Metro Exodus
7.3
Metro Exodus

Jeu de 4A Games et Deep Silver (2019PlayStation 5)

Metro Last Light et Exodus : Deux formules, un seul gagnant

Après des mois, que dis-je, des années, de lobbying de la part d'un ami pour que je joue à Metro Exodus, je m’y suis enfin mis. Mais, fidèle à mes principes à la con de ne jamais trop passer un bon moment, j’ai tout de même voulu lancer Last Light avant, histoire d’être au point sur l’histoire. Avant même Last Light, il y avait tout de même Metro 2033, mais j’ai dû essayer cet épisode 3 fois, toujours en l’abandonnant relativement rapidement. Des années plus tard, je ne sais jamais trop pourquoi. Last Light me l’a rappelé.


Pour une version illustrée et mieux mise en page, c'est par ici.


On ne va pas refaire un long sujet sur la saga. Je peux tout de même rappeler que le studio de développement en question est 4A Games, qu’il fut fondé par des développeurs Ukrainiens qui avaient précédemment bossé sur STALKER Shadow of Tchernobyl. Si la direction que prendra la série Metro est légèrement différente de celle de Stalker, les bases de ce dernier resteront, notamment dans le gameplay et l’ambiance. En effet, Stalker se déroule dans une zone post-catastrophe nucléaire (la centrale de Tchernobyl) où les radiations ont engendré des monstres. Axé sur la survie et l’exploration dans des environnements légèrement ouverts, la trilogie met l’accent sur une ambiance froide, et le sentiment de solitude. En 2010, 4A Games sortent quant à eux le premier Metro 2033, adapté du roman éponyme de Dmitri Gloukhovski. Il reprend le côté post-apocalyptique de Stalker, ainsi que sa base FPS, mais abandonne presque par définition ses zones ouvertes. Très porté sur l’ambiance pesante malgré tout, c’est un fps bien moins axé sur la survie, et plus Hollywoodien. Il se déroule majoritairement dans les sous terrains de Moscou où l’on incarne Artyom, un héros muet qui fait partie d’un groupe de survivants à une guerre atomique. L’extérieur de la ville n’est plus vivable à cause des radiations et des mutants qu’elles ont engendrées. J’ai quelques vagues souvenirs du jeu, notamment sur l’ambiance très soignée, mais c’est bien sur ses suites que je souhaite m’attarder, sachant que Last Light, reprend peu ou prou la même formule.



Metro Last Light, donc, est sorti en 2014. Le premier jeu étant édité par THQ, chez 4A Games, ils ont dû un peu paniquer quand l’éditeur a fait faillite. Heureusement, la licence fut rachetée par Deep Silver et le jeu a pu voir le jour avec une date de sortie repoussée. Il adapte toujours la série de romans qui fait suite à 2033 mais avec plus de libertés. Etant donné mon absence de souvenirs sur 2033, j’imaginais vraiment la série comme du STALKER light. Un jeu lent axé sur la survie dans des endroits désolés et sans vie, à part les quelques monstres qui y rôdent. Ça m’effrayait. Déjà, je n’ai pas une grande affection pour le genre du post-apo, et encore moins pour la survie (l’un est souvent lié à l’autre). Seulement, j’avais tort. Metro Last Light n’est ni un jeu de survie, ni même un jeu qui voudrait avoir une ambiance lente. C’est une campagne de Call of Duty. C’est rude, mais c’est la triste vérité. Metro Last Light est un FPS extrêmement linéaire qui ne propose que deux types de séquences. On trouve des moments narratifs où l’on doit suivre un personnage qui va nous faire de l’exposition, dans lesquels si l’on peut se déplacer, ce sera le maximum d’interactions qu’on pourra avoir. Essayez d’atteindre cette porte avant le pnj et vous ne pourrez pas l’ouvrir, pas tant qu’il ne vous aura pas donné la permission. Et avec un héros muet et qui le restera tout au long de la saga, j’ai eu beaucoup de mal à m’immerger dans cet univers. Attention quand je dis qu’il est muet, c’est pour le joueur. Pour le scénario, Artyom est censé avoir une voix, c’est d’ailleurs le cas pendant les temps de chargement. Ça créé constamment des moments ridicules où les autres personnages discutent avec nous sans jamais entendre nos réponses. Mention spéciale pour la séquence de torture dans Last Light où le bourreau nous hurle « TU VAS PARLER OUI » et les nombreux moments d’Exodus où nos alliés tentent de nous contacter par radio en paniquant « Artyom, je ne capte pas ton signal, on ne t’entend plus ». Le scénario m’a de toute façon laissé de côté. Très rattaché au premier et ses conséquences, il tente à la fois de raconter la suite de l’histoire des Sombres (une espèce née suite à la guerre nucléaire dont on ne connait pas forcément les intentions) et une nouvelle guerre entre les factions : l’ordre (auquel Artyom appartient), le Reich et les Rouges. Malheureusement, ce dernier aspect m’a semblé écrit de manière tellement binaire que j’ai eu du mal à m’y intéresser. Il n’y a aucune subtilité dans l’intrigue, simplement les gentils et les méchants. Dans un monde post-apocalyptique qui prend tant de temps à exposer son univers, j’avoue que je m’attendais à bien mieux de la part du scénario.


