Sorti il y a maintenant plus d'un an outre-Atlantique, Manhunt 2 a réussi a défrayer la chronique comme peu de jeux ces dernières années. Une polémique presque aussi violente que le jeu lui-même, s'était emparée de la sphère vidéoludique mondiale. A tel point que l'on voie cette simulation de bourreau du dimanche ne débarquer chez nous qu'en cette fin d'année 2008, dans une version tout aussi tronquée qu'aux Etats-Unis. Mais outre son supposé côté ultra-gore, a-t-il une couche un peu profonde ? Ce n'est pas au scapel mais à la mâchette que nous allons examiner ça.
Au début, il y eut Pac-Man, puis il y eut Metal Gear et bien d'autres. L'évolution voulut que Manhunt continue la lignée des jeux d'infiltration, d'une manière très particulière. Déjà à l'époque de sa sortie fin 2003, Manhunt premier du nom était un jeu dérangeant. Pas seulement à cause de ses exécutions assez trash, mais aussi en raison de son ambiance pesante. On y incarnait un criminel qui se retrouvait contraint de tuer sous les ordres d'un réalisateur de snuff movies bien anxiogène. Ce côté snuff avait réussi à plaire à quelques fans qui avaient aussi bien accroché à sa violence qu'à son atmosphère bien flippante. Ce qui faisait l'intérêt du premier volet s'est envolé, laissant finalement beaucoup moins de liens avec son cadet.
Quand l'agneau devient chasseur
Dans Manhunt 2, nous suivons les « aventures » du Docteur Daniel Lamb (dont le nom n'a certainement certainement pas été choisi au hasard par les gars de Rockstar) grâce à une vue à la troisième personne. M. Lamb, pensionnaire et non pas praticien de l' asile Dixmor, voit un jour sa porte ouverte dûe à un problème électrique dans l'établissement. Lamb, son compère Leo Kasper et les joyeux louveteaux du centre s'empressent donc de mettre le dawa et de se venger de leurs geôliers. Ainsi, tout au long du jeu, on découvre les souvenirs de notre patient pas comme les autres et quelle affaire l'a conduit à son état. L'histoire s'avère en fait très banale, à mille lieues du premier volet. Votre escapade commence donc à l'hôpital qui sert en quelque sorte de didacticiel pour l'occasion. Vous en apprendrez ainsi un peu plus sur les très classiques radar et système d'alerte et sur la manière de tuer vos ennemis en toute discrétion mais sans négliger le fait de leur en faire baver un maximum avant qu'ils ne passent l'arme à gauche. Car si tout le bruit qui a été fait autour de Manhunt 2 concerne sa violence, il n'en reste pas moins un jeu d'infiltration à la base. Il vous faudra donc vous cacher dans l'ombre, jeter un pavé pour attirer l'attention de vos ennemis afin de les zigouiller dans le dos, exécuter des QTE par ci par là, du très classique en somme. Si vous êtes malheureusement repéré, il s'en suivra un combat bien difficile au corps à corps qui vous découragera très rapidement de foncer dans le tas pour éliminer tous ceux qui se retrouveront sur votre chemin. En revanche, si vous vous débrouillez bien, vous pourrez surprendre vos ennemis et les finir dans un espèce de Finish Him à la Mortal Kombat. A votre disposition pour cela, trois niveaux d'attaque en fonction du temps que vous attendez pour les effectuer. Chaque exécution donne droit à un ralenti, du violent au très gore selon votre type d'attaque. Pour venir à bout de vos ennemis, vous pourrez d'une part utiliser tout ce qui vous passe par la main comme dans le premier volet, mais pas seulement. A présent, les décors se montrent beaucoup plus intéractifs puisqu'on a la possibilité d'éclater la tête d'un gars sur une cuvette par exemple, ou bien d'asperger d'essence ce dernier et l'immoler pour les plus festifs d'entre nous. Pour varier encore plus les exécutions, vous pouvez vous jeter de certaines hauteurs et ainsi bondir tel un lolcat sur ceux qui vous recherchent, le coup de griffes en moins mais la tête écrasée au sol en plus. Dernière innovation dans ce domaine, on peut récupérer des armes à feux désormais utilisables lors des finish moves. Notre mèdecin devenu chasseur aura donc un sacré panel de possibilités pour venir à bout de ceux qui se