Mass Effect 3
7.9
Mass Effect 3

Jeu de BioWare et Electronic Arts (2012Xbox 360)

Vers l'infini et au-delà (Spoilerfest inside)

Ah la la, Mass Effect 3, si difficile d'écrire une critique sur ce jeu, la conclusion d'une trilogie phare non seulement du jeu vidéo de cette décennie, mais aussi de la science-fiction contemporaine. Univers dense brassant des considérations politiques, éthiques, morales, philosophiques pas toujours très profondes mais remarquablement mises en scène, l'univers de Mass Effect est captivant à plus d'un titre. Visuellement, avec son bestiaire diversifié (d'aucuns diront trop anthropomorphique, aspect qui ne m'a jamais réellement gêné, par exemple pour des questions d'immersion), ses mondes oniriques et son Normandy où l'on aime se perdre. Mais aussi culturellement car chaque race a sa propre histoire, sa propre culture et ses propres failles passées ou présentes, qui nous ont accompagné pendant trois épisodes et un total cumulé d'au moins cent heures de jeu (si vous êtes en-dessous, ce n'est pas normal, vous n'avez pas joué correctement). Ce Mass Effect 3 avait donc la tâche immense de conclure une saga qui, d'un point de vue personnel, m'a impliqué émotionnellement comme rarement dans mon expérience (pourtant pas ridicule) de joueur. Quoi qu'il soit arrivé, il fallait s'attendre à être déçu à un moment ou un autre, tant la tâche chez Bioware de conclure un arc aussi ambitieux était périlleux.

En terme de gameplay, Mass Effect 3 se veut un compromis entre les deux premiers épisodes, tirant globalement les forces de chacun des deux en en gommant leurs défauts respectifs (les combats un peu patauds du premier, un peu trop simplistes du deuxième). Beaucoup d'ajouts rendent le gameplay plus dynamique et plus accessible, ce qui ne me déplaît pas forcément, n'étant pas un inconditionnel des RPG aux feuilles de stats longues comme un jour sans pain. Grand défaut de l'épisode 2, l'absence des mods d'armes a été ici réparée, même si les différences se font moins sentir que dans le premier du nom, où la gestion de l'inventaire est primordiale. Disons que le mix est bien calibré et offre à mon avis les meilleures sensations de la trilogie sur le champ de bataille. Tout dépend ce qu'on préfère dans Mass Effect et en ce qui me concerne, ce ne sont pas forcément les scènes d'action. Dans cet épisode, elles sont nerveuses et immersives et me conviennent parfaitement, même si je sais que ce n'est pas le cas pour tout le monde.

Pour le reste, le savoir-faire des équipes de Bioware se fait toujours ressentir à travers les morceaux de bravoure que Shepard va être amené à traverser dans ce bouquet final. En ont-ils trop fait? Sans doute. Shepard, plus christique que jamais, peut ramener la paix à travers la galaxie entière, raser des peuples entiers, résoudre des conflits millénaires entre des civilisations qui n'ont jamais pu s'encadrer, détruire une menace qui n'a jamais été mise en danger depuis son avènement dans des temps immémoriels. Oui, c'est excessif, mais cette force, ce souffle épique qui emporte le joueur et le pousse à défier les dieux a quelque chose de terriblement addictif et gratifiant. Car derrière, la mise en scène assure, à grands renforts de séquences spectaculaires, une dimension hollywoodienne à l'ensemble, dans le bon sens du terme. Dès les premières minutes, l'attaque de la Terre par les Moissonneurs, suggérée à la fin de l'épisode 2 et dans le DLC L'Arrivée, prend le joueur aux tripes alors que celui-ci s'envole au-dessus d'un Londres en ruines sur les notes de piano de Leaving Earth. Coup de poing absolu, d'une efficacité redoutable.

