Tout est long quand on a douze ou treize ans. Surtout l'attente fébrile de la sortie d'un nouveau jeu... C'est que Mr Nutz, il me draguait sacrément. Je me souviens de notre première rencontre. En mars 1993, que c'était. Dans les pages previews du défunt Joypad, mon magazine de chevêt. Je me souviens encore de la couv', avec l'écureuil illustré en plongée. Et des photos vantant un graphisme magnifique et un jeu de plates-formes mitonné aux petits oignons par deux français. Oui, deux madame !
Je me souviens des décors luxuriants du level 1 sur lesquels je rêvais, de ses pommes en guise d'ennemis et du vilain boss, une araignée à chapeau. Il y avait aussi quelques photos du level 2, où notre écureuil était sur une plate-forme tyrolienne en train de récolter des pièces. Puis il y avait aussi des décompositions des différentes animations de quelques sprites, nombreuses et à première vue léchées. Mon Dieu, que cela avait l'air d'être bien !
Mais on n'était qu'en début d'année, et il fallait attendre septembre pour mettre la main dessus. Et surtout réunir assez d'économies ou compter sur un geste de parents grands seigneurs. Septembre arriva avec le test dithyrambique du rongeur roux, son 96 % qui mettait un peu plus l'eau à la bouche, ses photos des mondes avancés et le firmament cotoyé aux côtés d'un Super Mario World. L'achat de la cartouche s'affirmait comme indispensable et augurait de nombreuses heures d'un plaisir renouvelé. Mais mon monde s'écroula, quand j'appris, encore via Joypad, que le bel écureuil ne sortirait pas de sa tanière avant un mois. Puis encore un mois. Puis encore un autre. Pour mon plus grand désespoir. Au point de croire que cette maudite cartouche, elle ne sortirait jamais, comme certains de ces jeux tombés dans les limbes du développement de studios incertains et fragiles. A se demander ce qu'ils avaient eu réellement dans les mains pour réaliser le test à l'époque.
Je me souviendrai longtemps de ce matin de Noël où je découvris au pied du sapin, après avoir perdu tout espoir, la jaquette frappée du logo Ocean et où trônait l'écureuil de mes rêves, le jeu enfin fini et entre mes mains. Les autres cadeaux du gros barbu pouvaient bien rester quelques minutes de plus sous l'arbre. L'attente avait été bien trop longue...
Ma Super Nintendo chauffa pendant toute la journée. Puis toute la semaine, à faire évoluer Mr Nutz dans des décors enchanteurs et multicolores, à le faire se débarrasser d'ennemis mignons à coups de queue touffue, de noisettes bien placées et de sauts sur leur cafetière. l'animation était grandiose pour l'époque. Certains ennemis pouvaient mourir de plusieurs façons, comme les pommes du premier niveau que l'on pouvait éjecter du décor, découper ou encore réduire en purée. Les yeux de l'enfant de douze ans que j'étais étaient émerveillés par le souci du détail qui était constant, les superbes environnements et les situations variées. Et les boss ! Ils remplissaient l'écran et étaient toujours divinements animés via le célèbre mode 7 qui gérait les effets de zoom et de rotation, retors à souhait et originaux.
Le jeu était aussi truffé de passages secrets vicieusement planqués, allant jusqu'à obliger le joueur à suicider Mr Nutz dans l'espoir de les trouver. Ils regorgeaient souvent de pièces qui permettaient de faire augmenter le pourcentage de complétude du niveau. Non vraiment, Mr Nutz, c'est l'un des jeux de plates-formes les plus géniaux de la machine avec sa jouabilité au top, son personnage qui répondait au doigt et à l'oeil et son challenge ardu mais pas décourageant pour autant. Tant et si bien qu'elle aura fini par tourner une paire d'années sur ma Super Nintendo, cette cartouche. A tel point que j'en connais les musiques par coeur, dont les notes et les mélodies naviguaient entre le tout mignon et l'inquiétant.
Mr Nutz, c'est l'âge d'or. Un classique parmi les classiques. Un bout de mon enfance enfuie au goût d'un bonheur simple et nostalgique, de la patience récompensée.
Behind_the_Mask, qui adore les noisettes.