Mirror's Edge
7.1
Mirror's Edge

Jeu de DICE et Electronic Arts (2008PC)

Ma critique est globalement en accord avec celle de Maratz, j'ajoute quelques points qu'il n'a pas détaillés.


Parlons d'abord des bons points du jeu.


Il n'est pas laid. Graphiquement, il diffère un peu d'autres jeux sortis à la même époque, avec une plastique froide (et un peu, euh... plastique), une dominante de blanc et de gris avec des couleurs vives, des textures très lisses et un décor très propre. Cela reste des détails superficiels, et au niveau de la modélisation des personnages, les effets et de lumières, le jeu ne se mouille pas vraiment. Les décors ont été repeints pour donner l'impression que le jeu possède son identité graphique propre, en somme, mais ce n'est à mes yeux qu'une couche de peinture.


L'architecture de certains bâtiments n'est pas inintéressante. Avec plus de travail l'univers du jeu aurait pu ressembler à quelque chose, sans doute.


Certains détails sont bien pensés. J'aime beaucoup le fait que quand on saute avec un peu de vitesse, on sente le bruit du vent ou de l'air qui nous balaie la figure. Ce n'est pas grand-chose, mais on se rend compte de la différence que ça fait, surtout quand on enfile un casque.


Je reconnais aussi avoir serré les fesses ou effectué des mouvements involontaires avec les jambes une fois ou deux en effectuant des sauts difficiles. De temps à autre, la sauce prend.


Et quand la sauce prend, elle peut très bien prendre. C'est très agréable de courir et de sauter de bâtiment en bâtiment avec le vent dans les cheveux. J'imagine très bien des aficionados du speedrun de prendre un plaisir jouissif à parcourir les niveaux le plus rapidement possible (et je conseille d'ailleurs aux gens qui ont joué au jeu de jeter un oeil aux records, les speedruns de Mirror's Edge sont très agréables). Cette catégorie de joueur pourra faire abstraction des défauts du jeu, j'imagine, et tant mieux pour elle.


Malheureusement, ça s'arrête là. Le reste du jeu m'a fait déchanter très rapidement.


Je vais commencer par l'univers du jeu.


Il n'est tout simplement pas développé. Le jeu nous présente moins de dix personnages. On sait qu'il y a un réseau de messagers dont fait partie l'héroïne, Faith, dont la vocation est de continuer à transmettre des informations malgré la censure en vigueur. Point.


Quelques bribes d'informations nous sont transmises sur des panneaux, ou sur des écrans dans les ascenseurs. C'est tout. Malgré le fait que les personnages sont a priori au courant de ce qui se trame dans la ville, le jeu n'a pas vraiment envie de partager quoi que ce soit au joueur.


Pourquoi ? D'autres critiques ont mis en avant l'univers épuré. Epuré, je veux bien. Je veux bien que l'accent soit plutôt mis sur le gameplay, que Faith soit un personnage peu bavard, qui n'a pas énormément envie de parler de son passé, qui ne s'intéresse pas au reste du monde, mais on n'est pas dans un film d'une heure trente ici. On est dans un jeu vidéo, il dure huit heures, et un peu plus de contexte ne fait de mal à personne.


J'ai rapidement eu l'impression que l'univers était une coquille vide, et que l'intrigue était là uniquement pour essayer de me convaincre que le jeu était plus qu'un jeu de plate-formes linéaire sans carte du monde. Mais elle n'est -à mes yeux- largement pas assez suffisante pour apporter un peu de sens ou de personnalité au jeu et à mes actions.


Mirror's Edge cherche à être vraisemblable sur plusieurs points. Notre personnage ne peut pas recharger d'armes, n'ayant pas de munitions sur sa personne. Les armes un peu lourdes l'empêchent de courir ou de sauter correctement. Notre personnage n'est pas très résistant, quelques coups peuvent la mettre KO. Un saut un peu trop gourmand, et on s'écrase.


Je comprends cette volonté de paraître crédible, mais c'est encore plus maladroitement exécuté que mon premier saut dans le tutoriel.