Mass Effect 3 va vous faire haïr vos ennemis. Car Mass Effect 3 est une expérience de la perte. La trilogie nous avait déjà habitué à dire au revoir à certains membres de notre commando (Kaidan ou Ashley dans le 1, pas plus de deux pertes si vous vous êtes pas trop manchot dans le 2). Mais dans Mass Effect 3, la mort prend une dimension tragique toute nouvelle. Alors que l'espoir flanche ou renaît, que le combat contre les Moissonneurs nécessite l'effort de chacun, perdre le moindre allié prend l'allure d'un coup du sort. Et pour la première fois, la mort touche Shepard de près sans que celui-ci ne puisse rien y faire. Dans le premier volet, bien que la perte d'Ashley ou Kaidan soit inéluctable, le joueur peut sauver l'humain qu'il préfère. Dans le deuxième, le joueur peut (pas toujours facilement, mais peut) sauver l'intégralité de son commando dans la mission suicide du relais Oméga 4. Dans le trois, la mort est obligatoire, quoi qu'il arrive. Et elle prend souvent la forme de scènes qui deviennent particulièrement déchirantes. Elle ne sont pas les seules, mais elles y contribuent. Qu'importe que ce Shepard accomplisse des exploits tellement prodigieux qu'on finisse par se demander si ce n'est pas over-the-top. Cette omniprésence de la mort entretient un climat de tenson tel que quoi qu'il arrive, Shepard ne sera jamais vainqueur sur tous les tableaux.

Jouant à fond sur l'implication émotionnelle du joueur, l'aventure Mass Effect 3 emporte l'adhésion grâce à ces moments. Ainsi que sur un sens de l'humour plus subtil et fondé sur la private joke.
La mort de Thane, assassiné par cet enc*** de Kai Leng.
La mort de Légion, et pire encore, celle possible de Tali sur les ruines d'un Moissonneur abattu.
La chute terrible de Thessia encore à cause de cette ordure de Leng.
La mort de Mordin sur Tuchanka.
L'éveil de la conscience et l'humanisation d'IDA.
Garrus et Shepard se faisant un concours de tir entre potes sur la Citadelle.
Tali bourrée luttant désespérément avec l'"emergency induction port".
Le combat entre un Moissonneur et la mère Dévoreurs sur Tuchanka
L'assaut final vertigineux de toute votre flotte sur l'armée des Moissonneurs.
Pour toutes ces séquences et tant d'autres, ces instants drôles, poignants, emballants, Mass Effect 3 est une conclusion à la hauteur du bonheur que nous a offert cette trilogie géniale.

Sauf que.
La fin.
Déjà, passons sur le fait que votre dernier adversaire est un Maraudeur (je ne m'étendrai pas, tapez Marauder Shields dans Google pour vous faire une idée). Je laisse filer parce que la séquence précédente, où Shepard doit tenir une position au beau milieu d'une horde de Furies (de très loin le pire ennemi de la trilogie, de vraies saloperies qui hanteront vos nuits dans les niveaux de difficulté les plus élevés), est un vrai gros challenge. Je retiens juste une immense frustration sur les conséquences finales de vos actions.
La fin de Mass Effect 3 est globalement tragique, soit. Mais cela me gêne. Pas en soi (c'est plutôt couillu de ne pas proposer un happy end systématique), mais parce que l'entourloupe publicitaire passe mal. Plus d'une dizaine de fins possibles, et au final, deux issues possibles : la mort ou l'agonie loin de ceux qu'il aime. Et j'estime que quand on nous propose dix-huit fins différentes, on peut s'attendre à ce qu'au moins UNE (une seule, pas plus, fût-elle possible dans les conditions les plus restrictives possibles) fin apporte une touche dissonnante à l'ensemble. Pour éviter d'avoir l'impression de ne pas tomber devant une variation mineure de la partie précédente.

C'est donc sur un bémol, doublé d'une relative frustration, que le joueur doit faire le deuil du cycle Shepard dans l'univers Mass Effect. Mais il n'empêche que par l'ampleur de son univers, l'attachement et le soin profonds apportés à chacune de ses intrigues et chacun de ses personnages, par la nervosité tendue qui imprègne chaque minute de l'aventure, Mass Effect 3 reste un monument et un très grand jeu vidéo. On l'aurait voulu parfait, mais il reste un jeu d'exception. I should go, Shepard, but thank you for everything.
Sharpshooter
9
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Créée

le 26 mai 2013

Modifiée

le 26 juil. 2013

Critique lue 377 fois

Julien Lada

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