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No Man's Sky
5.7
No Man's Sky

Jeu de Hello Games (2016PC)

Il est 21 heure ce samedi 13 aout. Le fond de l'air est d'un tiède agréable, je me suis ouvert une petite Duvel après avoir fini mes sushi et j'envisage d'hydrater mon périple spatial à venir à l'aide d'une Mort Subite (une blanche vraiment délicieuse et pas si chère que ça, goutez-là). Ça y est ! C'est téléchargé, paf je lance le jeu. ENFIN !


Arrêtons-nous deux petites minutes pour un quiz. Qu'est-ce que le fun dans les jeux-vidéo ?
- a. envoyer une grosse bastos dans les fesses d'un robot géant tout en faisant des loopings avec une ferrouze lancée à balle de bombe à travers des cerceaux enflammés ;
- b. une simulation réaliste de survie avec des tonnes de variables à prendre en compte et une ambiance sombre au possible ;
- c. casser des cailloux, revendre les cailloux, aller ailleurs et recommencer ;
- d. Obiwan kenobi.


Clairement, j'aime les jeux bac-à-sable donc la réponse C ne me pose pas plus de problème que ça (j'aime bien Obiwan aussi, mais ça n'a rien à voir avec le sujet). Tout dépend de mon humeur et je considère que casser des cailloux en écoutant une conférence sur "l'influence de la philosophie post-cathare sur le cinéma sino-indien de l'entre-deux guerre" (ici pour écouter l'homme le plus merveilleux du monde) est un passe temps comme un autre. C'est pourquoi je n'ai eu aucun mal à jouer une petite dizaine d'heure à NMS.


Mais, diantre c'est que c'est quand même assez décevant ! Je vous rassure, je ne vais pas revenir longtemps sur les arguments qui établissent les problèmes de gameplay du jeu. On comprend rapidement que la boucle de gameplay est très simple et que le jeu mise un maximum sur son ambiance, mais rapidement cela devient ennuyant. L’expérience est agréable mais elle n'est pas renouvelée. Or, la montée en puissance dans un jeu, c'est quand même important. Du côté de la bande son, on a quelque chose de tout à fait excellent (65Daysofstatic, tu es bon) avec un vrai travail de fond, ils ont même créé un programme de gorge virtuelle pour générer les cris des animaux ! Le jeu est assez beau même si la topographie générale n'est pas crédible : pas d'océan, pas de montagne, pas de forêts. Tout est composé de plaines, de lacs ou de ruisseaux, c'est à dire d'un environnement explorable.


Pourquoi pas, après tout le rendu est plutôt beau en vue panorama quoique les textures en procédural ont parfois du mal à suivre et que votre clipping les gars (je m’adresse virtuellement aux développeurs), il est quand même sacrément abusé. En dehors de ça, le propos du jeu a du charme. Des joueurs se sont même appropriés l'immensité spectrale du jeu pour constituer des hommages posthumes à leurs proches décédés, ce qui pourrait à terme être une fort belle manière de faire du jeu un objet qui dépasse sa seule valeur ludique. L'univers est passablement vide, une ancienne civilisation l'a semble-t-il rebooté à l'état de nature. L'idée d'un monde procédural permettrait une joli exégèse sur le sens du réel en s'aidant de Baudrillard : est-ce qu'un endroit qui n'est vécu par personne "existe", patata... Cela en gonflerait plus d'un et il y a autre chose à dire de plus important.


Car, tout cela n'est pas un problème. En réalité NMS est une expérience qui, prise en elle-même, est plaisante et suffisamment audacieuse pour s'apprécier. C'est une ballade qui tire partie d'un fantasme bien commun, celui de la liberté de naviguer où l'on veut. C'est un sentiment appréciable plutôt bien rendu quoique très linéaire.


Je souhaite maintenant m'indigner à propos du vrai problème que pose ce jeu. Je vous propose en premier lieu de lire le thread Reddit de ce contributeur qui a listé l'ensemble des déclarations mensongères (il n'y a pas d'autres mots) dont ont eu recours les gens de la com' : ici. Attention, c'est en anglais.


