Never Alone - Kisima Inŋitchuŋa pour ceux et celles qui veulent faire semblant quelques instants de savoir ce qu'est un Inuit - est un titre médiocre réalisé sous Unity qui pourrait presque passer inaperçu dans l'horizon vidéoludique actuel s'il n'était pas réalisé par une compagnie autrefois possédée par un consortium de tribus natives de l'Alaska. C'est ce fait - monté en key selling point par des spécialistes des relations publiques - qui explique l'excellente presse que ce titre a reçu. Voyez-vous, un jeu Inuit et ça même s'il n'a pas vraiment été réalisé par des Inuits; c'est vendeur.
Déjà, ça fait très ouvert d'esprit et alter-mondialiste de pouvoir revendiquer avoir joué à un jeu adapté d'une légende Inuit. C'est aussi très chic, hein, c'est le genre de révélation qui risque de vous permettre de briller en société tandis que vos interlocuteurs se demandent ce qu'ils ont bien pu faire de maléfique dans une vie antérieure pour mériter d'être coincé avec une conversation aussi soporifique. Oh, vous tenterez de les convaincre du bien fondé du sujet; c'est évident. Mais ils regarderont au loin leurs ami(e)s s'amuser et se demanderont d'autant plus fort s'ils sont capables de développer en vitesse un super-pouvoir qui pourrait - après tout, qui sait? - vous faire développer une rupture d'anévrisme dans les dix secondes à venir. De manière inexplicable un verre en cristal explosera alors dans la pièce d'â-côté signifiant à votre interlocuteur que décidément les pouvoirs de l'esprit sont une dangereuse boite de Pandore que nul ne devrait ouvrir.
Pour commencer, on va couper le nœud gordien - celui-là même qui fut inventé par le Lieutenant Commander Geordi La Forge - ce jeu est réalisé par des visages pâles. Oh, c'est certain, ils ont fait tout leur possible pour que leur récit soit correct d'un point de vue anthropologique et c'est un effort louable. Cela n'a pas beaucoup d'importance en tant que tel car leur titre n'est pas un RPG très profond où l'on apprend les légendes formatrices de la fière peuplade arctique mais bien un jeu de plate-formes réalisé sous Unity. Vous allez à droite. Vous allez à gauche. Parfois vous êtes poursuivi par un ennemi invincible. D'autres vous devez compter sur le moteur physique capricieux du middleware favori des amateurs pas très doués pour assurer votre survie. Le tout selon un système où vous contrôlez non seulement Nuna une petite fille Inuit mais aussi son pote renard mystique qui peut parler aux esprits de la nature. (Comprendre qu'il peut faire apparaître des plate-formes capricieuses qui vous aideront si vous êtes prudent à aller de gauche à droite.)
Dans mon esprit Never Alone est le symbole d'un nouvel archétype douteux issu de l'industrie vidéoludique : le jeu prétendument engagé censé faire de la publicité à une cause qui mériterait bien mieux qu'un titre dispensable de trois heures vendu 15€. Certains me diront certainement que c'est ma vision assez cynique du monde qui me pousse à pareil constat. Et c'est certain : je suis cynique. Mais certainement pas assez pour réaliser le premier titre de l'histoire du jeu vidéo situé dans un setting Inuit et... en faire un jeu de plate-formes médiocre sous Unity vendu intégralement sur sa communication.
Ça, ce serait inouï.