Version courte de la critique :
Absolument incroyable.
Ce jeu auquel j'ai joué une douzaine d'années après sa sortie était une bonne claque.
Graphiquement incroyable pour l'époque. Une atmosphère très travaillée, des personnages attachants, un level design absolument fantastique, un scénario très au-dessus de la moyenne qui parvient à surprendre le joueur, à présenter des personnages hauts en couleur et les dialogues sont parfois interactifs. Un humour qui fait mouche. Des armes et des gadgets amusants.
Autre point : on incarne une femme dans les années 60. Une autre originalité qui a un impact sur le déroulement du jeu.
Une vingtaine d'heures absolument splendides, pour résumer. Un hommage aux films d'espionnage des années 60, mais qui va bien plus loin.
Par ailleurs, le jeu était vendu avec un CD de musiques bonus. Que demande le peuple ?
Version plus longue :
No One Lives Forever est passé un peu inaperçu à sa sortie, et c'est bien dommage...
Je trouve que ce jeu est sans doute l'un des FPS les plus agréables auxquels j'ai pu jouer.
Parlons esthétique :
Graphiquement, il a vieilli un peu, certes, les tronches des personnages sont un peu taillées à la serpe. Mais pas tant que ça, en fait.
Les choix de gammes de couleur, les designs des bâtiments sont très bien pensés. L'éclairage et ces textures ont ce petit je-ne-sais-quoi qu'ont certains jeux du début des années 2000 (je pense par exemple à la série des Thief) qui donnent une pointe de vraisemblance au décors que je peine à trouver dans beaucoup de jeux plus récents.
Les musiques sont très agréables, tout à fait dans le ton de l'époque. Le jeu est aussi vendu avec un CD de musiques bonus, des morceaux interprétés et dont le style fait immanquablement penser aux années 60. Ces morceaux sont plutôt agréable, et dans notre époque de DLC et de free-to-play, je trouve ça vraiment vraiment cool.
Autre point sur les musiques : elles s'adaptent aux évènements du jeu. Si on est en plein combat, elles deviennent plus tendues, prennent en ampleur, tandis qu'elles sont plus calmes et plus discrètes lorsqu'on est en sécurité.
Je ne suis d'habitude pas extrêmement fan de ce type de musiques, parce qu'elles perdent en personnalité et on ne les retient pas. Mais pas ici, dans le cas de NOLF les morceaux ont suffisamment de caractère et se démarquent suffisamment pour que ça me convienne.
Et maintenant. Le jeu ? De quoi s'agit-il ?
Le jeu se déroule dans les années 60. On incarne Cate Archer, une nouvelle recrue de UNITY, une organisation secrète visant à défendre l'espèce humaine de fous dangereux visant à conquérir le monde.
Il semblerait qu'une partie de l'organisation ait été compromise ; les agents tombent comme des mouches sur le terrain. UNITY fait donc appel à Cate, qui a l'avantage d'être nouvelle et donc de ne pas figurer parmi les cibles, et Bruno, son mentor, pour retrouver la trace de l'individu ayant assassiné les agents et son commanditaire.
A priori, rien de bien original. Pourtant, dès les premiers dialogues et les premiers pas dans le jeu, on sent que No One Lives Forever se démarque. Les dialogues sont drôles, très bien écrits, et tiennent la route. Les personnages parlent naturellement (ce qui est le cas de peu de jeux et même de films), ont des caractères bien distincts (et souvent bien trempés) et très convaincants.
L'humour et l'exceptionnelle qualité d'écriture font que l'on s'attache rapidement aux personnages et à cet univers et qu'on a très vite envie d'avancer dans l'aventure.
Par ailleurs, on incarne une femme. Cela distingue encore plus NOLF de tous les autres jeux du genre.
Et le personnage de Cate est très bien conçu. Je pense que c'est l'un des rôles féminins les mieux pensés de l'histoire du jeu vidéo.
Pourquoi ? Plusieurs raisons. Je ne veux pas spoiler...
Parce que Cate est une femme dans un univers masculin, et les développeurs étaient conscients de sa situation très particulière, et les autres personnages du jeu réagissent également de façon très crédible au fait que Cate soit une femme.
Parce que personne ne l'avait demandé aux scénaristes. Je n'ai pas joué au derniers Tomb Raider (donc ne me citez pas, et corrigez-moi si je me plante), mais j'ai l'impression que l'envie des développeurs de faire de Lara Croft une femme moins sexualisée et plus humaine me paraît un peu convenu.
En tout cas, je n'ai jamais eu l'impression que des aspects du scénario de NOLF soient convenus, ou que le jeu ait recours à des artifices (qu'il s'agisse d'aspects du scénario liés à Cate ou du reste). Alors que l'intrigue se prend parfois un peu au sérieux (même si le jeu est saupoudré d'humour).
Et l'intrigue gagne en complexité. D'autres personnages sont introduits au fur et à mesure, chacun avec ses traits de caractères spécifiques pour au final, instaurer une atmosphère qui tient bien plus la route que beaucoup de jeux plus récents... La qualité des doublages aide également.
Je parle principalement des personnages, pas du scénario, quand je parle de l'atmosphère. La mise en scène dérape un peu (le titre fait penser à un James Bond, et ce n'est pas uniquement à cause du côté 60s), le jeu ne se prend pas trop au sérieux et joue sur beaucoup de clichés.