Si on s'arrête deux minutes pour réfléchir (ce que le jeu n'encourage pas souvent à faire), on se rend compte que notre personnage est complètement surhumain. Faith est capable de sauter 1m50 de hauteur sans élan. Elle peut courir à 30km/h sans problème sur du bitume, survivre à des chutes de 8m en tombant sur le dos et se relever sans problèmes, s'agripper à un rebord, et sauter un mètre plus haut pour s'agripper à un autre rebord. Je ne sais pas si je suis clair sur ce dernier point, mais ça revient à sauter un mètre en hauteur en pendouillant au-dessus du vide en utilisant uniquement ses bras.


Là encore, je veux bien que des concessions ont été faites pour que le joueur ne soit pas trop frustré. Mais quand je suis capable de telles prouesses acrobatiques, pourquoi est-ce que je ne peux pas sauter au-dessus d'un pot de fleur avec une petite mitraillette dans les mains ?


Pourquoi est-ce que je meurs quand je suis en contact avec des barbelés plus de deux secondes ? Pourquoi est-ce que Faith n'a pas été fichue de se munir d'une cisaille sur elle qui lui permette de couper ces foutus barbelés ?


Deux raisons : D'une part, le jeu est extrêmement peu interactif. On se limite à activer des boutons et des valves (au passage, plusieurs des valves que l'on active servent à désactiver de la vapeur ou d'autres dangers qui n'avaient pas vraiemnt de raison d'être là), et c'est tout. Ensuite, on saute. On court. Voilà. Quelle profondeur de gameplay. Vaut mieux ne pas s'arrêter de courir.


Je me souviens avoir essayé vers la fin du jeu d'avoir essayé d'enjamber une table sur laquelle étaient posées deux lampes de chevet. Impossible. Comme on ne peut pas interagir avec les lampes, elles ne sont pas soumises au moteur physique, et ne bougent pas.


La deuxième raison, c'est que le jeu est horriblement linéaire. On commence le niveau, et on va d'un point A à un point B. On a parfois deux possibilités de sauter d'un bâtiment au suivant, ou deux façons d'enjamber un obstacle. Et quand le joueur veut trouver une troisième solution, il meurt empalé sur des barbelés. Mirror's Edge est inspiré de ce qu'on appelle le Free Running, mais dans Free Running il y a free. Et on incarne des messagers censés pouvoir aller où ils veulent... Le level design contredit complètement le contexte dans lequel le jeu cherche à nous placer.


Malgré le fait que le jeu soit linéaire, on se retrouve parfois à fouiller le décor pour chercher le prochain endroit où sauter, ou la prochaine poignée de porte interactive. Je ne critique pas le côté exploration du jeu (enfin, on reparlera de choses connexes un peu plus loin), mais plutôt le fait que tantôt on suit les lignes de barbelés, tantôt on passe dix minutes à fouiller trois salles parce qu'on a raté la seule sortie possible.


Le rythme du jeu en souffre un peu. Disons que j'ai plus perçu ça comme une faiblesse du level design que comme un véritable échec de ma part. Cela dit, j'ai joué une fois ou deux en étant fatigué, ça n'a sans doute pas aidé.


Les décors sont très peu crédibles. Des barbelés, des tuyaux se trouvent à des endroits quasiment complètement randoms. De même pour les conduits de ventilation. Des planches sont posées à l'extrémité de certains bâtiments pour indiquer des endroits où sauter. Qu'est-ce qu'elles font là ? Mystère. J'aimerais bien croire qu'elles ont été posées par des messagers dans le passé, mais les développeurs ont préféré laisser mon imagination trouver une explication plausible plutôt que se fouler à en trouver une eux-mêmes.


Lorsqu'on peut s'arrêter et jeter un oeil en bas, on se rend compte que très peu d'efforts ont été faits pour étoffer les décors. Sur une portion de route, les mêmes voitures font les mêmes virages toutes les 30 secondes. Les rues sont souvent désertes, et lorsqu'elles ne le sont pas des passants déboulent au même rythme, sans âme.


Par contre, les toits pullulent de monde. Enfin, d'ennemis (de toute façon, les personnages sont soit centraux à l'histoire, soit des ennemis génériques. Pas d'individus louches qui traînent sur les toits, pas de secrétaires dans les bureaux, pas de matelots dans le bateau, rien).


