Bien qu'on devine aisément la visée mercantile derrière la manœuvre (en même temps, on parle ici d'un jeu Capcom), voir débouler un nouveau Mega Man paré d'une esthétique oldie "retrogaming de l'extrême" a vraiment de quoi séduire, de titiller la fibre nostalgique des plus anciens, de piquer la curiosité des plus jeunes.
Mais il faut faire cela bien. Et cela veut dire ne pas totalement négliger le fait qu'avant cet épisode 9, il y a eu 8 opus (si si) -certains diraient seulement 6 tout en jetant un voile pudique sur les deux derniers- et que ces suites ont par petites touches successives apporté des éléments qui ont progressivement affiné le gameplay, comme le tir chargé ou la glissade, pour ne citer que les plus évidents. Des mouvements qui sont cruellement absents de la panoplie de Rock, et ce, malgré la présence du fidèle Rush, qui comme dans Mega Man 6 se révélera d'une très grande utilité à maintes reprises.
En théorie, on aurait donc en Mega Man 9 un feeling proche de Mega Man 1 & 2. Sauf que pas tout à fait. Par exemple, dans ces deux premiers opus, la plupart des ennemis encaissent rarement plus de trois coups, et, le cas échéant, sont très souvent esquivables ; dans Mega Man 9, certains sont des putains de sacs de PV, allant jusqu'à 15 tirs pour ces foutus éléphants à la con. Et on ne parle pas de mid-boss. Et bien sûr, la plupart bloquent ardemment le seul passage menant à la suite du niveau…
De même, on assiste éberlué à ce que j'appelle le "putain de syndrome de merde à la Castlevania (ou Shinobi) de l'ennemi qui se place sur la trajectoire d'un saut PILE au moment où tu sautes", que la série avait jusque-là assez habilement évité (en tout cas pour les 6 premiers, n'ayant jamais fait les deux suivants, je ne peux me prononcer sur eux). C'était casse-couilles dans Castlevania, ça l'était encore plus dans Shinobi, et ça le reste toujours dans Mega Man 9. Ça ralentit d'autant plus le rythme bâtard de ce Mega Man, qui d'habitude est un modèle de gameplay basé sur les réflexes et sur l'instantanéité. D'ailleurs à ce propos, pourquoi ne pas s'être servi de ces inutiles boutons de la tranche pour swapper les costumes plus fluidement, au lieu de passer par l'antédiluvien système du menu ? On se croirait dans A Link to the Past… Au moins, on ne nous a pas fait l'affront d'être obligé de jouer au stick : c'est une horreur, un platformer 2D au stick…
Avec tous ces "défauts", honnêtement, sans la présence de Rush, je ne suis pas sûr que j'aurais réussi à finir ne serait-ce qu'un niveau… Sans aucune arme de boss, rejoindre la plupart des robots masters est un vrai parcours du combattant, les niveaux étant bien plus hardcore que le combat final en lui-même. En parlant de robots-masters, on accueille avec plaisir le premier représentant femelle en la présence de Splash Woman ; revers de la médaille, c'est sans doute le boss le plus facile à vaincre (je recommande d'ailleurs de commencer par son stage). Certain(e)s féministes extrémistes pourraient y voir une forme de provocation, voire de discrimination… C'est que ça gueule souvent un(e) féministe, tout comme la plupart des trucs en -istes d'ailleurs (grévistes, populistes, "anti-racistes", sado-masochistes, philatélistes…).
Et puis, il y a l'enfilade. Le truc bien de notre époque qui nous ramène durement à la réalité : le fameux DLC payant de Mega Man 9 qui, sans celui-ci, possède une durée de vie un peu limite quand on la juge selon les standards actuels (des jeux du genre). On y trouve un nouveau mode baptisé "Infini", un neuvième stage réservé au Time Trial avec son boss inédit (Fake Man), deux niveaux de difficulté supplémentaires (les ennemis y sont encore plus vicieusement placés), et surtout la possibilité d'incarner Proto Man, qui lui possède la glissade et le tir chargé ! Et même si comme d'hab', celui-ci est deux fois moins résistant que Rock, j'ai trouvé plus aisé de finir le jeu avec lui qu'avec le héros chalcantite.
Esthétiquement parlant, il n'y a pas grand-chose à reprocher, avec des niveaux lisibles et relativement détaillés, un bestiaire plutôt inspiré et disparate, et des robots-masters assez originaux, tout comme leurs armes. Le level design s'en sort à peu près, malgré ces saletés de sauts de la foi qui sont cependant tout sauf une nouveauté dans la série. Musicalement, c'est aussi plutôt pas mal, les sound designers arrivant encore à produire des mélodies inédites et entraînantes pour un neuvième volet…
En bref, Mega Man 9 est pour ma part un comeback en demi-teinte. Cette "faible" note finale sanctionne à la fois le jeu et la politique de Capcom, qui nous l'a encore une fois fait à l'envers : sans le DLC, le jeu s'avère frustrant pour le joueur lambda qui y remarquera surtout ses manques ; avec le DLC, le jeu est plus complet mais l'addition (à l'époque de sa sortie) s'avère un poil salée pour un trip revival. Gageons que Mega Man 10 rectifie le tir…