Bref, l’histoire ne m’a pas convaincu et les séquences narratives de poussage de stick sont très laborieuses. J’inclus aussi dans ces phases les moments scriptés de poursuites en chariot ou de fuites Hollywoodiennes qui n’ont rien à faire là, mais ne servent qu’à illustrer l’absence de réelle direction dans la proposition du jeu. Enfin, l’autre type de missions, c’est de l’infiltration basée sur la lumière. Et ça ne marche pas vraiment. L’IA est soit d’une stupidité affligeante (on peut leur frôler le visage, tant qu’on est dans l’ombre, ça passe), soit d’une réactivité incroyable à l’instant où l’on met un orteil dans la lumière et qu’ils nous captent à l’autre bout d’une pièce. Et face à un level design pas toujours clair, il vaut mieux foncer dans le tas comme un bourrin, ce qui ne procure pas spécialement de plaisir. Celui-ci manque de clarté dû au fait que la sortie d’une salle n’est pas forcément évidente. Dans une salle d’infiltration en feu vers la fin de l’aventure, la seule sortie se trouve en soulevant une poutre enflammée à un endroit précis, alors que toutes les autres ne sont que du décor. La survie quant à elle est quasiment inexistante, avec simplement un masque à gaz à équiper de temps en temps et trouver des filtres à air pour le recharger. C’est de l’illusion, qui fait parfois effet en termes d’immersion, mais c’est tout. Difficile de lui reprocher cet aspect précis cependant, étant donné que la survie n’est pas forcément ma tasse de thé. Je prends l’illusion. Avec le masque qui peut se briser, les gouttes de pluie qui tombent dessus, le sang des ennemis à nettoyer avec une touche dédiée, c’est même dans ces moments que l’attention aux détails fonctionne le plus. Malgré tout, entre ses séquences Hollywoodiennes qui m’ont constamment sorti de l’expérience ainsi que son infiltration frustrante, je n’ai vraiment pas passé un bon moment dans Metro Last Light.



Pourtant, dans toute ma rage et mon ennui, j’ai quand même pu profiter d’une direction artistique hors norme. Les villages reconstitués dans le métro et les quelques paysages ravagés de la surface peuvent couper le souffle tant ils sont inspirés visuellement. Et quand je vois ces décors face à ce que le jeu nous fait faire, une campagne tristement Call of Duty-esque, honnêtement à ce stade, ça pourrait être un jeu de rythme que ça ne me paraitrait pas moins pertinent. Cette direction artistique, pourtant, c’est exactement ce qui m’a fait lancer Metro Exodus, et très étrangement montré qu’il n’y avait finalement pas grand-chose à ajouter à cette formule pour me la faire apprécier.



