NieR est un jeu intriguant, qualifié de chef d'oeuvre par certains, traité de jeu surcoté par d'autres ou bien simplement raillé pour sa technique jugée défectueuse. Les jeux qui divisent, ça me plait, alors autant dire que quand je l'ai vu à 9€ en rayon il y a peu, je me suis jeté sur l'occasion.
Après une intro mystérieuse, le début ne paye pas de mine : "va à la bibliothèque", "va me chasser des moutons", "retourne à la bibliothèque", "va chez toi", "re-retourne à la bibliothèque", etc etc... j'ai finis par me demander si je m'étais pas encore retrouvé dans un J-RPG archi-stéréotypé à la con. Mais bon, j'avais lu quelques papiers sur ce jeu, vanté pour son originalité, donc il fallait continuer ; et ça a payé.
Alors, c'est vrai, graphiquement c'est pas super. C'est de la PS2 de fin de vie. Ouais, ça fait tâche sur des consoles de la dernière génération. Mais en fait, comme aujourd'hui encore je joue plus à des antiquités qu'à des jeux new-gen, j'en ai légèrement rien à branler. Et puis, les animations sont globalement très réussies (assez rare pour un RPG japonais), les effets d'éclairages sont de très bonne facture, la mise en scène durant les cinématiques est excellente. Ça m'a fait oublié les lacunes techniques, défaut de pacotille à mon goût. Surtout que, contrairement à ce que les gens disent, le jeu est en fait loin d'être "moche"... nous ne sommes jamais rebutés par les graphismes, et l'ensemble est largement acceptable. L'immersion n'est brisée à aucun moment.
Et puis, les graphismes valent-ils plus que les musiques ? On a souvent des jeux magnifiques avec des bandes-son quelconques qui sont encensés. Pourquoi pas l'inverse ? NieR est un jeu avec une bande-son magnifique et des graphismes quelconques. Je milite depuis toujours pour revendiquer l'importance de l'atmosphère musicale dans les jeux vidéo. C'est ça qui fait vibrer bordel, et rien qu'écouter les pistes de cette OST après le jeu nous procure des émotions, nous fait chavirer. Sérieux, quel taff ! Tout est juste dans cette OST, qui s'avère être de plus en plus poignante au fur et à mesure de notre progression. Les musiques chantées, dans une langue inventée en imaginant une façon de parler dans le futur - si j'ai bien compris, subliment l'ensemble. C'est original, déroutant en premier lieu, mais qu'est-ce que c'est sublime. Et puis, même les musiques dans les villes (souvent un peu anecdotiques dans les RPG) ne sont pas en reste. J'ai souvent passé du temps volontairement dans des endroits juste pour écouter la musique. "Yonah" est la piste qui m'a le plus marqué, mais il y en a tant d'autres ! Shadowlord, Hills of the Radiant Winds, Cold Steel Coffin, Grandma, The Wretched Automatons, City of Commerce, Temple of the Drifting Sands, Disposession, Emil Sacrifice, The Dark Colossus destroys all, Kaine Salvation, Ashes of Dream, etc etc... ouais bon en fait, un peu toute l'OST quoi.
Mais pour épauler cette ambiance sonore jouissive, il fallait une histoire réussie et profonde pour éviter que ça sonne creux. Si le démarrage laisse un peu perplexe, s'avère être limite léger, c'est pour mieux s'envoler ensuite. Dès la (géniale) rencontre avec Kainé, le scénario va progressivement installer son rythme et nous scotcher. Et tant pis si le jeu n'est pas dénué de défauts : la carte est très petite, on visite plusieurs fois les mêmes endroits (mais de façon différente !) durant notre aventure, les quêtes annexes sont inintéressantes ou du moins trop classiques (à part quelques unes comme les "attention fragile" ou celle dans la forêt des légendes qui amènent un petit plus), mais bon... Le jeu bénéficie d'une aura tellement puissante à côté qu'on fait fi de tous ces soucis, pour peu, évidemment, qu'on soit pris dans l'ambiance dans le jeu (ce qui ne peut pas être le cas de tout le monde, je le conçois).
Les personnages, pas forcément nombreux, sont excellents. Les deux meilleurs sont, à mon sens, Weiss et Kainé (qui est, pour moi, le vrai personnage principal du jeu tant j'ai eu l'impression de vivre les événements de son côté). La relation entre les deux est d'ailleurs excellente. Même des personnages secondaires un peu plus prévisibles, comme le roi de Façade, sont attachants.
J'ai adoré l'ensemble, qui nous conte une multitudes de tragédies (le cheminement B fait encore plus fort de ce côté-là), et qui en plus propose plusieurs niveaux de lecture. C'est rare de voir une histoire qui aborde des thèmes originaux tout en mixant une mise en scène excellente et une narration très maitrisée. Le jeu n'est pourtant pas prétentieux, et les phases d'humour, pile quand il faut et jamais hors de propos, sont bien présentes et elles aussi très réussies.
NieR arrive aussi à rattraper ses défauts grâce à sa variété de situations en terme de gameplay : on alterne des phases orientés beat'em all avec parfois des vues plutôt hack'n slash, parfois plutôt plateforme, etc etc... et le passage à la forêt des légendes est aussi très surprenant. Si on peut faire le jeu en ligne droite en un peu moins de vingt heures, il ne souffre d'aucun temps mort aussi bien dans sa narration que dans son gameplay. Il y a quelques énigmes également, mais toutes très faciles bien qu'elles soient les bienvenues. Les combats ne sont pas spécialement originaux, mais sont de plus en plus plaisants, avec les différentes magies et les types d'armes différents qui viennent étoffer le tout. Les combats sont plutôt nerveux et correspondent parfaitement au style du jeu lui-même.
Sinon, le level-design est acceptable mais parfois répétitif, le bestiaire manque un poil de variété quand même, au rayon des choses perfectibles.
Bon, je ne sais plus trop quoi dire pour terminer ce commentaire, mais j'ai trouvé ce jeu profondément touchant, au fond magnifique (histoire, musiques, personnages...), peu importe ses défauts de forme (technique, allers-retours...), parce que pour moi, ce sont bien ses qualités qui ont pris le dessus, jusqu'à m'en faire oublier presque totalement ses défauts. En soi, il s'agit déjà d'un véritable tour de force. "Les apparences sont souvent trompeuses"...
L'un des très rares jeux marquants de cette génération.