Quelle claque ! Cela faisait longtemps que je ne m'étais pas fait happé par un titre vidéoludique aussi prenant. Prey est tout simplement un chef d'œuvre du genre immersive sim réalisé par les développeurs français (lyonnais pour être précis) d'Arkane Studios. Je suis fier de voir qu'en France nous sommes capables de développer de tels titres au rayonnement mondial. Alors qu'est-ce que Prey ? Qu'est-ce qu'une "immersive sim" ? Pour la première question, je vais faire simple. Si vous appréciez des titres tels que System Shock, BioShock, Dishonored (même studio) ou Deus Ex alors il y a de forte chance que vous trouviez ce Prey à votre goût. Qu'est-ce qui rapproche ces différents jeux ? Tout d'abord, tous sont des jeux solo dotés d'une histoire immersive, d'où le nom, faisant la part belle aux choix du joueur et à la liberté d'action. La plupart de ces jeux mettent en scène un personnage aux capacités nombreuses et évolutives que les joueurs peuvent mettre à l'épreuve dans des niveaux favorisant ce que l'on appelle un gameplay émergent, c'est à dire à des possibilités de progression et de résolution des obstacles non prévues par les développeurs. Voici en gros une explication approximative du genre immersive sim dont Prey est un illustre représentant. Je profite de cette digression pour vous partager mon incrédulité sur les comparaisons qui sont faites sur internet entre Prey (2006), édité par 2K Games, et le Prey (2017) ici présent. De nombreuses vidéos comparent les jeux en mettant en scène des ressemblances, des convergences ou en pointant des différences mais bordel ça n'a strictement rien à voir. Ce sont simplement deux œuvres homonymes, point barre ! Prey (2006) est un jeu qui ressemble beaucoup à Doom 3, soit un FPS nerveux, bourrin et gore au scénario relativement discret. Nous sommes loin d'un titre à la Bioshock.
Soyons clairs, tout m'a plus dans ce Prey. Si le scénario demeure finalement assez classique l'intrigue reste prenante du début à la fin. L'introduction, grosso modo la première heure de jeu, est l'une des meilleure jamais vu dans un jeu vidéo avec un twist pas piqué des hannetons. L'histoire est une uchronie se déroulant dans un futur proche (2032) où l'humanité est parvenue à transformer un satellite russo-américain en gigantesque base spatiale du nom de TranStar. De cette base sont menées des recherches sur les extraterrestres. Influence d'Alien oblige, les études menées là haut et les excavations de minerais sur la lune ont malheureusement permis l'infiltration d'une race extraterrestre dangereuse dénommée Typhons. Cette menace s'est propagée dans toute la station et tua les passagers. Vous incarnez Morgan Yu, le fils du président de TranStar et le frère du PDG de cette entreprise interstellaire. Je ne vais pas rentrer dans le détail du scénario pour ne pas trop en révéler mais votre objectif est de survivre dans cette station hostile suite à l'incident. Accompagné de votre frère et d'une IA mystérieuse, vous allez devoir sauver la station...ou la détruire pour éliminer définitivement la menace Typhons qui pourrait se propager sur Terre. A la manière d'un Dishonored ou d'un Bioshock, l'histoire s'étoffre au fur et à mesure de votre progression notamment grâce à des audios disséminés ça et là racontant la vie sur TranStar mais surtout les recherches et expériences menées avant la catastrophe, des e-mails consultables sur un grand nombre d'ordinateurs vous permettront d'approndir les relations entre les différents protagonistes principaux ainsi que leur rôle respectif au sein de cette entreprise spatiale et bien sûr les traditionnelles notes de papier qui joueront le même rôle où vous délivreront de précieux codes/mots de passe pour ouvrir, au hasard, des coffres ou l'accès à des systèmes informatiques. Toute une galerie de personnages secondaires sont également présentés grâce à ce mode de narration spécifique au genre. Au-delà du scénario, l'ensemble de ces éléments offrent une profondeur et une crédibilité unique à l'univers de Prey rarement vu dans un jeu vidéo.
