La République Populaire d’Arstotzka vient d'ouvrir sa frontière après une pénible guerre longue de six années. Me voilà assis dans une guérite glauque pour contrôler les migrants, tache consistant à vérifier que leurs passeports sont bien en règle, et, le cas échéant, à les inviter à rebrousser chemin. Un job parfois à la limite question éthique, mais pour lequel je me dois malgré tout de faire preuve de rigueur. Ma famille croule sous les factures et je suis payé au rendement...
Introduit comme ça, ''Papers, Please'' à tout d'un jeu amoral. Prendre son pitch au premier degré serait risquer de passer à côté d'un jeu original teinté d'humour noir, car traiter d'un sujet redondant tel que l'immigration et parvenir à le tourner en dérision avec style et panache, c'est une prouesse. Cet humour omniprésent (allant jusqu'à la possibilité de faire figurer son nom parmi les migrants) contraste avec cette position ingrate dans laquelle se retrouve le joueur : plongé dans la peau d'un douanier confronté à l'âpreté d'un système totalitaire, se voyant obligé de ranger sa moralité au placard si il veux garder sa famille en bonne santé et s'éviter un séjour au goulag !
Une journée type de travail dure une dizaine de minutes. Dix minutes qu'il vous faudra optimiser en analysant les documents et les réactions des gens qui font la queue pour rentrer en Arstotzka. Vous aurez pour cela à disposition un bouquin recensant tampons, logos et même les villes ou sont délivré les passeports en fonction du pays d'appartenance. De quoi faire de vous une véritable machine à tamponner ! Mais la quantité d'informations croissantes couplé à l'heure qui tourne vous fera forcément faire quelques boulettes (parfois volontaires pour faire rentrer quelqu'un en douce !). Si pour vos deux premières erreurs vous n'écoperez que d'un simple avertissement, dès la 3ème la sanction tombera, en commençant par une retenue sur salaire qui pourra vite avoir des répercussions désastreuses.
Pour préserver votre famille de quelques déconvenues, il faudra impérativement payer ces bases que sont le loyer (25$), le chauffage (10$) parce qu'il pèle en Arstotzka et la nourriture (20$). Chaque bon aiguillage vous rapportant 5$, il faudra ''traiter'' une douzaine de dossiers par jour. Dans le cas ou vous ne seriez pas capable de régler l'une de ces notes, l'un des 4 membres qui composent votre foyer (belle-mère, oncle, fils et femme) vont commencer à avoir faim, froid ou même à tomber malade... Il faudra dès lors prévoir d'acheter des médicaments supplémentaires sous peine de voir leur état s'aggraver dangereusement. Cette pression constante fera de vous une vrai machine analytique. Sans vouloir trop spoiler, la tension palpable dans la file d'attente va aussi apporter son lot de terroristes. Libre alors à vous de passer les personnes suspectes au scanner corporel, en vue de vérifier qu'ils ne trimballent rien de louche sur eux...