Il est fréquent aujourd'hui que les producteurs de jeu ou de n'importe quel produit culturel, soit dans l'exagération lorsqu'il s'agit de faire la promotion de leur bébé. C'est "normal", ils essayent de vendre leurs cames. Mais lorsqu'il y a une telle différence entre ce qui a été avancé et le résultat final, on ne peut que s'interroger sur le dispositif qui a engendré une telle absurdité, car la liste des features manquantes est vraiment impressionnante. On rétorque que cela va venir dans des mises à jour, mais rien ne stipule que celles-ci arriverons. Il n'y a absolument rien qui oblige les créateurs du jeu de le finir conformément à ce qui a été promis ! Et c'est là le drame.


Est-ce la faute des développeurs qui ont accepté de se faire financer leur jeu par une grosse boite, vendant ainsi leurs âmes à des capitalistes uniquement préoccupés par des courbes de profits ? Est-ce la fautes des journalistes, enfermés dans un système pervers propre au journalisme culturel qui brouille le recul critique de ces derniers ? Est-ce la naïveté des joueurs qui ont cru des promesses s'accumulant dans un flou artistique digne d'une Raffarinade ?


Il est probablement que c'est avant tout le signe d'un essoufflement général du système actuel, non seulement du secteur du jeux vidéo mais du secteur culturel en général. Les studios, souvent précarisés par une activité à haut coût d'investissement et gargarisés par les ambitions parfois trop gargantuesques des créateurs, ont de plus en plus de mal à suivre les rythmes de sorties et à ternir les promesses de développement. Le marketing agressif n'aide pas !
Lorsque les développeurs passent autant de temps à échanger avec leur communauté il faut que cela ait un intérêt autre que celui de hyper un maximum de monde. On est en ce moment bloqué dans un système où l'éditeur impose des délais et une communication démentielle, ce qui fait cravacher des studios précarisés dans un secteur qui croule sous le fric sans que le consommateur puisse tirer son épingle du jeu. Un titre comme No man's Sky ne vaut pas plus d'une trentaine d'euros pour un consommateur, si vous hypez autant de gens en leur disant qu'il vaudra bien ses 60 euros, il est normal que beaucoup se sentent volés.


Une lueur d'espoir vient cependant de l'autoproduction. Star Citizen est un exemple intéressant de jeu qui se passe d'une unique capitalisation. Les créateurs peuvent ainsi prendre leur temps pour peaufiner leur produit tout en écoutant la communauté et en intégrant des logiques collaboratives dans la production du jeu. En concevant un jeu en collaboratif, un peu à la manière des développeurs open-source, la cible du jeu n'est plus un consommateur à qui il faut vendre un maximum. C'est un partenaire qui a un droit de regard et de décision sur le développement et qui est à même de dialoguer avec une équipe de développement, car il est sur un pied d'égalité avec elle dans une relation de réciprocité (je te paye, tu me fais un jeu, on décide ensemble où ça va). Le rapport de force face à un producteur engage nécessairement les créateurs à surproduire, à survendre et à tenir des délais qui correspondent à des calendriers issus d'analyses marketing. Ce n'est plus une bonne méthode de production ! Que les créateurs s'inspirent des logiciels libres pour voir un peu comment s'émanciper du rapport défavorable qu'ils entretiennent avec les productions. Il y a même une thèse là dessus, on appelle ça des communs (et ça a même chopé un prix Nobel d'économie avec les travaux d'Elinor Ostrom ). C'est, à mon sens, vers ce types d'initiatives que les créateurs ambitieux doivent petit à petit se tourner afin de faire coïncider correctement leurs objectifs créatifs avec les intérêts de leurs joueurs. Ce n'est pas si utopiste ni irréalisable, suffit d'oser.


Bon, je vous laisse ! je retourne sur The long dark. Eh patron, met moi une Mort Subite !

Pôleperdu
4
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le 17 août 2016

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Paul Balmet

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7
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