Metro Exodus est sorti en 2019 (toujours édité par Deep Silver) et fait suite à Last Light, même si l’intrigue s’éloigne complètement des enjeux des deux premiers titres et donc pourrait être fait indépendamment. Ne faites pas comme moi quand on vous dit de jouer à Metro Exodus, jouez juste à Metro Exodus. Le jeu reprend la même formule que Last Light et ses deux premières heures sont loin d’être rassurantes, cependant. La même infiltration foirée, les mêmes dialogues d’exposition lourdingues avec un personnage sans personnalité, … Puis on arrive dans une zone ouverte. Juste une zone, pas véritablement un open world. Une petite zone. Juste assez grande pour qu’on ait envie de l’explorer un minimum, pas trop grande non plus qui donnerait le sentiment d’être dans un jeu Ubisoft. Cette zone change tout. Mécaniquement, et en termes de rythme, elle vient calmer les choses et proposer une expérience plus lancinante, plus contemplative que par le passé. Les séquences d’infiltration ou de narration sont toujours présentes, mais bien plus digestes grâce à cette petite liberté. Et vraiment, ce n’est pas de l’exploration ultra poussée, mais ça suffit. La traverser en entendant simplement le bruit de nos pas, en profitant des paysages somptueux ou en encaissant les quelques effets météorologiques suffit à créer l’illusion. A un moment, la quête principale nous demande d’aller dans un hangar à l’autre bout de la première map. Tout droit, ça ne prend même pas 10 minutes, mais en chemin il y a des bâtiments abandonnés qui valent peut-être le coup d’être explorés, pour le loot, simplement. A mi-chemin, nos alliés nous contactent aussi pour nous indiquer sur la map qu’une enfant de notre groupe a perdu sa poupée pas loin, ou qu’ils ont entendu quelqu’un jouer de la guitare dans le coin. En nous précisant, à la fois que c’est un petit détour, et que d’un autre côté, ce n’est vraiment pas très important, il laisse sincèrement le joueur prendre la décision d’aller voir ou non. Couplé aux très légères mécaniques de survie (les munitions en petit nombre, le masque à oxygène et la lampe torche à recharger, les camps ennemis qui se positionnent différemment selon s’il fait jour ou nuit) l’aventure devient véritablement immersive grâce à cette liberté de mouvement, sans pour autant tomber dans quelque chose d’aussi austère et radical que STALKER. Le monde reste hostile et si l’on ne se fait pas harceler par les ennemis quand on le traverse, on trouve quand même bon nombre d’ennemis dans les différents camps : bandits comme mutants, qui nous rappellent que sans être le top du genre, la saga peut parfois aussi être un bon FPS. A la fois plus posé, sans pour autant abandonner sa direction action, Metro Exodus impressionne par son rythme, et sais parfaitement gérer la longueur de son aventure en se concluant en une quinzaine d’heures seulement pour les joueurs les plus pressés.



