Tenter le passage en mode ouvert est risqué, particulièrement quand on s'est bâti une renommée sur un mode de jeu foncièrement linéaire. À ce jeu-là, Metro Exodus n'échappe malheureusement pas et se prend les pieds dans les rails.
Comme dans les précédents opus, nous incarnons Artyom, ce protagoniste silencieux évoluant dans une Russie ravagée par une guerre nucléaire et contraint de vivre dans le métro. Ce qui faisait le charme des jeux antérieurs, c'était cette quête de survie dans un univers claustrophobique, où l'obscurité du métro cache aussi bien des mutants que des humains ayant perdu toute humanité.
Ce nouvel épisode de la saga nous fait donc quitter les tunnels oppressants, étouffants et imprévisibles de Moscou pour vaquer à la campagne et respirer le bon air pur dans les zones épargnées à bord d'un train branlant et d'un équipage restreint. Une tentative pour le studio de toucher au monde ouvert, mais avec succès ?
Malheureusement, non. Si la première carte en monde ouvert impressionne par sa ressemblance avec Stalker, la comparaison s'arrête là. On ne sent jamais que cette carte a quelque chose à offrir, mis à part des morceaux de journaux à récupérer ici-et-là pour donner l'illusion d'un "lore". Des quêtes secondaires en faible quantité, voire inexistantes, et presque aucune interaction singulière avec le monde nous font déchanter très vite sur ce monde prétendument "ouvert" qui, sans la liberté de choisir son chemin, ressemble à s'y méprendre à quelque chose de très linéaire. On vaque d'un objectif à l'autre sans avoir l'impression de contrôler quoi que ce soit. Quelle déception de ne pas pouvoir choisir quoi prioriser !
La seconde carte, au design désertique, s'avère encore plus décevante. Malgré des tempêtes de sable impressionnantes, elle accumule les faiblesses du premier niveau. Les points d'intérêts sont insipides, les ennemis monotonement identiques, et la nouvelle voiture, ajoutée pour cette suite, est contrainte à des trajets bien trop prédéfinis (on peut faire du hors-piste, mais si c'est pour se buter sur la moindre tôle toutes les cinq mètres, bon...)
Pour la suite de l'aventure, on sent que l'équipe dédiée au budget est passée par là, en agitant les bras, paniqués : "On a plus un rond bordel, on arrête cette idée de monde ouvert !". Résultat des courses, la carte suivante est linéaire (et inintéressante) et la seconde est semi-linéaire (mais pas du tout oppressive ou stressante). Il n'y a finalement que la dernière carte qui sauve la donne. C'est d'autant plus marrant qu'elle réussit cet exploit par le fait même qu'elle est purement linéaire, oppressante, stressante et étouffante. Toutes les caractéristiques qui ont fait le succès des deux premiers Métro.
Si le level design déçoit, laissez-moi défoncer le jeu encore plus en exposant son scénario. C'est niais. C'est incroyablement niais. Les personnages sonnent faux, surjouent, se répètent, font des logorrhées pour ne rien dire. Anna, la femme du protagoniste, est fou d'amour transi pour ce dernier et ne manque pas de le rappeler en imitant les pires soaps-opera. Les personnages s'expriment de façon si naïve que ça me sortait du jeu, ce qui est vraiment vraiment assez rare pour être signalé.
Par ailleurs, le choix de garder Artyom muet est discutable : si cette approche vise à renforcer l'immersion, elle est sapée à chaque interaction avec des personnages qui attendent désespérément une réponse de notre héros silencieux. Ça marche dans Half-Life parce que les PNJs ne s'adressent pas à Gordon sous forme de dialogue, ou du moins, leurs dialogues se suffisent à eux-mêmes et ne nécessitent pas de réponse. Tout le contraire de ce que fait Metro Exodus, et une belle opportunité manquée de donner une voix à Arthyom (surtout qu'il parle pendant les temps de chargement bordel !). Rajoutez à ça un doublage français extrêmement inégal, et vous avez là un plot qui fait ploc.
Pour le gameplay, c'est pareil et ça rejoint ma critique sur le level design, car j'estime que ces deux-là sont liés. Au risque de me répéter, ce qui marchait dans les précédents Métro, c'était la tension constante : on stresse en cherchant le moindre recoin pour les munitions, on panique en entendant grouiller dans les conduits ou on s'affole en voyant que nos filtres ne vont pas être assez nombreux pour survivre dans cette zone irradiée. Dans Metro Exodus, on manque de munitions ou de filtre ? Non en fait ça va, on peut en crafter avec deux ingrédients magiques dans notre sac à dos portatif qui peut tout faire.
Bon, j'ai bien défoncé le jeu. Pourtant, je n'ai pas passé un si mauvais moment. Les gunfight sont satisfaisants, l'idée de pouvoir modder ses flingues en ramassant des accessoires est très cool, le jeu et les décors sont jolis (à défaut encore d'être terrifiants). Les quelques moments de tensions sont très réussis : le complexe aux araignées ou la cité morte sont deux très bons exemples de ce qui fait un bon Metro. Ajoutez à ça des FX réussis (sauf la bande-son qui est extrêmement discrète) et vous auriez presque un bon jeu.
Malheureusement, le jeu manque ce côté oppressant et stressant des premiers Métro. On ne se sent jamais en danger par un monde trop ouvert, jamais libre parce que trop guidé, jamais pris par les sentiments à cause d'une écriture très bancale... Metro Exodus semble avoir raté son train pour le succès et a plutôt pris un billet en classe éco vers le monde ouvert... Peut-être que la prochaine fois, les développeurs songeront à prendre le métro.