J'ai des souvenirs assez flous de Myst à sa sortie. J'avais alors seulement 11 ans et entre deux parties de Megadrive j'essayais de temps en temps sur l'ordinateur de mon père l'un des nombreux jeux crackés qu'il récuperait régulièrement auprès de ses amis. Je PENSE avoir joué à Myst. J'ai des flashs en tout cas. Et quand je dis "jouer" j'ai plutôt du y passer une heure ou deux tout au plus, sans trop comprendre ni quoi faire ni comment avancer. Mais son ambiance étrange et onirique m'avait marqué, clairement. Je me souviens qu'on en a parlé pas mal dans la presse jeux vidéo. Je me souviens qu'au cours des années qui suivirent, c'était un titre qui revenait souvent dans les discussions videoludiques, qu'il avait une certaine aura. Il m'aura fallu attendre 30 ans pour que finalement, en 2024, je joue enfin à Myst. Reellement. Et vous avez vu ma note, oui c'est un jeu unique et fantastique.
Je ne vais pas forcement faire une critique complète du soft, mais je m'étais fait quelques reflexions en y jouant et j'aimerais les partager. Sinon pour ceux qui ne connaissent pas ce jeu culte, au moins de nom, je résume rapidement le propos : nous sommes seul sur une île qui est en fait un puzzle gigantesque, rempli de machines étranges qui semblent aussi anciennes que futuristes. Est-ce qu'on est dans un univers de SF? ou de Magie? un peu des deux et il regne sur cette petite île de Myst une étrangeté, une ambiance particulière difficilement descriptible, presque desuète mais délicieuse et addictive.
il faut jouer à Myst dans sa version originale. Celle où il n'y a pas d'animation entre les deplacements. Où l'on passe d'un cadrage à un autre sans transition, un peu à la manière des vieux dungeon crawlers mais ici c'est en cliquant directement dans le décor plutôt que sur des fleches haut bas gauche droite. Puriste, moi? Peut être. Mais cette succession de beaux paysages statiques participe aussi beaucoup à l'ambiance onirique du jeu. L'impression d'explorer un livre d'image, de penetrer un conte et d'en visiter les pages. Et ça tombe bien puisque thematiquement le "livre de Myst" est au coeur de l'histoire....et soudain dans ce roman-photo surrealiste un objet s'anime, bouge, se transforme. Comme si le livre s'animait par endroit, tentait de prendre vie. Des petites animations par ci par là, qui renforce l'etrangeté de cet univers. Si, si, croyez moi, ne soyez pas blasé, projetez-vous dans ce début des années 90s où tout est encore possible, où rien n'était encore formaté dans le business du jeux video. Mention spéciale également au travail sur le son : la musique, les FX, les sons. Tout participe à l'immersion. Tout à son importance. Même pour les enigmes....
En parlant d'enigmes, Myst a aussi sa singularité : contrairement à bien d'autres softwares du genre, nous n'avons pas droit à une succession de puzzles, de mystères à résoudre. Non, l'île elle-même est finalement une seule et grande enigme. Un puzzle-monde qu'il faut penser comme un tout. D'ailleurs dès le début de l'aventure le joueur à accès à TOUTE l'île, qui n'est d'ailleurs pas très grande. Il faut donc s'inverstir dans son histoire qu'on découvre à travers une bibliotheque, afin de donner un peu plus de sens à ce que l'on doit faire. Et se plonger dans l'interconnectivité des divers mécanismes. Il y a une forme de minimalisme qui est très rafraichissant. Ici pas de monde gigantesque, le tour de l'île se fait en quelques clics (oui il y a un twist, je sais je sais...) pas de PNJ (à part les quelques personnages de l'histoire). Pas vraiment non plus d'objets à récupérer pour faire marcher tel ou tel mécanisme de l'île, c'est un peu plus fin que ça, plus subtil...passionant!
un autre point que je voudrais aborder : la Full Motion Video, FMV pour les intimes! Cheesy? oui! Cringe? oui un peu! Cheap? Très certainement. Et pourtant là encore je ne peux imaginer le jeu sans ces passages très typés 90s. Il n'y en pas des tonnes mais elles sont présentes régulièrement. Pour moi ça fonctionne, ça contribue à la bizarrerie de l'ensemble, ce petit quelque chose de pas normal, de pas "normalisé", d'un peu dérangé. Car au fur et à mesure que la technologie informatique a évolué les jeux sont de plus en plus devenu de vrais petits films interactifs, où moments de gameplay et de cinéma s'enchainent avec fluidité. Mais en 93, impossible de retranscrire la grammaire cinematographique, il faut inventer quelques chose de different. C'est un peu bancal, je vous l'accorde. Mais ça renvoit aux limites de la technologie de l'epoque, et c'est justement ces limites qui obligent les game designers à trouver des chemins hors piste, à tenter des experimentations pas toujours réussis mais souvent fascinantes....
Dernières elucubrations avant de rendre l'antenne : qu'il est paisant de jouer à un jeu qui ne vous prend pas pour un imbécile. Trop de jeux actuels, en particulier les triples AAA, prémachent le travail du joueur jusqu'à l'absurde....quand ce n'est pas un symbole sur la carte qui te dit exactement où aller ou quoi faire, c'est ton compagnon de voyage qui te de donne la solution. Va là, fais ça...tout ne devient plus qu'une succession de checklist à cocher. Myst à l'inverse est un jeu exigeant, intelligent, sans non plus être d'une difficulté rebutante (un coup d'oeil dans la soluce de temps en temps ok, mais pas tant que ça comparé à d'autres jeux de la même époque). Il récompense l'investissement dans son univers, la prise de note (et bien oui en fait c'est cool!), la reflexion...et ca fait du bien de vivre ce genre d'aventure, de gameplay en 2024.
Une oeuvre d'art ce jeu? Je le pense. Sa réputation d'oeuvre culte n'est en tout cas pas usurpé. 30 ans plus tard je trouve tout ça toujours aussi pertinent, même si je concois qu'il puisse effrayer certains joueurs habitués de productions plus modernes. Sinon je viens d'apprendre que Myst avait des suites, et que l'episode 2, Riven (sorti 1997), était peut être même encore meilleur que celui-ci...ok je me lance!