Temps de jeu : 10 heures
Reçu dans le Humble Monthly Bundle de Janvier 2017
Test rédigé pour Nintendo-Difference [#29]
Disponible sur PC depuis 2016, Mother Russia Bleeds entend tout fracasser sur Nintendo Switch. Disponible depuis le 15 novembre dernier sur le Nintendo eShop, le titre français édité par Devolver Digital promet de plonger ses joueurs dans une aventure pleine de violence, de crasse et de substance illicite. Pour près de quinze euros, que vaut ce voyage exotique en terres soviétiques ? Une chose est sûre : à la fin de ce séjour unique, vous n'afficherez plus un sourire à la dentition parfaite !
Winners don't use drugs
Produit passé sous le manteau un froid jour d'hiver, Mother Russia Bleeds est le premier bébé du Cartel, un studio français indépendant basé à Paris. Le jeu, un vrai délire psychédélique à la limite de la schizophrénie, ne cache pas ses fortes inspirations de Hotline Miami ou de Streets of Rage. On devine aisément le gameplay du second, un beat'em all bien oldschool, ainsi que l'ambiance du premier, sacrément crade, dérangeant et violent. Tout se passe dans une URSS imaginée, au milieu des années 80. Alors que le pays est profondément malade, le joueur incarne un combattant clandestin, enchaînant les bastons de rue pour subvenir à ses besoins. La Bratva, une mafia russe, intervient un beau jour pour kidnapper le héros incarné. S'ensuit alors tortures, expériences douteuses et résultats immédiats. La Nekro, une drogue qu'on lui a refilée durant son petit séjour en labo, augmente considérablement sa force et sa vitesse en échange de sa santé, tant mentale et physique. Son nouveau but dans la vie ? Retrouver les coupables et leur exploser la tronche.
Avec sa vue 2D et son scrolling horizontal uniquement vers la droite, Mother Russia Bleeds n'entend pas révolutionner le genre. On y retrouve toutes les mécaniques du beat'em all old-school : coup faible pour enchaîner un ennemi, coup fort pour stopper la ruée d'un autre ou le mettre à terre rapidement, choppe et jonglage entre plusieurs objets ou armes récupérables dans les niveaux. Quelques combos peuvent être réalisés pour mettre un coup entre les cacahuètes, pour attraper une proie dans les airs, pour la martyriser en l'immobilisant au sol ou encore pour esquiver son attaque. Assez pêchu dans sa dynamique, le jeu prend une toute autre ampleur dès qu'on active la Nekro. Cette mécanique à double utilisation permet, au choix, de se soigner soi-même ou un allié (et même de le ressusciter), ou d'augmenter temporairement sa force et sa vitesse de déplacement. Limitée à trois charges, elle fait office de pouvoir spécial et peut-être récupérée sur les ennemis qui convulsent. Attention toutefois, impossible de pomper le jus des cadavres au crâne explosé ou à la tête décapitée !
Nekrophilie
Assez court, Mother Russia Bleeds peut se parcourir en quatre petites heures en solo. Si la possibilité d'ajouter une IA – relativement stupide – est disponible, le joueur lui préférera des compagnons bien réels. Jouable jusqu'à quatre, avec la possibilité d'activer le tir allié (et donc de les blesser), l'aventure devient un joyeux bordel. Assez répétitif et souffrant de personnages trop semblables dans leur panel de coups, le joueur appréciera grandement les segments de jeu où le titre lui offre des armes à feu ou des katanas. Jouissifs, il s'amusera à tout déchirer devant soi, clochards comme mafieux ou militaires corrompus. Pas franchement difficile en mode normal, les rares morts se montreront parfois irritantes, la faute aux nombreuses cutscenes. On peut certes passer les dialogues, mais leur activation nous est imposée. Les boss se montrent agréables dans leur affrontement, en plus d'être variés (mention spéciale pour le boucher). Seuls les deux ou trois premiers chapitres sur les huit disponibles peuvent refroidir, notamment à cause de leur relative mollesse ou de leur manque d’interaction avec les décors. Enfin les arènes, un contenu annexe où il faut survivre le plus longtemps possible à une infinité de vagues d'ennemis, se montrent sympathiques en coop.
Visuellement soigné, force est d'admettre que le style pixel art crado ne plaira pas à tout le monde, tout comme l'univers sanglant, presque risible tant Le Cartel va loin dans la violence. Il faut dire que l'intrigue n'hésite pas à plonger le joueur dans des séquences angoissantes, basées sur le malaise ou des états de transe. L'oppression du régime pourri, les camés, les mafieux et la bourgeoisie se délectant des combats à mort, d'une torture débridée et d'une sexualité morbide y sont pour beaucoup. La bande-son, principalement basée sur de la synthwave, peine à marquer les esprits malgré quelques bonnes pistes et un joli travail pour retranscrire une ambiance étouffante. Le sound design est assez inégal : les coups de poing manquent de pêche, là où les armes blanches satisfont l'oreille. Le scénario est relativement intéressant, bien que très secondaire. Si l'ensemble est assez grossier, il faut admettre que quelques punchlines sont assez tordantes, tant la recherche de l'insulte atteint le sommet de son art. À noter la disponibilité de deux fins, une bonne et une mauvaise ; la bonne s'obtiendra après avoir battu le boss final sans utiliser de Nekro, que ce soit pour se soigner ou pour augmenter ses attributs physiques.
Verdict : Peut-être ?
Très chouette visuellement, un peu moins sur plan sonore, Mother Russia Bleeds propose un univers unique, violent et complètement barge. Si la mécanique de la Nekro est relativement intéressante, il faut bien comprendre que la première œuvre du Cartel n'entend pas bousculer les codes du genre. Un regret également sur les nombreux temps de chargement ou les dialogues imposés qui ralentissent l'action, notamment lorsqu'on vient à mourir plusieurs fois. Relativement bien équilibré dans sa difficulté, il est vivement conseillé de le faire à plusieurs sur le même canapé, sans quoi l'IA vous donnera quelques sueurs froides. Plus qu'un jeu, il s'agit d'un véritable trip néo-rétro qui se bonifie sur la durée et plus encore un titre réservé à un public de niche, curieux et amoureux de beat'em all, pour peu qu'il n'attende pas la révolution du siècle. A contrario, les autres risquent de se montrer désemparés.