sont lancés à ses trousses. Malheureusement, ces derniers ressemblent trop à des chasseurs sous l'emprise de l'alcool avant, pendant et surtout après une battue. En effet, très souvent, on constate de grosses tares venant de l'IA. Il n'est pas rare de voir des ennemis totalement débiles ou des flics disposant d'une lampe torche me rechercher dans un coin sombre sans avoir recours à cette dernière. C'est proprement scandaleux si l'on considère que ce genre de comportement n'est pas inhérent à cette profession. La difficulté, d'ailleurs, n'est pas vraiment au rendez-vous du fait des très nombreuses zones d'ombre que l'on peut créer en cassant des projecteurs, ce qui mâche grandement le travail dans certains niveaux. D'un autre côté, certains s'avèrent être de véritables cauchemars de par leur level design aussi bien tortueux que douteux. La jouabilité est très rigide et faire faire demi-tour à notre bon docteur peut vous donner autant de retors que manier un char d'assaut. Je ne m'étendrai pas plus non plus sur ses caméras catastrophiques sur lesquelles on a aucun contrôle. Mais alors, si le cœur du gameplay se révèle archaïque, la violence de Manhunt 2 peut-elle espérer toucher certains amateurs de steaks et d'hémoglobine?
Killing me softly
Manhunt 2 a été épuré de pas mal de choses par rapport à ses débuts. Tout d'abord, il devait sortir aux Etats-Unis avec un rating Adults Only selon l'ESRB, organisme local de ratification des éditeurs, ce qui l'aurait privé de visibilité dans les magasins, synonyme d'une mort lente mais sûre. Rockstar, dans le collimateur de tous les anti-jeux-vidéo, a donc dû faire quelques concessions, plutôt drastiques. Premièrement, le joueur n'est plus récompensé pour ses stealth kills. Plus l'exécution effectuée était gore, plus le nombre de points dans le jeu attribués au joueur était élevé. De là à dire que le jeu encourageait à être le plus violent possible dans le jeu, il n'y a qu'un pas. Deuxièmement, on ne peut plus voir les exécutions dans leur intégralité. Un vieux filtre avec le logo du jeu accompagné d'horribles effets de flou et de dégradation de couleurs dignes de nos vieux téléviseurs en phase de réglage vient littéralement atténuer la violence de chaque meurtre. Des séquences mochissimes donc, qui pourraient presque assurer une crise d'épilepsie à certains. C'est simple, on ne ressent plus la violence du titre visuellement, mais par les bruitages. Un comble pour un jeu qui a fait de son côté gore un leitmotiv. Finalement, tous ces ralentis deviennent de plus en plus pénibles au fil des heures. Preuve que la barbarie a été placée comme l'élément principal du gameplay, tous les points de sauvegardes se trouvent juste avant une séquence de finissage d'ennemis. Vous aurez donc droit à une bonne dose de frustration en devant vous retaper sempiternellement toutes ces exécutions. Le scénario plat et prévisible ne peut en rien sauver Manhunt 2 où les scènes d'exécutions paraissent vraiment gratuites. On peut chercher longtemps sans réponse le message véhiculé par le jeu, l'histoire n'étant finalement qu'un prétexte à la violence. Contrairement au premier volet où le côté snuff se montrait comme une critique acerbe du monde du divertissement et de la téléréalité, Manhunt 2 mise finalement beaucoup plus sur sa surenchère dans les phases de tueries. L'ambiance n'est en réalité pas si malsaine que ce qu'on pu nous dire les médias mais il serait naïf de croire que le jeu possède des richesses sous son aspect gore. Il est donc difficile de considérer que Manhunt 2 a été une victime de plus de la censure puisqu'aucun message véhiculé n'a été supprimé, étant donné qu'il n'y en a pas. Quant à savoir après si les scènes de la première version étaient trop dures, vous pourrez vous faire votre opinion en dénichant des vidéos trainant sur la toile. Mais en les regardant, il était prévisible que les différentes associations allaient se révolter contre Manhunt 2. Les exécutions sont particulièrement crûes, certaines supprimées l'étaient encore plus. Ce n'est pas que le jeu soit trop dur pour son public, loin