Le gameplay n'est pas en reste et c'est même l'atout numéro un du soft. Au fur et à mesure de votre progression, il vous sera possible d'expérimenter un large éventail de possibilités que ce soit dans les déplacements à travers le station, l'infiltration ou l'attaque des ennemis grâce notamment à la technologie Neuromods (implants cérébraux) qui modifie vos capacités physiques, et si vous le désirez, psychiques (ce qui vous rapproche génétiquement des aliens). L'idée est de farfouiller la vaste station pour en trouver un maximum et de répartir les points dans l'arbre de talents prévu à cet effet constitués de six branches : Scientifique, Ingénieur, Sécurité, Energie, Transformation et Télépathie. Chaque branche vous spécialise dans une manière de jouer radicalement différente d'une autre : discret ou bourrin, humain ou alien. . Sachez simplement qu'il est possible de faire des trucs de furieux et de traverser des épreuves ou situations de manière insoupçonnée comme par exemple vous transformer en objet et vous déplacer comme tel, prendre le contrôle d'un ennemi, créer des clones ennemis, se téléporter, créer des illusions de soi-même, posséder des pouvoirs électriques, de feu, d'air etc. C'est grâce à cette inventivité et ce large panel de pouvoirs que les mots "gameplay émergent" prennent tout leur sens. On est clairement dans le délire des "Plasmides" de BioShock mais en plus avancé. En complément des Neuromods, vous pourrez également personnaliser votre armure et votre casque en leur conférant des puces électroniques (au total seize puces simultanées) octroyant aux joueurs d'autres capacités actives ou passives spécifiques. Ce qui, mélangé aux Neuromods et aux armes, donne une permissivité ahurissante au joueur dans la manière d'aborder les situations et une rejouabilité certaine. Les armes classiques justement ne sont pas en reste. Le feeling des armes est bon, voir excellent, on prend plaisir à s'en servir et à les améliorer grâce à des modules d'amélioration que l'on trouve en fouillant ou bien en les fabriquant. Elles participent également à la créativité du soft, je pense notamment au pistolet à glue (ce flingue crée des boules de colle sur lesquelles votre personnage peut s'agripper mais qui permet surtout d'immobiliser les ennemis). En utilisant astucieusement la colle, il est possible de se frayer des chemins contre les murs pour accéder à des endroits qui, de prime abord, semblent hors d'atteinte.
Je profite du mot "fabriquer" utilisé au-dessus pour faire ma transition sur le craft. En effet, ramasser des objets et fabriquer sont une composante relativement importante de l'expérience Prey. Vous passerez pas mal de temps dans votre inventaire à l'organiser, premièrement, mais aussi à trier, recycler et assembler. Le jeu propose différentes machines qui permettent de transformer les objets en composants organiques ou électriques, eux-mêmes réemployés pour créer des armes, kits de soin, munitions ou, carrément, des Neuromods. Bref, Prey est un RPG à l'occidental, vous avez des points de talents à répartir dans six arbres de compétences, du loot à gogo, du craft en veux-tu en voilà, des choix de dialogues, une quête principale non dirigiste, une flopée de quêtes secondaires très intéressantes (pas du Fedex à deux balles cinquante), et des choix d'actions aux conséquences importantes du point de vue scénaristique.
L'ambiance est incroyable, l'atmosphère du titre rappelle à certains égards Alien Isolation. On se retrouve seul dans un immense vaisseau spatial à moitié en ruine poursuivi par des Typhons, dont un colossal qui sera un peu votre Nemesis. En ce qui me concerne, je ne trouve pas que Prey est flippant. Il peut parfois surprendre notamment à cause des Mimic capablent de singer n'importe quel objet du quotidien et qui vous sautent dessus lorsque vous êtes à proximité. Mais au-delà de ça, le titre ne fait pas vraiment peur, en revanche l'atmosphère est très réussie grâce à un level design, un sound design, un scénario et un rendu graphique de haute volée.
Pour conclure, je dirais que Prey est une tuerie atomique. J'ai été littéralement transporté dans cet univers pendant près de 40 heures. Parfois, je pouvais faire des sessions de 5 ou 6 heures sans m'arrêter tellement l'univers et le gameplay sont prenants. En vieillissant, je m'aperçois que j'apprécie de plus en plus les immersive sim à la BioShock. L'écriture de ces jeux est souvent très qualitative et les possibilités de gameplays satisfaisantes. Bref, vous l'aurez compris Prey propose un univers riche et profond, très bien réalisé autant sur le fond que sur la forme. La mise en scène, le scénario, les musiques et bruitages, la qualité graphique de l'ensemble, l'ambiance et bien entendu son gameplay tout est appréciable. Merci Arkane Studios et vive la France !