Temps de jeu : 10 heures
Mon deuxième No More Heroes
Test rédigé pour Nintendo-Difference [#96]
Il avait fait grand bruit en 2007 à l’époque de sa sortie originale sur Wii, puis a joui d’une certaine notoriété au fil des années qui suivirent. No More Heroes est, à l’image de son fantasque créateur Suda Goichi, un titre punk à l’identité bien affirmée. Il aura fallu attendre un spin-off et l’annonce d’un troisième épisode pour qu’enfin Travis Touchdown puisse revivre ses premières péripéties sur Nintendo Switch. En effet, c’est le 28 octobre 2020 que l’opus originel s’est décidé à fouler les terres saintes du Nintendo eShop de cette chère console hybride, pour un prix avoisinant les vingt euros. Armés de Joy-Con en lieu et place de la Wiimote d’antan, on s’est aventuré à réexplorer ce jeu unique et complètement barré, histoire de revivre – ou non – une belle histoire d’amour… et de combats sanglants.
Seize années-là, naquit Travis Touchdown
Dans la ville fictive de Santa Destroy, en Californie, vit Travis Touchdown. Un loser magnifique, adepte de comics et autres mechas, lequel préfère astiquer et secouer son Katana Beam plutôt que de trouver un boulot réglo. Il ne faut alors pas s’étonner de le voir inscrit, un peu à son insu, dans une compétition visant à classer les plus grands assassins du monde. Installé à la place de numéro onze, Travis devra vaincre chacun de ses dix opposants pour espérer prendre la tête de cette hiérarchie morbide et empocher un sacré pactole. Toutefois, pour connaître l’emplacement de chaque protagoniste, le joueur devra réaliser un petit travail prenant la forme de mini-jeux ; tondre la pelouse, ramasser des noix de coco, nettoyer les rues de la ville, autant de petites activités peu excitantes, surtout en comparaison des duels à venir. Rien ne vient sans effort, ni mérite, et c’est bien là la première leçon de ce No More Heroes.
Monde ouvert à la San Andreas de Grand Theft Auto : San Andreas, la populace et la totale liberté en moins, le joueur sera amené à arpenter les avenues de Santa Destroy pour chacune de ses activités, principales ou annexes. Rien de mieux que de se déplacer en moto, avec sa fameuse Schpeltiger, dont les couleurs rappellent volontairement la ligne des vaisseaux X-Wing de Star Wars. Capable d’accélérer via une jauge de nitro, le bolide reste toutefois très particulier à manier, pour ne pas dire assez déplaisant. Il aurait même été préférable de faire tout le jeu à pied, si la zone couverte n’avait pas été aussi grande. On se demande d’ailleurs bien pourquoi Santa Destroy est aussi massive, tant la ville se révèle très pauvre en points d’intérêts ; le joueur aurait certainement plus apprécié un espace de jeu réduit, mais plus dense dans lesdites activités proposées.
Moto, boulot, dodo
Toujours est-il qu’après avoir pris une mission au Pôle Emploi du coin, et après avoir effectué le labeur demandé, le joueur est invité à se mettre sur la route de son prochaine adversaire. L’alternance de ces phases de jeu, très inégales s’il en est, permettent de savourer chaque combat de boss à sa juste valeur. Les enchaîner aurait pu leur faire perdre leur unicité et leur accession méritoire, et même si on apprécie que très moyennement les mini-jeux au-delà d’une ou deux répétitions, on comprend le choix délibéré – et ce parfait dosage – de Grasshopper Manufacture (à défaut de l’approuver). Le voyage n’est pas toujours plaisant, ni amusant, mais l’ensemble marquera à coup sûr le joueur ayant pris la peine de profiter de tout ce que cette épopée a à offrir. Même une fois arrivé au lieu où se déroulera le duel, Travis Touchdown devra d’abord se défaire de moults hommes de main sur la route le menant au boss.
