Du MSX à la PSX...

À l'époque de sa sortie en 1999, pour la plupart des joueurs français que nous sommes, "Metal Gear 3" n'évoque pas grand-chose : le standard MSX sur lequel sont sortis les deux premiers opus n'est pas spécialement répandu chez nous, tandis que les itérations NES ne sont pas des conversions à la hauteur du matériau de base. En effet, Metal Gear 1 est fait à l'arrache (ajouts de séquences inutiles, difficulté excessive de certains passages, on ne combat même pas le Metal Gear), tandis que le second n'est carrément pas le même jeu (intitulé Snake Revenge, et finalement pas si mauvais, mais TRÈS loin de l'excellence de Metal Gear 2 : Solid Snake, notamment en termes de scénario et de possibilités de gameplay).

Mais au fait, qu'est donc Metal Gear Solid ? Le jeu se définit lui-même comme un "Tactical-Espionnage-Action", et la mission de son protagoniste, Solid Snake, est des plus "limpides" : infiltrer la base nucléaire alaskaine de Shadow Moses, qui a été prise d'assaut par une unité d'élite dissidente (le FOXHOUND), avec deux objectifs principaux :
- 1°/ délivrer Donald Anderson (chef du DARPA) et Kenneth Baker (président d'ArmsTech), tous deux retenus en otage par FOXHOUND sur la base.
- 2°/ déterminer si les terroristes ont vraiment la capacité de mettre leurs menaces à exécution, c'est à dire lancer les missiles nucléaires présents sur la base, dont les codes d'accès sont justement connus des deux otages, et si c'est le cas (et bien évidemment que ça le sera) les en empêcher…

Mais il serait suicidaire pour Snake d'affronter l'ennemi de face, celui-ci étant mieux armé, mieux organisé et surtout BEAUCOUP plus nombreux. Et aussi sur-entraîné. Et le gâteau sur la cerise est qu'il est au courant de l'arrivée de Snake (ces deux derniers points seront expliqués au fur et à mesure du scénario). L'infiltration et la discrétion seront donc de rigueur. Heureusement pour Snake, il a également des atouts de son côté : un support technique par radio, composés d'experts en tous genres (armement, survie, climat, médecine…) ainsi qu'un radar high tech dernier cri (le Soliton) permettant d'étudier la topographie des lieux ainsi que les rondes des ennemis. Il affiche même leur champ de vision (si c'est pas beau, les nouvelles technologies…).

La technologie c'est bien beau, mais si on a le physique d'un moustique, ça risque de ne pas le faire... Fort heureusement, Snake est un soldat aguerri, et un des meilleurs, si ce n'est LE meilleur : il a d'ailleurs brillamment triomphé par deux fois des insurrections de Big Boss, ce mercenaire d'élite considéré par beaucoup comme le plus grand soldat du XXe siècle, lorsqu'il a tenté de plonger le monde dans un conflit perpétuel… Il maîtrise donc toutes les ficelles de l'infiltration, que ce soit la capacité de se cacher n'importe où, de ramper pour faire moins de bruit ou au contraire l'utiliser pour faire diversion. Bien entendu, les armes n'ont pas de secret pour lui, et s'il doit s'en servir en cas d'extrême urgence…

Dans les faits, on contrôle Snake en vue à la troisième personne avec une caméra de ¾ haut, celle-ci basculant dans l'angle idéal pour scruter les environs lorsqu'on se plaque contre un mur. On possède aussi un bref enchaînement de quelques coups ainsi que la possibilité d'étrangler l'ennemi, pour le neutraliser ou le tuer. Il est également possible de basculer en vue "FPS" pour scruter les environs, mais son utilité est moindre, puisqu'elle impose l'immobilisme (on ne peut même pas viser l'ennemi avec une arme, cela sera rectifié dès l'épisode suivant).

En marge de ce gameplay "réaliste", Metal Gear Solid possède également des aspects beaucoup plus fantaisistes, relevant de la plus pure tradition vidéoludique, comme les combats mémorables contre les boss : une aire de combat truffée de C4, un ennemi qui flotte dans les airs et peut lire les pensées (et les trajectoires des balles), un sniper pouvant tenir sa position durant plusieurs jours, un combat mano a mano contre un tank ou un hélicoptère… Notons aussi ces quelques trouvailles originales comme l'utilisation insolite du carton (notamment avec les loups) ou le coup du ketchup pour simuler une hémorragie…

En termes de graphismes purs, Metal Gear Solid explose les standards de ce qui se faisait à l'époque sur PS1, avec des protagonistes finement modélisés et des décors minutieusement détaillés. D'ailleurs, le jeu est tellement beau que les cutscenes sont faites avec le moteur du jeu… Le level design est également au dessus de tout reproche, avec une base criante de logique dans son architecture (bureaux, entrepôts, héliport…) permettant de mettre parfaitement à profit les capacités de Snake…

L'ambiance sonore est également quasi parfaite, avec des thèmes collant merveilleusement bien à chaque situation, tantôt épiques (combats de boss, fuite), tantôt tristes (monologues des boss sur le point de mourir et lors de certaines révélations), sans oublier les musiques d'ambiance lors des phases d'infiltration. Par contre, le casting vocal de la VF est assez médiocre (d'où l'emploi du "quasi"), avec des voix souvent peu adaptées et surtout caricaturales à l'extrême. Pour avoir pu tater de la version anglaise, la différence de qualité est abyssale (surtout que j'adore David Hayter…).

Terminons par la durée de vie très honnête du jeu. Contrairement aux idées reçues, Metal Gear Solid est loin d'être court. Il m'a fallu environ quinze heures pour arriver au bout de mon premier run à l'époque, et lors de ma dernière session de jeu, alors que j'ai depuis beaucoup pratiqué la série et avec les souvenirs du jeu plus ou moins intacts que j'en avais, le compteur affichait un peu plus de huit heures…

Petit aparté, un point sur lequel on peut "critiquer" Metal Gear Solid, c'est sur la repompe de nombreux éléments/situations déjà présents dans Metal Gear 2… Sans trop spoiler, on peut évoquer le système des 3 clés, le fait de rejoindre un contact du sexe opposé dans les toilettes des filles, le combat dans l'ascenseur, le code à trouver au dos de la boîte de jeu…et j'en oublie volontairement beaucoup d'autres !! C'est dire à quel point MG2 était en avance sur son temps !! Naturellement à l'époque, la majorité des joueurs -moi y compris- n'ayant jamais fait le jeu, on trouvait tous ça révolutionnaire… (et surtout, ça n'enlève rien aux qualités de ce MGS). Alors qu'en fait, hormis le passage à la 3D, Metal Gear Solid est sûrement l'un des épisodes de la série qui innove le moins…

Quand bien même, MGS propose tellement de secrets et/ou de variété qu'il est d'ailleurs impossible de tout découvrir lors d'une seule partie. Il y a également deux fins différentes (selon un choix qu'on doit faire en milieu de partie), ainsi que, en marge de l'aventure principale, un mode "VR Missions", composé de puzzles chronométrés typiques des situations qu'on peut rencontrer pendant le scénario. Ces missions sont d'ailleurs tellement bien foutues et addictives qu'une édition spéciale sortira plus tard avec quelques 300 missions d'entraînement dedans…

En bref, un must have qu'il faut avoir fait au moins une fois dans sa vie. Et quand on pense qu'il était au départ prévu pour la 3DO, ça fait presque froid dans le dos : il aurait certainement connu le même sort que cette sympathique machine, et on serait tous passés à côté d'une fantastique saga vidéoludique… Et Konami serait sans doute "mort" un peu plus tôt…