Max Payne est vraiment quelqu'un d'important pour moi. Ce personnage sombre, désespéré et un des plus malchanceux dans l'histoire du jeu vidéo m'a accompagné durant toute mon adolescence. C'est simple, sans lui ma vie aurait été différente, étant donné que c'est lui qui m'a fait autant prendre goût aux jeux vidéo, jusqu'à en faire mon métier.
Tout ça pour dire que j'y tiens beaucoup à cette série et à ce personnage. Et bien sûr, j'étais le premier sceptique quand j'ai appris que Remedy avait vendu la licence à Rockstar, et que ces derniers allaient en faire un TPS où on contrôle un chauve en marcel sous le soleil brésilien. Mais j'ai quand même voulu leur donner ma chance.

Au final, je pense que j'ai bien fait, car Max Payne 3 est un très bon jeu.
Bien sûr, ce changement d'univers est déroutant au départ. On passe des ruelles sombres new-yorkaises à une fête de gosses riches brésiliens avec de la musique latine à fond. Mais rapidement on retrouve notre antihéros, toujours avec son regard froid et cynique sur le monde, complètement dégoûté et paumé. La première cinématique du jeu où on le voit se saouler et sangloter devant la photo de sa femme morte m'aurait presque fait verser une larme aussi. Malgré les changements, l'esprit du jeu reste terriblement sombre et violent, proposant une descente aux enfers de Max qui rend l'atmosphère générale tendue et presque déprimante.
Si le premier épisode illustrait sa vengeance, et le deuxième sa rédemption, ce troisième opus est plus une réflexion interne de Max qui se fait manipuler et se demande pourquoi il continue à vivre dans le désespoir. Une réflexion qu'il partage constamment avec le joueur.
Ce n'est pas une grande surprise, mais la narration est très soignée. Les personnages ont tous une véritable identité, assurée par un doublage de grande qualité. Les voix en portugais ne sont pas traduites, tout simplement car Max ne comprend pas la langue. Cette incompréhension crée un nouveau lien entre Max et le joueur qui rend les cinématiques plus immersives.

Techniquement, Rockstar a réalisé un travail extraordinaire. Les personnages sont extrêmement bien modélisés, les modèles 3D de Max sont variées et tous réussies. Les décors sont également très variés d'un chapitre à l'autre : bureau, stade de foot, boîte de nuit en passant par des bidonvilles qui regorgent de détails. On refait même quelques retours très plaisants à New York durant des flashbacks. Y'a pas à dire, le jeu possède une ambiance propre qui ne fait absolument pas tache aux 2 premiers épisodes.
Certains choix de décors sont d'ailleurs lourds de sens (SPOILER : le niveau du cimetière, où on commence avec Max qui se couvre derrière la tombe de sa femme et de sa fille, j'ai trouvé ça vraiment sublime comme image /SPOILER).

Bien entendu, Rockstar n'a pas bâclé son travail au niveau du gameplay, car les gunfights sont tout simplement jouissifs. La dernière fois que j'avais ressenti autant de plaisir dans un TPS, ça devait être dans... Max Payne 2.
Contrairement aux TPS actuels où on passe son temps à faire caca derrière des boîtes, ici on court vers notre cible et on vide notre chargeur en ralenti sans réfléchir. Les vitres s'éclatent, les papiers s'envolent, les murs se cassent... C'est instinctif et bourrin comme à l'ancienne. Le joueur a intérêt à avoir des réflexes, le jeu étant assez exigeant en terme de difficulté : les balles font très mal et la vie ne remonte pas toute seule comme par magie.
Le shoot-dodging (le saut en ralenti sur les côtés) s'avère un peu plus technique qu'auparavant car désormais le ralenti est interrompu si Max percute un mur ou le sol. Il faut donc avoir une vision globale du level design avant de sauter, sous peine de se cogner bêtement contre un mur juste à côté. Pour compenser ça, Max peut reste au sol pour vider ses chargeurs, ce qui peut être très pratique dans certaines situations.
Et ici, pas de place pour les phases merdiques inspirés des FPS modernes, pas de potes qui tirent sur tous les ennemis à notre place, pas de QTE moisi. Le jeu est vraiment old-school, et ça c'est plaisant. Cependant, Rockstar a également rajouté quelques touches de modernités qui améliorent l'expérience de jeu, comme des killcams impressionnantes ou un système de cover bien pensé mais non-prédominant dans le gameplay.
Sachez tout de même que Max Payne 3 est réservé pour un public averti, prêt à tuer des mecs par douzaine de début à la fin. Pas de phases de plateformes, infiltrations, puzzles... Ici on est dans l'action pure. Du coup, si vous n'avez pas vraiment apprécié le gameplay des 2 premiers Max Payne, il y a forte chance que ça ne s'arrange pas avec ce troisième.

Enfin, ce que j'ai trouvé agréable est cette impression qu'on contrôle vraiment quelqu'un de vivant. Les animations de Max sont remarquables, et comme d'habitude Rockstar a pensé aux petits détails anecdotiques comme Max qui gémit lorsqu'il percute le sol après une chute en ralenti, qui fait une roulade pour ramasser une arme en courant, ou qui pousse les portes fermées pour essayer de les ouvrir. Ces accumulations de détails font que Max a l'air plus réel que jamais.
Le jeu comporte de nombreux clins d'œil à ses grands frères, et on finit le jeu en mettant plus de 10 heures, ce qui est plutôt correcte pour un jeu d'aujourd'hui (et les autres Max Payne ne faisaient pas vraiment plus).