Très linéaire, souvent sommaire et parfois redondant, ces phases offrent davantage de temps pour faire monter la sauce chez le public. Les lieux explorés sont assez variés, d’un stade de baseball à un manoir hautement gardé, et permettent de rafraichir une formule assez simpliste. En effet, Travis possède une palette de coups assez limitée : son Katana Beam, un simili-sabre laser qu’il faudra recharger en le secouant de temps à autre à force de coups portés, peut trancher ses adversaires à l’aide d’un coup faible ou puissant. Parfois, la cible sera sonnée, offrant une occasion parfaite de lui asséner une prise de catch particulièrement violente. Enfin, une fois à terre ou après une belle série de coups portés à l’aide de son sabre, Travis et le joueurs peuvent effectuer une QTE permettant d’exécuter sa cible. À chaque ennemi abattu, une roulette se déclenche et peut, si la chance est de votre côté, offrir un moment façon bullet time où le temps autour de vous se voit ralenti ; une course contre-la-montre dans laquelle Travis peut se déchainer en tranchant d’un seul coup chaque corps à sa portée.
Eleven All Stars
Simpliste donc, mais diablement efficace et jubilatoire. La cerise sur le gâteau reste évidemment le combat de boss plusieurs fois mentionné dans ce test. Face à Travis, un antagoniste unique, absolument délicieux tant dans son chara-design que dans la conception de son affrontement. Des séances de pugilat absolument fantastiques qui réservent chacune leur lot de surprises, dans une ambiance complètement frappée et une mise-en-scène souvent over the top. Qu’il s’agisse d’une apprentie ninja rongée par la vengeance, d’un super-héros aux techniques fourbes, d’une mercenaire aux tendances suicidaires ou encore du surprenant affrontement avec Dark Star (vous l’avez ?), on ne cesse de s’émerveiller devant toute cette inventivité folle et de ces identités aussi uniques, emmenées avec panache par une bande-son industrielle bien pêchue. Mieux encore, ces duels se révèlent assez corsés, bien plus que tout ce que le titre a pu nous offrir jusque-là.
Au niveau de la technique, difficile de ne pas nier le coup de vieux pris par le jeu avec toutes ces années derrière lui. Déjà pas bien joli pour son époque, il parvient toutefois à faire légèrement illusion avec ses textures tout en cell-shading. C’est plus du côté de sa colorimétrie que le titre peine à convaincre, avec ses tons marronnasses propres à l’époque PS360. Mêlé au manque de vie de Santa Destroy, on peut le dire sans détour, le monde de No More Heroes ne transpire ni d’élégance, ni de dynamisme. Rien à redire en revanche question portage, tout tourne nickel que ce soit en mode portable ou sur téléviseur. Aucune accroche sur le framerate, ni bug bloquant ou artefacts visuels. Ici, il s’agit de la version Wii, sans aucune censure. Exit donc la version PS3 médiocre, et c’est tant mieux. Notez également la possibilité de ne pas jouer avec la détection de mouvements pour un gameplay plus classique, tout aussi bienvenue. Comptez un peu plus de dix heures pour venir à bout du titre et près du double pour le 100 %, lequel offre la possibilité d’accéder au vrai boss final.
Conclusion
Unique en son genre grâce à son univers complètement barré, No More Heroes est un jeu d'action satisfaisant et défoulant, mais souffrant d'un open-world médiocre dont on se serait franchement passé. Entre ses collectibles disséminés un peu partout, ses mini-jeux servant à gagner de l'argent et ses mini-jeux (encore) permettant d'augmenter notre santé, Santa Destroy peine à nous convaincre de son intérêt réel. Fort heureusement, toute cette préparation pas franchement folichonne permet d'apprécier encore plus ses combats de boss fabuleux à la mise en scène très tarantinesque, s'il lui fallait un équivalent cinématographique. Avec sa foule de clins d'œil à la pop-culture, ses hectolitres de sang à chaque adversaire tranché et son personnage principal un peu bas du front, le voyage est suffisamment plaisant pour être recommandé aux amateurs du genre et de la série, s'ils ne l'ont pas encore. Pour les autres, vous êtes prévenu : le titre de Suda Goichi est, comme lui, généreux quoiqu'un peu trop forceur pour être pleinement satisfaisant. Pas parfait donc, loin s'en faut, mais doté d'une identité propre et forte qui le démarque de la concurrence, hier comme aujourd'hui encore.