Pénibles. Convenus. Dispensables. Tels sont à mes yeux les adjectifs qui définissent le mieux cette année vidéoludique 2015 que nous venons de sub... de vivre. Les plus grands succès critiques de l'année? Des histoires interactives pas forcément intéressées par l'idée d'être du domaine vidéoludique ou des habiles adaptations dans des univers rentables de formules inventées des années auparavant. Oh, certes, Nintendo s'est fendu de son effort décennal pour créer une nouvelle licence et est arrivé, et ça en comptant sur toutes les forces réunies de sa nouvelle génération de créateurs émérites, à produire une version parfaitement acceptable pour le public japonais du système de progression de Call of Duty. Une version cute, colorée et particulièrement généreuse du système de progression de Call of Duty; hein. Mais quand même. Cela donne une idée de la tronche de 2015 comme vecteur d'innovation.
Or, attention cela s'appelle une transition, l'innovation n'est pas tout dans le domaine du jeu vidéo. Cette valeur n'est pas une panacée : éphémère elle ne fait, en fin de compte, que décider des fonctions de gameplay que les créateurs moins doués auront en ligne de mire quand il sera question de repiquer des idées. Vous vous souvenez de la décennie des titres dotés de murets en parpaings? Moi aussi. J'en ai encore vaguement mal aux genoux. De celle des séquences furtives foireuses sans aucune forme d'intérêt? Non?! Demandez à Michel Ancel. Maintenant on est pile dans la décennie du "jeu vu à la première personne où des gens désincarnés vous parlent dans un monde certes joli mais totalement dépourvu de gameplay car cela fait en même temps modique et bigrement artsy". C'est très courageux; d'ailleurs. Une industrie à ce point décidée à scier la branche sur laquelle elle est assise depuis des décennies pour faire plaisir à un grand public parfaitement incapable d'apprécier ses charmes mériterait presque un prix. Sans-doute un Darwin Award. Mais bon, c'est un prix malgré tout. (Or, vous savez à quelle point cette industrie est avide de reconnaissance). Cependant... en admettant que vous vouliez jouer à un jeu. Un vrai jeu. Avec du gameplay. Si possible pas de cinématiques. Que vous reste-t-il comme choix à notre époque?
Simple : Nuclear Throne! Cela fait des années que j'ai le plaisir de suivre l'évolution de Vlambeer. Partis de rien ces petits gars d'Utrecht ont su dès leurs premiers titres souligner ce qui rend le jeu vidéo unique : le gameplay. Une notion qui me semble très rafraichissante à mettre en exergue alors même que sortent sur les étals métaphoriques des machines à dépenser de l'argent un volume terrifiant de titres prétendument indépendants mais dont n'importe quel observateur - et ça s'il l'était vraiment - saurait remarquer leur statut d'œuvres clonées pêle-mêle par des opportunistes appâtés par le gain. Tel est le domaine du jeu vidéo de nos jours, le pays du pur produit. Aucune volonté artistique. Aucune réelle compréhension de la discipline au-delà de ce simple fait : c'est un marché porteur. Vlambeer, par chance, fonctionne à contresens de cet univers. Ils ne font pas dans la compromission... surtout pas avec le monde corrompu des enfants.
Ce qui nous amène - après trois paragraphes, ce qui n'est pas énorme quand l'on sait lire - à parler de gameplay. Nuclear Throne est un twin-stick shooter roguelike au style comparable à celui des titres de l'âge d'or de l'arcade qui sont visiblement sont inspiration. Imaginez Super Smash TV réalisé par une équipe supérieure - préférablement une qui n'est pas uniquement composée de fans de Running Man - et vous aurez une bonne idée du type d'action qui vous est ici proposée. Le jeu se fend d'évidentes concessions à la modernité : vous pouvez monter de niveau, gagner des capacités et même récupérer des armes qui vous sont livrées selon les mystérieuses modalités d'un système de loot. Ce qui ne l'empêche cependant pas de s'acquitter de tout ceci dans un univers aux divers secrets mystérieux digne d'un jeu d'arcade. Pas d'innovation superflue. Pas de flonflons inutiles. Juste un jeu exigeant de vous l'exécution d'une action violente où chaque instant requiert l'utilisation de l'intégralité de vos réflexes perceptifs de grand singe bien évolué. En somme... un jeu vidéo. Probablement celui de l'année 2015.