Il est étrange de redécouvrir Max Payne 2 vingt ans après sa sortie alors que le jeu représentait une baffe graphique monumentale en son temps; un titre qui a côtoyé dans mon expérience personnelle un certain Half Life 2 tout aussi ahurissant pour un joueur habitué jusqu'à alors aux consoles et avec lequel ce Max Payne partage par ailleurs plusieurs similitudes dans sa structure de jeu : une emphase sur des séquences plus narratives où le joueur ne fait pas forcément parler la poudre toutes les trois secondes, la présence fréquente de compagnons qui viennent nous épauler dans un périple autrefois solitaire et bien évidemment, une mise en avant (assez outrancière avouons le) d'un moteur physique prompt à faire décoller des corps qui commencent à être suffisamment réalistes pour qu'on se questionne sur la crédibilité de leurs mouvements.
Néanmoins pour avoir enchainé les deux premiers volets dans un intervalle assez court, je dois bien reconnaître aujourd'hui que Max Payne 2 m'apparaît un brin timoré à l'égard de son illustre prédécesseur qui proposait une ambiance beaucoup plus radicale et fiévreuse avec son Ragnarok fantasmé dans un New York crasseux et crapuleux. La pluie remplace ici la neige et le jeu n'est pas exempt de nombreuses fulgurances créatives mais le titre peine tout de même dans l'ensemble à renouer avec la rage tangible de son grand frère; une colère qui s'incarnait également dans le gameplay beaucoup plus punitif du premier opus où la moindre rencontre pouvait rapidement être fatale : Max Payne 2, lui, lorgne déjà davantage vers le grand spectacle entre la générosité des armes à notre disposition et son abondance excessive de Bullet Time (qui rend le saut beaucoup plus optionnel que dans mes souvenirs).
En contrepartie, cette suite s'avère néanmoins plus habile dans sa gestion du rythme, notamment en intégrant intelligemment ses séquences hallucinatoires ou narratives pour diversifier un peu sa proposition de jeu et même la réutilisation un peu éhontée de certains environnements se voit compensée par des efforts notables de mise en scène ; le titre propose par ailleurs la même volonté louable de dépeindre un monde cohérent en dehors des niveaux traversés, à l'image de ses publicités qui parsèment l'aventure ou de shows télévisés diffusés parallèlement à notre progression dans le récit, même si à nouveau, je regretterais un peu que ces éléments optionnels se découvrent passivement durant l'action du jeu au lieu d'être dépeints en cinématiques comme dans le jeu précédent; il est évident que les développeurs avaient à cœur de mettre en avant leur moteur graphique mais à présent que la claque n'est plus d'actualité, leur démarche paraît un peu plus poussive que la formule plus épurée du premier volet.
Il y a néanmoins un aspect sur lequel Max Payne 2 fait toujours merveille; c'est étonnamment dans son exploration du sentiment amoureux : le titre est encore aujourd'hui l'une des rares œuvres interactives à dépeindre frontalement l'angoisse sentimentale de son personnage, sa perte de repères face à l'irruption de la beauté dans son quotidien morose et même sa frustration sexuelle. On ne devrait pas s'en étonner en 2023 mais puisque le jeu vidéo demeure, hélas, d'une certaine frilosité dès lors qu'il s'agit d'évoquer cette question épineuse (au delà des simples fantasmes omniprésents dans l'industrie), la trame de Max Payne 2 tire toujours son épingle du jeu par sa peinture d'un couple maudit, condamné d'entrée de jeu à la ruine.
Max Payne était le premier jeu de Remedy et il témoignait autant d'une radicalité de développeurs prêts à montrer les crocs pour prouver leur talent que d'une relative inexpérience en matière de jeux vidéos; Max Payne 2 est marqué par une structure beaucoup plus maitrisée mais il fut également conçu en un temps assez court (à peine un an et demi selon le scénariste Sam Lake) et il porte en ce sens les stigmates d'une certaine précipitation alors que ses créateurs n'avaient sans doute plus beaucoup de cartouches à utiliser après le succès fulgurant de leur première œuvre et la mise en chantier rapide d'une suite (à l'image de ce scénario assez nébuleux dont certains éléments peuvent prêter à confusion). Deux excellents jeux donc, qui demeurent chacun méritants en 2023, mais qui passent quelque peu à côté du chef d’œuvre pour les raisons déjà citées.
Néanmoins, la série demeure toujours un terrain de jeu assez formidable pour les amateurs de TPS et son ambiance d'un New York rongé par le vice reste encore inégalée dans le médium interactif.
A Remedy de sublimer désormais ce merveilleux concept avec les Remakes à venir; en espérant que la liberté de ton, elle, ne sera pas trop émoussée en notre époque désespérément timorée.