Grâce à ses parenthèses, ces respirations bienvenues où le joueur peut enfin avancer à son rythme et profiter de l’univers, les autres types de séquences paraissent bien moins agaçantes, alors qu’au fond, elles ne sont pas spécialement plus réussies. L’infiltration reprend exactement la même formule que celle de Last Light, à la différence près que le level design semble mieux pensé, bien plus clair. L’IA des ennemis demeure assez stupide, mais a tout de même moins de réactions improbables qui viendraient gâcher une séquence. Au niveau du scénario ceci dit, en abandonnant ses histoires de guerres de faction et en proposant un road trip en train avec une poignée de survivants, la trame est bien plus humaine et attachante qu’auparavant. Là aussi, le jeu le sait, et dans des petits segments d’interlude entre deux nouvelles régions, on peut profiter de moments d’intimité avec tout l’équipage : voir les relations entre les personnages évoluer, les voir retrouver l’espoir. L’intrigue se situe à hauteur d’homme et quand bien même je n’en suis pas sorti dévasté ou comblé par les différents personnages, il y a des moments qui fonctionnent, notamment la fin poignante dans son dernier couloir, accompagné par le thème principal qui va crescendo. C’est aussi dans cette fin qu’on constate les conséquences, non de nos choix, mais de nos actions, comme dans les deux premiers. Les jeux n’ont jamais voulu être très clairs dans ce qui va influencer la fin qu’on obtient, bonne ou mauvaise, tentant de s’adapter plutôt à la façon de jouer du joueur. Plus ou moins léthal, plus ou moins infiltration. Si j’avais trouvé le résultat audacieux mais bancal dans Last Light, dans Exodus, ça m’a paru plus fin, plus logique. Ce qui détermine d’ailleurs la bonne ou mauvaise fin est même particulièrement malin et cohérent avec les précédentes conséquences de votre traversée. L’aventure est tellement mieux maitrisée, à tous les niveaux, que quand on arrive dans les deux dernières zones du jeu (sur 4), bien plus linéaires, ce n’est pas grave. Parce que j’ai pu aller à mon rythme avant, et qu’elle a su m’exposer bien plus simplement ses enjeux, en m’investissant. Sur la fin, je n’ai eu aucun problème à laisser les commandes au jeu pour qu’il reprenne le contrôle du rythme et de l’histoire. Il faut dire aussi que le dernier segment de l’aventure propose une direction artistique à tomber par terre. Soutenue par une technique irréprochable, je pense que Metro Exodus fait partie des plus beaux jeux que j’ai pu voir de ma vie, avec des plans horrifiques dans la dernière zone qui rendent mieux que sur des artworks. Ce qui précède n’est pas en reste. Les zones ouvertes profitent d’ailleurs d’un cycle jour/nuit qui permet de renouveler l’ambiance et de sublimer cette direction artistique qui sait aussi parfaitement jouer avec les effets de lumière. Magnifique même à sa sortie, il est à noter que le jeu a aussi bénéficié d’une ressortie en édition Enhanced (gratuite pour les possesseurs de la première version) en 2021. Celle-ci améliorait grandement les effets de lumières et amenait surtout le ray tracing sur PC comme sur consoles.



Il est également amusant de souligner que les deux dlcs de Metro Exodus résument parfaitement les deux directions différentes de la saga. Le premier, The Two Colonels, se déroule dans une série de couloirs très linéaires et penche pour une approche plus narrative. Il échoue à mes yeux exactement comme Last Light, avec une approche dirigiste laborieuse, et une écriture d’exposition qui peine à convaincre. Le second, Sam’s Story, sans être formidable (notamment à cause d’un boss récurrent franchement catastrophique à affronter) nous replonge dans un environnement ouvert en extérieur, et nous saisi de nouveau par sa beauté et sa désolation macabre. Mieux rythmé, mieux écrit, il n’arrive pas à la cheville de son aventure principale, mais nous redonne un petit aperçu de ce qui faisait sa force. Deux formules donc résumées par ces dlcs. Si j’ai évidemment ma préférence pour celle d’Exodus, je peux comprendre que ce ne soit pas le cas de tout le monde. Cet article, comme tous, n’est après tout que mon simple avis. Je trouve cependant intéressant et paradoxal le fait qu’à mes yeux la saga « Metro » ne devienne réussie qu’à partir du moment où elle abandonne celui-ci.


Plus linéaire, plus spectaculaire, plus narrative, sans temps morts, la saga Metro a voulu prendre le contrepied de STALKER, s’en distancer, avec ses deux premiers épisodes, en proposant une autre vision d’une Europe de l’Est post-apocalyptique. C’est finalement en abandonnant ses enjeux grandiloquents et en empruntant des moments de calmes à la saga de Tchernobyl que le jeu de 4A Games devient le plus pertinent. Il aura fallu passer par les deux premiers épisodes laborieux, mais il me semble que la formule établie par Exodus donne enfin à la série une identité qui jusqu’ici ne se trouvait que grâce à sa direction artistique baroque de la fin du monde. Celle-ci coexiste dans le dernier épisode avec des enjeux intimes plus intéressants et un rythme bien plus maitrisé, pour un résultat qui à défaut d’être un chef d’œuvre, devient tout de même un incontournable du post-apo dans le jeu vidéo.

TruffeMax
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le 18 août 2024

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