Et les séquences où l'on doit éviter des ennemis sont pénibles. Les séquences de tir sont à mes yeux la plupart du temps agaçantes. On ne peut que très difficilement éviter certains combats, ce qui est un peu dommage, et il m'est arriver plusieurs fois de vouloir m'arrêter pour admirer le paysage et d'être obligé d'avancer dans le niveau à cause d'ennemis. Il m'est arrivé de mourir plusieurs fois de suite et d'être agacé à l'idée de devoir me taper la même vague d'ennemis, surtout quand je trouve leur présence superflue, d'autant plus que les sensations sont médiocres.


J'ai l'impression qu'à plusieurs reprises dans le jeu Faith aurait mieux fait de prendre un taxi tant les toits regorgeaient d'ennemis random.


L'histoire est simpliste et naïve au possible (moins de dix personnages, hein). Le jeu se paye le luxe de se moquer du joueur à au moins deux ou trois reprises. L'une des missions se termine sur un échec, Faith n'a pas obtenu l'information qu'elle voulait. Elle s'arrête un instant pour réfléchir, remarque un énooooooorme panneau sur un bâtiment, se rappelle d'un détail d'un précédent niveau, et conclut que l'entreprise sur le panneau mérite d'être explorée.


Certains des dialogues sont ridicules. Certaines des scènes sont misérablement scriptées, ou incroyablement convenues. Je ne me suis pas arrêté pour les noter, mais certaines des répliques ou des justifications données par les personnages étaient aberrantes.


Ah, si. Petit spoiler dans la suite :




Dans le dernier niveau, on retrouve Miller, qui sort de nulle part (aucune explication n'est donnée pour justifier sa présence dans un endroit aussi avancé du dernier niveau, ni comment il a pu convaincre les deux personnes qui l'accompagnent qu'il n'est pas suspect). Il nous raconte je ne sais plus quoi de bancal, avant de sortir un 'je vais les retenir, fonce' et de braquer son arme dans la direction de la salle dont est arrivée Faith. Plus cliché et convenu tu te jettes dans le vide.


Il communique par intercom (c'est ça le terme ? Désolé si je me trompe), et un peu plus tard, il émet un cri, on entend des coups de feu et des parasites, et là aussi ça m'a paru incroyablement convenu et cliché. J'ai d'ailleurs eu l'impression que même le doubleur n'y croyait pas.


Il parvient à débloquer l'accès à un ascenseur à distance. Apparemment tous les personnages -Faith mise à part- sont des experts en piratage.




Le jeu se termine de façon un peu imprévue, sans véritable conclusion, sans explication claire. Les 'méchants' avec lesquels on interagit sont parachutés dans le scénario.


Les points de départ de tous les niveaux sont complètement arbitraires. Faith débarque sans explication, on n'a aucune idée de la façon dont elle est arrivée là, et le niveau démarre. Pourquoi ? Pourquoi nous faire démarrer là et pas ailleurs ? Mieux, pourquoi ne pas nous avoir laissé effectuer le déplacement nous-même ?


Faith se déplace à l'aveuglette. Dans l'un des niveaux, Mercury indique dans l'intercom qu'il est en train de jeter un oeil aux plans du bâtiment dans lequel on se trouve.


Mais, euh... Et Faith, pourquoi n'a-t-elle pas jeté un oeil aux plans ? Pourquoi le joueur n'a-t-il pas accès aux plans ? Absurde. J'aurais trouvé cela beaucoup plus crédible que lorsqu'elle sait à l'avance où elle va aller elle passe un peu de temps si possible à étudier les plans pour éviter des mauvaises surprises.


Il y a tellement de pourquoi dans ce jeu...


Pourquoi peut-on ouvrir certaines portes (en se pétant le poignet à chaque fois) et pas d'autres ? Pourquoi peut-on casser certaines vitre avec le poing et pas d'autres ? Pourquoi avoir intégré des séquences de tir avec des ennemis génériques quand le jeu n'en avait pas besoin et que cela ruine le rythme du jeu ? Pourquoi chercher un semblant de vraisemblance quand le reste des choix de gameplay et de level design contredisent cette vraisemblance ? Pourquoi est-ce que je démarre chaque niveau à un endroit random ? Pourquoi est-ce que le déroulement du jeu ressemble-t-il autant à celui d'un film hollywoodien creux ? Pourquoi les ennemis pensent-ils que c'est une bonne idée de m'attaquer un par un ?