Niveau musical, le groupe Health est parvenu à composer une ambiance excellente et originale qui colle parfaitement avec l'action à l'écran. Le seul problème, à la limite, est que les morceaux ont tendance à se ressembler d'un niveau à l'autre.

Pourtant, tout n'est pas rose et si on est fan de la série, certains détails nous décevront forcément. Tout d'abord, le jeu a perdu un des grands charmes de la série : les BD. A la place, nous avons droit à des cinématiques, certes très bien mises en scène mais infiniment plus classiques, et gaspillées par des filtres à l'écran pas toujours de très bon goût. On regrette également la disparition des cauchemars de Max. Pourtant, avec tous les bad trips qu'il se tape constamment, il y avait de quoi faire.
En parlant des cinématiques, on sent quand même un certain abus sur leur nombre. L'action est sans cesse coupée et même si on sent constamment le talent derrière au niveau de la mise en scène, on se demande parfois à quoi servait la cinématique qu'on vient de voir, notamment quand elle est simplement là pour filmer Max Payne ouvrir une porte... C'est un peu gratuit, comme si Rockstar voulait nous prouver qu'il a respecté son cahier de charges en nous pointant du doigt la phrase "jeu cinématographique". Avec un rythme plus soutenu, l'expérience aurait été meilleure, et ça aurait davantage mis en valeur les cinématiques importantes de dialogues ou d'action impressionnantes.

Les 2 derniers niveaux m'ont quand même nettement plus déçu que le reste, car je trouvais qu'ils se trainaient un peu en longueur avec des phases d'action omniprésentes jusqu'à en devenir un peu lassantes. Le rythme est assez mal maîtrisé comparé au reste du jeu, et je trouvais également les décors un peu moins réussis. De plus, on sent que Max devient beaucoup plus violent dans ces niveaux et on a davantage l'impression de contrôler Bruce Willis que Max Payne. Son look n'aide pas. En général, je trouvais que le massacre commençait à devenir un peu "too much" vers la fin, alors que c'était globalement réussi et justifié dans le reste du jeu.
D'ailleurs, Max est quand même devenu beaucoup plus vulgaire. Bien sûr, il a gardé son côté poète sombre et cynique, et nous sort des belles répliques tout le long du jeu, mais plus on avance dans l'histoire, plus Max devient cru et violent. C'est peut-être d'ailleurs un choix volontaire de la part du scénariste pour mieux illustrer la descente aux enfers. Après tout, vu la vie de merde que ce pauvre Max subit, je peux comprendre qu'il a un peu plus envie de sortir des "fuck" et "shit". En tout cas, pour vous rassurer, Max n'a jamais été aussi bavard que dans le 3, ça m'a presque fait rappeler le vieux de Bastion.
Enfin, la fin du jeu m'a laissé un peu indifférent. Je trouvais que ça manquait quand même d'émotion, trop hollywoodien, alors que par exemple la fin de Max Payne 2 a toujours réussi à me donner des coups de frisson tellement c'était à la fois sobre mais grandiose.
Bref, malgré les gros efforts pour respecter au mieux l'esprit de Max Payne, on sent quand même que ce ne sont pas les mêmes personnes qui en sont derrière. De là à râler ou apprécier, tout dépend si vous êtes un gros puriste ou pas.

Max Payne c'est avant tout le solo, mais il comporte quelques modes de jeux supplémentaires, comme le mode arcade et le mode multijoueur. En arcade, le joueur peut revivre la campagne solo en essayant de jouer le mieux possible (Score Attack) ou de rusher (New York Minute, qui existait déjà dans les anciens épisodes). Ces 2 modes de jeux rajoutent un petit replay value non négligeable, d'autant plus qu'on peut choisir le modèle de Max qu'on contrôle, et on peut même jouer avec Max du 1er et du 2ème volet, et ça c'est énorme !
Le multijoueur ressemble un peu à celui d'Uncharted, l'escalade étant remplacé par le bullet time. On peut tout simplement jouer en DM ou en TDM, mais 2 modes plus originales sont également à disposition : Payne Maximal et Guerre de gangs. Ces 2 modes nerveuses relancent particulièrement l'intérêt du multi, sans oublier qu'il existe des tonnes d'armes, compétences et items à débloquer. Dommage que pour le moment, il existe des sérieux problèmes d'équilibrage de niveaux, d'armes... des respawns mal foutus, des gros problèmes de connexion et surtout trop peu de maps (on sent venir les DLC). Bref, ça reste plaisant à jouer mais il faudra que Rockstar corrige encore pas mal de problèmes. En même temps, acheter Max Payne 3 uniquement pour le multi, c'est comme acheter Battlefield 3 uniquement pour le solo : c'est con.

Est-ce que Max Payne 3 est la meilleure suite possible aux 2 premiers épisodes ? La réponse est sans doute non, mais cela n'empêche pas ce troisième volet d'être un excellent jeu d'action old-school avec une réalisation et une mise en scène impeccables, et des phases d'action maîtrisées. Et ça fait déjà de très bonnes raisons pour ne pas passer à côté.
ThoRCX
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le 18 mai 2012

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