Un autre point qui démarque NOLF d'autres FPS : on peut faire des choix dans les dialogues ! Eeeeh ouais. Certains sont sans conséquences, d'autres doivent être bien effectués pour continuer. Ce n'est qu'un détail, mais c'est original, et parfois c'est très drôle.
Parlons maintenant du gameplay. NOLF est un FPS. On peut tirer sur des gens.
Par contre, Cate est une espionne (et n'est pas surhumaine). Elle n'a donc du coup pas le droit de tuer des civils, et doit une bonne partie du temps passer inaperçue pour réussir ses missions. Du coup, dans certains niveaux, interdiction de se faire repérer.
NOLF est donc surtout un jeu d'infiltration, avec quelques parties plus orientées action, tout de même. Comme toute agente des années 60 qui se respecte, Cate a aussi accès à quelques gadgets qui pourront lui faciliter la vie à certains endroits. Les armes, situations et gadgets sont suffisamment variés et amusants pour que l'on ne s'ennuie pas à ce niveau-là.
On peut, lorsque cela n'est pas interdit par le contexte, tirer sur tout ce qui bouge pour avancer (c'est parfois nécessaire). Mais d'une part, ce n'est pas toujours si évident que ça, et d'autre part, les développeurs ont décidé de récompenser les joueurs discrets par des dialogues que des ennemis peuvent occasionnellement avoir entre eux. Ces dialogues sont souvent très drôles, et apportent parfois une touche de personnalité et de philosophie à des ennemis qui, après tout, portent tous le même uniforme.
De ce fait, et peut-être un peu comme dans Deus Ex, les ennemis 'de base' que peut croiser le joueur sont humains, et sont des individus qui ne partagent pas nécessairement les motivations de leurs supérieurs, qui se retrouvent au mauvais endroit au mauvais moment. Ca ne va pas beaucoup plus loin que ça, mais le fait que les designers encouragent le joueur à réfléchir un peu à ce qu'il fait est pour moi un très bon point.
C'est, là encore comme dans Deus Ex, très agréable d'avoir la possibilité de faire une bonne partie du jeu sans tuer la plupart des ennemis qu'on rencontre. Deus Ex va quand même bien plus loin dans les choix.
Revenons sur le gameplay. J'ai mentionné les armes et les gadgets vite fait. Je n'ai pas parlé du level design.
Je pense que niveau FPS, je n'ai jamais vu un meilleur level design que dans NOLF. On visite des lieux très variés (je ne raconte pas plus pour ne pas spoiler), et je ne crois pas avoir vu une telle diversité des décors dans des jeux plus récents.
Par ailleurs, même si le jeu est linéaire -et ne le cache pas- le décors sont très très bien fichus. L'architecture des bâtiments et la disposition des lieux sont toujours cohérentes, et le joueur avance à son rythme. Là encore, c'est difficile d'en dire plus sans spoiler, mais le jeu fourmille de bonnes idées sur ce point. On se retrouve également dans des situations variées, de sorte que la monotonie ne s'instaure jamais.
L'IA est très correcte, surtout pour l'époque. Elle n'est pas extrêmement complexe, mais elle fonctionne bien, de ce que j'en avais vu, et je n'ai pas passé de temps à l'abuser, contrairement à d'autres jeux de la même époque.
Update : Après m'être renseigné un peu plus, et m'être souvenu de quelques détails, je dirais même que l'IA était bonne, voire très bonne pour l'époque. Les ennemis réagissent si l'un d'eux est blessé, s'ils voient vos traces de pas, et ont de comportements de groupes pas débiles. Après, ils s'alignent souvent. Je n'ai pas essayé le mode de difficulté le plus exigeant, par contre.
L'attention a été portée sur les petits détails. Tirer sur une caméra déclenche l'alarme immédiatement, et de même si le champ de vision d'une caméra passe sur le corps inanimé d'un ennemi (cela paraît anodin, mais la plupart des jeux de l'époque ne faisaient pas comme ça). Déclencher l'alarme dans une portion d'un niveau la maintient souvent déclenchée pour la suite (cf ma critique du remake de Goldeneye 007 pour un exemple d'un jeu où ça ne se passe pas comme ça, bourriner l'entrée d'une zone permet ensuite après chargement de la zone suivante de repasser en mode infiltration -2010, hein), les ennemis proches communiquent entre eux (par la voix, on est dans les années 60, ils n'ont pas de micro), et j'en passe.
Et le jeu est long. Il m'avait fallu une vingtaine d'heures pour le terminer la première fois.
Le jeu n'est pas parfait. Je me souviens avoir trouvé un passage ou deux un peu frustrants. Mais la plupart des choses que je pourrais lui reprocher aujourd'hui est sans doute due à des limites techniques de l'époque. Et étant donné le plaisir que j'ai pris à jouer à ce jeu 12 ans après sa sortie, je ne peux pas vraiment me plaindre.
Rien que d'écrire à son sujet m'a donné envie d'y rejouer. Il me reste à mettre la main sur sa suite.
Je ne sais pas trop à quel public le jeu s'adresse, c'est peut-être la raison pour laquelle commercialement il n'a pas trop bien fonctionné. Mais je ne vois pas trop de raison de ne pas craquer si vous le voyez en occasion quelque part (il n'est pas distribué sur Steam, des histoires bizarres de problèmes de licence... :'( La vie est cruelle). Le jeu est drôle, bien plus intelligemment conçu que beaucoup beaucoup d'autres jeux estampillés 'FPS', long, beau, a des bonnes musiques, des niveaux excellents, et est très fun.