Le jeu avait tellement de potentiel. C'aurait pu être un monde ouvert où le joueur se retrouve à étudier des plans de bâtiment pour trouver un chemin envisageable. Il aurait pu intégrer des éléments d'infiltration. Il aurait pu nous faire, euh, délivrer des messages à des gens, parce que c'est le rôle de Faith, non ? Des individus qui auraient pu jouer un rôle dans la résistance ? Parce que là on a l'impression que Faith et Mercury font tout le boulot à eux deux. Ouais.


Et le multi. Le multi aurait pu être génial, s'il avait existé soupir.


Mais non, à la place, on a un jeu vide. Le jeu brasse littéralement du vent. Et je ne suis pas sûr que ce soit un bon hommage au free running (il me semble qu'un jeu PS2 intitulé 'Free Running' est sorti en 2006 ou 2007).


Le gameplay est imparfait. On peut faire des choses assez sympathiques, mais il arrive qu'on rate des sauts sans comprendre pourquoi, parce qu'on n'arrive pas sur un mur avec le bon angle. On ne peut pas toujours tourner la tête quand on pendouille, ce qui m'a un peu frustré.


Et un défaut du jeu qui m'a beaucoup dérangé, mais qui n'est pas vraiment de sa faute : la FOV. Le champ de vision.


Un être humain voit en 3D (a deux yeux) et a un champ de vision de plus de 200 degrés. Les jeux vidéo en vue à la première personne ont, pour la plupart, des champs de vision bien plus réduits, quelque part entre 60 et 90 degrés. Un champ de vision plus grand aurait l'air très bizarre sur un écran. Cela limite la, zut comment dit-on en français, la 'spatial awareness' dans les jeux vidéo.


Dans beaucoup de FPS, ce n'est pas un énorme problème. Mais dans Mirror's Edge, où on se retourne souvent très rapidement, et où l'on fait des roulades, ça se remarque beaucoup plus. C'est parfois frustrant de savoir qu'on devrait être capable de voir un ennemi qui se trouve au coin de l'oeil, mais le champ de vision est trop restreint. On se retrouve souvent désorienté alors que 'dans la vraie vie' on ne le serait pas...


En conséquence, j'ai eu un peu de mal à juger de la cohérence du level design à certains endroits. Je me suis retrouvé parfois quelque part sans pouvoir retracer le chemin que j'ai pris, notamment en intérieur.


Cette perte des repères est sans doute inévitable, mais peut-être qu'avec l'arrivée de l'Oculus Rift et la réalité virtuelle, on pourra espérer un jour voir un jeu reprenant le concept de Mirror's Edge exploitant les possibilités que suggèrent l'Oculus Rift. A condition -si c'est EA qui s'en charge- de mettre les designers de Mirror's Edge sur des projets correspondant plus à la catégorie de jeu pour lesquels ils ont vraisemblablement été formés. Ils pourraient, par exemple -pourquoi pas- renforcer l'équipe du futur et inévitable Battlefield 5 (ou 6, je ne sais pas où ils en sont), et laisser la place à des personnes moins agoraphobes.


Ah tiens, un dernier point. Dans n'importe quel autre jeu, j'aurais critiqué le fait qu'une fois qu'on a pris des dégâts, il suffit de s'arrêter dix secondes, souffler un peu et on régénère. Vous savez, cette mécanique très cheap qu'on trouve dans tous les call-of-like.


Ici, je comprends un peu mieux. Justifier le fait que Faith perde la moitié de sa vie ou se casse la jambe tous les cinq sauts est difficile. Cela dit, dans Mirror's Edge, la mort ruine particulièrement l'immersion dans le jeu. Je comprends les choix faits ici et je n'ai pas mieux à proposer, mais j'aurais aimé que ce soit différent, que les designers aient pu trouver un moyen de garder un rythme plus intéressant.

Maqe
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le 13 janv. 2016

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