J'avais envie de jouer à un bon jeu entre deux parties soporifiques de Final Fantasy XVI et une vieille Review de Hooper m'avait motivé il y a peu à me replonger dans ce titre. :p Blague à part, je n'avais pas refait la campagne solo de Portal 2 depuis bien longtemps et je n'en gardais qu'un souvenir un peu mitigé à l'époque où l'humour plus enfantin et cartoonesque de ce titre m'avait quelque peu déçu après l'ambiance bien plus anxiogène du volet originel. Mais en cette décennie désespérément timorée et confinée mentalement, le jeu est devenu plus hilarant que jamais et je me suis étonné à rire bien plus que dans mes souvenirs aux nombreuses blagues qui parsèment ce périple farfelu à la liberté de ton presque salvatrice en cette époque malheureusement bien trop craintive.
De surcroit, le jeu a extrêmement bien vieilli malgré ses douze ans d'âge aujourd'hui qu'il s'agisse de sa direction artistique épurée, l'excellence de son Sound Design et ses bruitages, son rythme étonnamment très bien maitrisé pour un jeu d'énigmes, la diversité des mécaniques proposées pour enrichir les puzzles, sa mise en scène inventive, son Level Design instinctif (ça en fait des éloges et c'est pas encore fini :p), sa physique toujours impressionnante aujourd'hui, la qualité de son doublage français (Guillaume Lebon toujours aussi incroyable à entendre!) et sa difficulté progressive extrêmement bien calibrée. Je n'ai en vérité que deux reproches majeurs à lui adresser :
-La structure un peu trop archétypale de son déroulement durant les premières heures de l'aventure : une blague - une salle de test - une blague - un ascenseur - un temps de chargement. Fort heureusement ce schéma cadenassé n'est qu'illusoire car très vite, le titre va multiplier les ruptures de ton pour extirper le joueur de ce sentiment d'enfermement; une constance créative qui n'aura de cesse de se renouveler jusqu'au dénouement de l'aventure.
-La suspension d'incrédulité est quelque peu malmenée en comparaison du premier volet, notamment pour un univers censé se dérouler dans le même monde que celui d'Half Life 2.
Que des IA comme Wheatley et Glados se mettent à déconner à plein régime avec cette productivité grotesque (et complètement contre-productive en définitive), c'est assez vraisemblable; que des humains comme Cave Johnson mettent en place un système aussi absurde et que le récit nous évoque aussi précisément la chute d'Aperture Sciences, on rentre tout de suite dans un registre plus cartoonesque à nouveau. Sachez néanmoins qu'un contenu annulé de ce Portal 2 prévoyait de transférer également l'esprit de Johnson dans une machine; en ayant connaissance de ce fait, peut être que l'écriture de ses dialogues était vouée originellement à anticiper sa nature mécanique comme future révélation du récit. Nous ne le saurons peut être jamais mais je demeure toujours un peu chagriné de cette exploration des bas fonds d'Aperture Sciences (j'ai failli écrire Rapture); l'atmosphère est saisissante et distille brillamment un mystère autour de ce nouvel environnement (avec une économie de moyens que seuls les grands du jeu vidéo peuvent se permettre) mais j'ai toujours ce sentiment de décalage entre cette entrée en matière presque digne d'un Survival Horror et le propos complètement rocambolesque qui sera véhiculé par la suite durant les longues heures de vagabondage dans ses entrailles mécaniques.
Quoiqu'il en soit, il est déjà rare qu'un jeu vidéo résiste aussi superbement à l'épreuve du temps mais il est d'autant plus remarquable que son éclat soit plus flamboyant que jamais face à la production des AAA bien plus compartimentée de nos jours (pour ne pas dire chiante et consensuelle), tout du moins du côté occidental. C'était le dernier jeu traditionnel de Valve avant leur retour inespéré en réalité virtuelle mais décidément, les Géants du jeu PC savaient aussi bien manier les mots que savoir se taire quand il le fallait.
PS: Et Wheatley enterre tous les autres narrateurs du jeu (Glados compris).