de là mais il est évident qu'il ne devait et ne doit pas tomber dans les mains du jeune public comme nous l'a rétorqué la presse généraliste américaine par exemple. Un effort pour un meilleur contrôle de la part des vendeurs dans les boutiques spécialisées aurait éviter beaucoup du tapage autour du jeu qui est déconseillé aux mois de 18 ans chez nous. Normal que le grand public puisse avoir peur quand j'ai vu au Canada et chez nous des enfants qui ne dépassaient pas les 10 ans acheter GTA IV dans leur magasin préféré. Nintendo considère Manhunt 2 comme une anomalie au catalogue de la Wii, ce qui n'est vraiment étonnant venant du constructeur mais aussi quand on regarde le public visé. Or, la verson Wii est sans aucun doute la plus intéractive de toutes. Des mouvements assez fidèle à ce qui se passe à l'écran sont à réaliser avec le combo Nunchuk/Wiimote pour chaque exécution. Par exemple, pour massacrer un ennemi à l'écran avec une masse, il vous faudra donner de bons coups de haut en bas avec votre Wiimote. Les mouvements sont franchement bien pensés et renforce grandement l'immersion sur ce support mais on peut quand même comprendre que ce genre de feature ne soit pas adaptée à certains cerveaux défaillants. En revanche, le filtre appliqué aux exécutions diffère en fonction du support. Ainsi, on voit beaucoup mieux les scènes les plus dures du jeu avec la version PSP qu'avec la version Wii presque expurgée de violence visuelle. D'ailleurs, les graphismes de Manhunt 2 sont d'une autre époque, début de vie de la PS2 tout au mieux. Encore tolérable pour une PSP, c'est proprement affreux sur Wii. Textures laides, aliasing à gogo, divers bugs en veux-tu en voilà...Cela nous emmène sur un autre point. Manhunt 2 a souvent été comparé Manhunt aux films Saw et Hostel, mais ses graphismes périmés n'atténuent-ils pas grandement sa violence? J'exagèrerai sans doute en disant que Wolfenstein 3D n'a plus rien de violent pour notre époque. Néanmoins, dans le cas de Manhunt 2, on se retrouve avec un jeu d'ancienne génération. La HD étant passé par là, le niveau d'exigence visuelle a passé un grand cap pour beaucoup d'entre nous. Le sang bien pixelisé (quand il n'est pas flouté) et les animations criardes nous ramènent très vite les pieds sur Terre. Alors oui, le jeu vidéo est certainement plus intéractif mais de là à dire que le « niveau de réalisme » de Manhunt 2 atteint celui de films gores qu'un certain public regarde quand même par sadisme et par enjouillage de scènes parfois insoutenables grâce à un réalisme exacerbé, c'est tout de même assez ridicule. Par contre, la violence du jeu se fait véritablement ressentir par ses bruitages. Le dur impact des os cassés, des gorges tranchées et autres yeux transpercés nous est parfaitement retransmis grâce à un travail de haute volée du côté du son. La violence est là, bien là. On ne la voit pas ou presque mais on sait qu'elle est juste devant nous jusqu'au moment ou la lassitude des scènes d'exécutions prenne le dessus. On n'est plus que fasse à une succession de bruits venant d'un abattoir, ni plus ni moins, et l'on attend impatiemment que le rideau tombe sur ce semblant de spectacle sadique.
Manhunt 2 ou la sortie en 2008 d'un Tenchu raté du tout début du siècle. Avec ses graphismes affreux, ses caméras scandaleuses et son IA défaillante, il a en apparence tout du jeu obsolète. Privé d'un scénario digne de ce nom contrairement à son grand frère, le jeu est finalement dénué d'intérêt. En ayant tout basé sur sa violence, il s'est attiré bien des foudres avant même sa sortie, un paradoxe pour un jeu d'infiltration. Il est arrivé chez nous bridé, débarrassé de ce qui lui donnait une « raison d'être » douteuse. Certes la polémique fut grandement exagérée mais au final la plume a peut-être été plus forte que la scie. Manhunt 2 ne s'adresse en fait qu'aux curieux qui voudront se forger un avis sur la violence dans le jeu vidéo, cela fait cher la réflexion. Au lieu d'arriver en fanfare, il aurait dû se contenter de la petite porte. C'est Rockstar qui va se taper la tête contre la cuvette.