lot).
Bref, si vous n'avez rien contre un petit trip zombifiant et décérébré, et que vous aussi vous vous demandez depuis quand le Jeu Vidéo se doit d'être aussi arty/psychologique/gris-marron (rayez la mention inutile) en mettant de côté le plaisir de jeu pur, Lollipop Chainsaw devrait arriver à pic comme une récré de 10h dans votre planning. Ce n'est certainement pas le jeu le profond auquel vous jouerez cette année mais, quelque part, c'est aussi cela s'amuser : matraquer les boutons de sa manette et rigoler comme un boeuf. Putain ce que ça fait du bien.