Pas plus tard qu’hier (après avoir finalement bouclé Fallout: New Vegas, avec près de 70h de jeu dans les pattes, réparties sur plusieurs mois), je me faisais la remarque que, tout de même, on a rarement des fins dignes de ce nom dans les jeux vidéo.
Quand elles ne sont pas bâclées, elles sont tout simplement un peu chiantes et pas bien engageantes au regard de tout ce qu’on a pu vivre tout au long de l’aventure.
New Vegas en est d’ailleurs l’exemple typique: cool, on voit l’impact de nos actions passées; mais c’est froid, un bête slideshow guère impliquant.
La plupart des fins apparaissent ainsi déconnectées du reste de l’expérience: on peut les apprécier globalement de la même manière qu’on ait fini ou non les jeux en question, qu’on ait baigné dans leurs univers depuis des dizaines d’heures ou seulement depuis quelques minutes, en se contentant de mater quelques extraits vidéos - dont la fin - sur YouTube (là où une fin, une vraie ne prend tout son poids et toute sa dimension que parce qu’on a traversé ce qui la précède, ce qui était destiné à nous amener vers ce climax final, lentement mais sûrement).
Et puis ce soir, j’ai fini Portal 2.
Autant j’ai trouvé le reste de l’aventure parfois un peu longuet; certains passages un peu répétitifs; l’univers sympa mais parfois trop dans l’humour absurde pour que ça reste vraiment drôle; le rythme un peu trop artificiel (une réplique plus ou moins marrante, une salle, puis une autre réplique à la fin - et toutes les 2h-3h, un changement de décor accompagné de quelques nouveautés de gameplay)…
Autant la fin m’a d’autant plus pris à revers.
Elle justifie tout ce qui précède; nombre de petits éléments qui ont été amenés avant prennent soudain sens - même ceux a priori les plus absurdes (comme le “giant alien king creature”; ou un truc du genre).
En 5 minutes, tout s’enchaîne, et les mecs de Valve se paient le luxe de nous faire plusieurs fois naviguer d’une émotion à l’autre, entre le rire, et les larmes.
Franchement, je suis sur le cul.
C’est peut-être bien la première fois où, véritablement, dans quelque jeu que ce soit, je me suis mis à rire nerveusement - mais un rire teinté d’émotion avec même, allez j’ose le dire, peut-être un début de ce qui ressemble à des larmes.
Entre chacun de ces soubresauts nerveux, un seul mot me venait à la bouche: “génial” (à répéter 56 fois d’affilée).
Rien que pour ça, plus que jamais, Valve Software aura mon respect éternel (et Dieu sait qu’ils n’avaient même pas besoin de ça vu leurs précédentes contribution au milieu du jeu vidéo, et notamment Steam).
Ces 5 dernières minutes justifient tout le reste et le fait que - quels que soient les reproches légitimes qu’on peut lui faire sur un nombre incalculable de points - Portal 2 mérite sa place au panthéon des jeux vidéo.
Pour arriver à pareil résultat, il faut sans doute - comme l’ont souligné nombre de chroniqueurs - un sacré sens du rythme et de la narration, doublée d’une excellente vision d’ensemble.
Et ce afin de concevoir un chemin qui conduira graduellement et nécessairement au dénouement - quitte à sacrifier une approche trop centrée sur le gameplay, laquelle amène trop souvent à tronçonner le jeu en autant de séquences interchangeables, dont l’enchaînement est dicté non tant par la nécessité de préparer efficacement un climax final mémorable que par celle d’offrir de l’action variée et rythmée.
En ce sens, Portal 2 présente donc sûrement une forte similitude avec certaines oeuvres romanesques et cinématographiques, dont la fin fait briller d’un éclat nouveau ce qui précédait et semblait jusqu’alors un poil chiant. Je pense par exemple à Deathproof de Tarantino, dont les deux premiers tiers sont longuissimes et semblent complètement gratuits… alors qu’ils préparent en réalité le final totalement inattendu (mais qui semble soudainement s’imposer comme une évidence nécessaire au regard de ce qui précède); final qui s’avère d’autant plus jubilatoire pour le spectateur que ce dernier a jusqu’alors été en quelque sorte maintenu dans un état de manque / une légère frustration savamment dosée.
L’idéal pour une catharsis finale fulgurante et explosive.
A l’heure des films et des jeux fast food simplifiés - puisqu’ils doivent pouvoir être vite consommés et vite assimilés par un large public qui n’a plus le temps d’attendre que le sens lui en soit délivré - voilà un pari plutôt osé.
Blasé que je suis, j’étais on ne peut plus d’accord (c’est d’ailleurs pour moi un sujet de discussion récurrent; et qui vaut bien au delà du strict champ du jeu vidéo).
Sauf que… c’est exactement ce “thrill, that happiness of standing before something new and unexpected” que je viens d’éprouver à nouveau avec la fin de Portal 2.
Comme quoi.
RDV dans 10 ans pour une nouvelle dose.