Lorsque je suis arrivé sur Sens Critique, j’ai un peu fait comme tout le monde : je me suis rué vers les critiques de saga que j’appréciais, réconforté de voir que je partageais sur de nombreux jeux l’avis – ou plutôt l’engouement – du plus grand nombre. Même si la mode a toujours été à l’originalité, y’a pas à dire, faire partie de la majorité, ça rassure.
Mais il y avait un jeu pour lequel j’étais particulièrement étonné des critiques acides, voire acerbes : Metal Gear Solid – The Twin Snakes, sorti sur notre bonne vieille GameCube en 2004.
Pour ceux du fond qui ont tout raté, ou qui sont trop jeunes, je résume.
Six ans plus tôt, sort sur PlayStation Première du Nom Metal Gear Solid. Même s’il n’est pas le premier épisode d’une saga qui fête à ce moment ses 11 ans dans une indifférence quasi générale (en Europe), c’est une petite révolution qui va porter un nom au fait de sa gloire : Hideo Kojima. Prenant appui sur les possibilités techniques offertes à l’époque par la console de Sony, MGS offre un spectacle subtil et jouissif aux joueurs que nous étions. A la croisée entre jeu vidéo et cinéma, Kojima met en scène un héros au charisme certain, Solid Snake, chargé de mettre fin à lui seul une prise d’otages sur Shadow Moses Island. Par son innovation, son gameplay, la qualité de son écriture et de ses personnages – pour l’époque notamment – MGS va poser les bases de la saga qui va suivre et nous amener au récent épisode 5 sorti sur PS4.
Fort du succès du premier épisode, Kojima remet le couvert en 2001 et accompagne la récente sortie de la PlayStation 2 de l’épisode Sons of Liberty qui, sur les bases solides du premier épisode, donne véritablement à la saga son caractère culte. En effet, Kojima y bouscule tous nos repères et invoque notre culture de joueurs pour en faire une œuvre hors norme, déstabilisante, comme peu de jeux peuvent prétendre le faire. Outre l’œuvre en elle-même, cet épisode 2 constitue également une avancée technique significative depuis l’épisode PSOne. Outre les graphismes, le gampelay du jeu est approfondi pour offrir au joueur des possibilités tactiques plus étendues. Bien que décrié (car déstabilisant), MGS2 rencontre un succès incroyable.
Et donc, en 2004, sort sur GC le remake de MGS, sous l’appellation The Twin Snakes. J’avais eu le privilège de jouer à l’épisode original à sa sortie sur PSOne, ce qui ne m’a pas empêché de me ruer sur cet épisode GC, pour l’apprécier également.
Alors c’est vrai que la démarche peut sembler un peu … particulière, même si, avec nos yeux de 2018, faire des remakes et des remasters (pas toujours opportuns) relève de notre quotidien. The Twin Snakes, c’est donc Metal Gear Solid. Bien. Mais pas seulement. C’est Metal Gear Solid, avec le moteur de jeu de Metal Gear Solid 2, avec les cinématiques (in game) refaites, et avec de nouveaux doublages et une reprise de l’OST du jeu. Rien que ça. Un sacré ravalement de façade quand on compare avec la technique, certes révolutionnaire à l’époque mais qui vieillit très mal sur PSOne : vous savez, notamment, cet aspect des textures qui vibrent sur les personnages et les décors.
Pour revenir au début de mon propos, j’étais surpris en lisant les nombreuses critiques négatives concernant ce jeu. De nombreux joueurs ont critiqué une trahison envers l’œuvre initiale de Kojima. En y réfléchissant, ils n’ont pas tout à fait tort. C’est vrai que les ajouts de possibilités de gameplay, issus de l’épisode 2, ne s’intègrent pas toujours bien dans le level design de ce premier épisode. On pourra aussi pas mal persiffler sur la nouvelle mise en scène des cinématiques, souvent « too much ». Notre Solid Snake est sorti du cirque et ne peut s’empêcher d’enchainer les saltos et autre triple loots pour ne serait-ce que passer un pas de porte. Quand on voit ce qu’il va devenir dans les épisodes suivants, c’est … marrant.
Néanmoins, et comme vous l’avez compris depuis longtemps, je reste un défenseur de ce jeu. Même si j’ai un peu révisé mon jugement en intégrant les remarques, notamment négatives, faites par les autres joueurs, je me souviens avoir passé un très bon moment sur ce remake. Il offre une vision différente – il faut l’assumer – du premier épisode. Peut être moins subtile, peut être un peu plus orientée action. Mais je pense qu’il faut garder de la mesure dans ce jugement car MGS1, que l’on magnifie avec le temps, n’était pas non plus cette œuvre parfaite, subtile et poétique qu’on décrit dans d’autres textes.
C’était un excellent jeu, révolutionnaire sur certains aspects et qui a une place bien à part dans mon cœur comme dans l’Histoire du jeu vidéo. C’est incontestable. Mais il reste aussi un jeu un peu naïf dans son contenu, avec une histoire très sympa mais quelques personnages un peu … stéréotypés. Je sais qu’il n’est pas de bon ton de critiquer certains jeux qui sont devenus « intouchables », mais MGS1 n’est pas parfait, et n’atteint pas l’excellence culturelle des épisodes 2 et 3, selon moi.
Je ne sais pas si la comparaison vous conviendra, mais MGS me fait penser à l’épisode 4 de StarWars (le premier sorti pour ceux qui ne sont pas fans de la saga). C’est un film de référence par l’innovation qu’il a apporté et l’univers qu’il a impulsé. J’adore. Mais quand on regarde objectivement, c’est un film un peu naïf dans son contenu et son histoire, prise en dehors de la saga. La différence avec MGS est qu’il a mieux vieilli.
Et bien imaginez qu’on en fasse un remake avec exactement la même histoire et les mêmes acteurs (oui, je sais, c’est pas possible mais peu importe) mais avec les capacités techniques du cinéma d’aujourd’hui. Ce serait autre chose, et d’ailleurs, c’est un peu arrivé avec l’Edition Spéciale sortie au détour des années 90. En tout cas je pense que ça susciterait un débat enflammé, à la hauteur du culte voué à StarWars en général et à ce film en particulier.
Oui, The Twin Snake reste moins bon que le jeu dont il est issu. Plus bourrin et orienté action, et bénéficiant d’un contenu qui n’a pas été réfléchi exactement pour parcourir Shadow Moses Island. Mais quand bien même l’expérience reste agréable. Et certains passages sont même plus réussis. Je pense à ce titre à l’épisode de la rencontre avec Psycho Mantis, dont l’habillage et la mise en scène sont plus percutants, voire plus dérangeants.
Pas de coup bas me concernant pour ce remake, qui était une bonne façon de redécouvrir cet épisode pilier de la saga. Il n’en constitue selon ma lecture pas une trahison, mais plutôt une ré-écriture dans l’ère du temps, pas toujours parfaite mais néanmoins plaisante. A mon sens, l’intensité du débat et des émotions qui entourent ce jeu ne font que révéler, en filigrane, l’impact qu’aura eu Metal Gear Solid sur les joueurs.
Finalement, c’est une bonne chose.