The Masked Man Removed His Mask.
Dernièrement, je me suis fait une remarque : Dans les limites de l'acceptable, on travaille bien souvent mieux sous la contrainte (temporelle, matérielle,...). Les consoles portables sont, quelque part, contraignantes : lorsque l'on regarde la Game Boy et son écran monochrome ainsi que ses imitations parfaites de bouillies sonores, on remarque que les développeurs ont eu bien du mal à concurrencer dignement les 16 bits de salon de l'époque. Au final on se retrouve avec des jeux potentiellement géniaux qui ont atrocement mal vieillis comme Super Mario Land. La GBA, c'est un peu pareil, sortir une console du niveau d'une super nes en 2001, il fallait oser. Le résultat s'en ressent avec des jeux assez indigestes comme Golden Sun.
De cette contrainte (technique donc), certains ont su extraire des petits chef d'œuvres portables tout bonnement uniques et grandioses : Link's Awakening sur Game Boy est un de ces jeux parfaits. Sur Game Boy Advance, désormais, il y a Mother 3. Alors c'est un peu con qu'il n'ait jamais pu, pour des raisons proprement aberrantes, dépasser la frontière nipponne. Qu'importe, des fans anglophones l'ont traduit et mis à disposition gratuitement sur émulation. Époque bénie que nous vivons, celui qui a dit que c'était mieux avant est un ahuri fini.
Quelques lecteurs avertis pourraient me qualifier d'élitiste du fait de mettre 10 à un jeu obscur qui ne verra jamais le jour dans nos contrées.
Ils auront raison.
Excepté le fait que Mother 3 mérite amplement sa note. Il m'a fait vivre une expérience inédite et m'a bercé de sa magie des jours durant. Ce 10 n'a rien à voir avec le 10 que j'ai mis à FFIX, par exemple. J'avais 12 ans et j'avais touché à une trentaine de jeux au bas mot. C'est le jeu qui m'accompagnera toute ma vie. Là j'ai 23 ans et senscritique m'indique que j'ai déjà parcouru 613 jeux. C'est le jeu qui a su me transporter et me surprendre à un moment où de telles émotions deviennent, de fait de la quantité des expériences, assez rare.
Basiquement, c'est un jrpg assez simpliste de 25 heures avec une longue intro et une fin totalement épique où l'on dirige une équipe de 4 personnages (ayant chacun leurs spécialités) souvent dispersée au 4 coins du monde pour le sauver. Y'a pas de combats aléatoires mais y'a du tour par tour à la dragon quest en plus dynamique (un coup mortel ne vous tue pas, il fait descendre votre compteur de vie. Avant qu'il n'atteigne zéro, vous avez le temps de vous régénérer ou de mettre fin au combat) et du levelling (mais pas trop). Y'a des personnages bizarres, des situations tantôt rocambolesques, tantôt épiques, tantôt touchantes, souvent géniales, constamment incroyables, des musiques entêtantes, des graphismes et des décors très jolis et un univers attachant.
C'est l'histoire d'un père de famille, d'une étrange princesse, d'un singe en quête de liberté, d'un homme avide, de mystérieux soldats urbanistes, d'une île, de ses habitants, de ses changements, et d'un petit garçon qui part pour tenter de sauver ce qui peut encore l'être. C'est l'histoire de bien d'autres personnes et de bien d'autres thématiques passionnantes et incroyablement bien écrites.
Au fond, c'est surtout l'histoire d'un joueur, vous. Enfin moi, ou nous. Bref, vous avez compris. Le joueur est constamment placé au centre du jeu, à tel point qu'il en devient un personnage à part entière, bien plus qu'un simple spectateur. Si bien des jeux ont brisé le quatrième mur, avec ou sans génie, Mother 3, redéfini la notion d'interactivité.
J'ai été touché, au cours du jeu, par les situations, les dialogues, la profondeur des personnages, j'ai ri aux éclats bien franchement pour peut être la première fois de ma vie devant un jeu vidéo. Ce n'est pas parce que le jeu est plus dramatique ou bien plus drôle que les autres, c'est parce qu'il fusionne avec le joueur, il l'intègre en son sein. C'est peut être un peu fou, mais je me suis surpris à répondre raisonnablement à des choix sans importance, là où je prends un plaisir infini à tout foutre en l'air dans les jeux Bioware. Dans Mass Effect, c'est mon avatar qui en subira les conséquences. Mother 3 a réussi à me faire croire que c'est moi, moumoute, qui les subirai.
J'ai mon intégrité et je ne pouvais pas raisonnablement faire du mal à ces pnj, je n'aurai pas pu regarder ces tas de pixel en face si je n'avais pas été honnête avec eux.
C'est comme manger son chat, c'est émotionnellement impensable. Et bien dans n'importe quel autre jeu vidéo, je l'aurai fait, rien que pour voir ce que ça fait. Mais pas dans Mother 3, et c'est ce qui fait la plus grande force de ce jeu incroyable.