Radiant Historia
7.8
Radiant Historia

Jeu de Atlus (2010Nintendo DS)

Radiant Historia pourrait à certains égards être considéré comme un méta-RPG. Quelles sont les choses qui énervent le plus les fans du genre ? Les combats aléatoires, les animations trop longues, le grind excessif, le risque de louper des parties du scénario... Le jeu d'Atlus n'a aucun des trois (ouf !), mais arrêtons-nous sur cette dernière. C'est chiant d'avoir atteint les 60h et découvrir que t'as raté des sous-quêtes ou des armes puissantes parce que t'as oublié de visiter tel endroit à tel moment en début de partie et qu'il ne te reste plus qu'à tout recommencer pour réparer ton erreur.
Imaginez maintenant un RPG qui intègre à sa structure même le principe des états de sauvegarde typique par les émulateurs ; imaginez pouvoir revenir facilement à un point passé de l'intrigue pour faire ce que t'as oublié de faire, puis reprendre du point où l'on s'était arrêté... eh bien, vous savez à quoi vous aurez affaire avec cet opus sur DS.


Le mot historia dans le titre n'est pas là que pour faire joli. Voici ce qui se passe : tu incarnes Stocke, un agent des services de renseignement du royaume d'Alistel qui un jour se voit chargé d'une mission spéciale par son supérieur Heiss, lequel lui donne pour cela un étrange livre aux pages entièrement vierges appelé la Chronique Blanche (White Chronicle). Il découvre que cet artefact est en réalité une porte d'accès à Historia, dimension alternative gardée par les enfants Teo et Lippti, qui donne au porteur de la Chronique le pouvoir de remonter le temps et de revenir sur ses choix passés pour empêcher une issue négative, comme par exemple la mort de ses compagnons Raynie et Marco. Stocke n'a évidemment pas obtenu ça gratos ; par le biais de ce bouquin, vous l'aurez deviné, sa tâche est de sauver le continent de Vainqueur de ce qui le menace : la désertification rapide, la guerre entre les royaumes d'Alistel, Granorg et Cygnus (sans oublier les deux nations des Bêtes et des Satyres), l'usurpation du throne de Granorg par l'impitoyable reine Protea, les sombres ambitions de dominations du commandant Hugo et surtout l'existence de cette Chronique Noire qui semble avoir le pouvoir de transformer les êtres vivants en sable.


Le prologue est le moment où se produit la bifurcation fondamentale du scénario de RH. Selon que Stocke décide de continuer à travailler sous les ordres de Heiss ou de rejoindre son meilleur ami Rosch dans l'armée, notre héros se retrouvera ainsi sur l'une des deux "branches" principales (Histoire standard et Histoire alternative) conduisant à deux intrigues complètement différentes dans lesquelles on avance de façon séparée. Chaque Histoire est ponctuée de moments où Stocke doit prendre des décisions importantes dont l'une conduit à une bad ending et l'autre permet de progresser, et qui servent aussi de points de sauvegarde ("noeuds") intermédiaires dans chaque chapitre. Mais même si on fait tous les bons choix on ne continue pas indéfiniment sur chacun des deux parcours : Stocke se retrouve dans plusieurs impasses qui l'empêchent de procéder dans l'histoire et qui l'obligent, ou bien à revenir en arrière à un moment où l'on peut résoudre le problème, ou bien à passer dans l'autre branche pour retrouver ce qui manque dans l'actuelle. Un peu comme dans un point 'n click en somme, mais les développeurs ont été assez généreux en indices sur quoi faire cette fois-ci. On l'aura compris, dans Radiant Historia le scénario et gameplay sont indissociables.


La capacité de modifier le cours des événements passés n'est toutefois qu'une partie du fun du jeu. Outre quelques petites touches de puzzle à la Zelda, il brille certainement pour son côté baston. Les combats au rythme très rapide voient les trois persos de ton équipe affronter des groupes d'ennemis positionnés sur une grille 3x3 à l'intérieur de laquelle ils peuvent éventuellement se déplacer. L'intérêt de cette bizarrerie se manifeste rapidement : chaque personnage dispose en fait d'une panoplie d'attaques magiques ou physiques dont certaines ont le pouvoir de pousser l'ennemi dans l'une des quatre directions pour le faire reculer et diminuer les nombres de dégâts qu'il inflige, pour le renvoyer contre un autre ennemi et maraver ainsi les deux en même temps, pour le faire sortir d'une zone de protection ou pour le faire tomber dans un piège. De plus, chaque personnage peut échanger son tour avec celui d'un autre perso ou d'un ennemi pour enchaîner les combos, et si les choix stratégiques vous paraissent encore limités vos persos possèdent une jauge Mana Burst qui une fois remplie permet d'effacer le tour d'un adversaire, de déclencher une attaque puissante et autre chose encore. Les possibilités d'actions sont vraiment nombreuses et il est à chaque fois plutôt marrant de découvrir la meilleure combinaison de persos et d'attaques pour infliger un max de blessures et en sortir indemne. Je me dois d'ailleurs de féliciter absolument les développeurs pour l'équilibre trouvé entre les personnages (même si les pièges d'Aht la rendent un peu abusée) qui sont construits en sorte de pouvoir se compléter l'un l'autre mais jamais se remplacer dans l'équipe.


Le système de combat est peut-être l'endroit où l'inspiration de Trails in the Sky se fait sentir le plus – là aussi ils se déroulent sur une grille et on voit les dix prochains tours affichés à l'écran, et le Mana Burst est quasiment calqué sur le S-Break – mais pas la seule : le choix d'avoir des sprites super-deformed en 2D sur un environnement en 3D, les nombreuses quêtes secondaires et le cadre steampunk sont autant d'éléments qui rapprochent les deux RPG. A cet égard, RH réussit indiscutablement partout où Trails avait échoué : car si l'on peut regretter le côté tactical-RPG et le système Orbment de celui-ci, Radiant offre un scénario par définition entraînant, des dialogues qui vont droit à l'essentiel et qu'on peut parcourir en avance rapide avec X ou carrément zapper avec Start (ça aurait été criminel sans vu que le jeu est basé sur la répétition des chapitres passés), et surtout la possibilité jusqu'au dernier moment de compléter n'importe quelle quête secondaire. Le jeu tient tellement à ce que tu le finisses à 100% qu'il te donne d'emblée le nombre total de "pages" de ton livre !


Mais ce que l'oeuvre d'Atlus pour la DS a et que l'oeuvre de Falcom n'a pas, c'est vraiment une architecture de jeu épique, originale et intelligente. Les clins d'oeil à à Chrono Trigger (le voyage dans le temps), à Final Fantasy IX (la désertification) ou à Secret of Mana (l'arbre Mana) ne sauraient en effet cacher une réflexion inédite et profonde sur notre rapport au temps et plus particulièrement au passé. Combien de fois n'avons-nous pas regretté nos choix précédents ; combien de fois nos errements personnels et des événements tragiques nous ont poussé à songer à notre histoire pour tâcher d'identifier cet instant décisif où notre existence a basculé pour le pire... Radiant Historia ne fait finalement qu'étaler dans un médium interactif les opérations que notre esprit accomplit dans l'introspection analytique. Et il porte le même message d'espoir que la psychanalyse : non, le passé n'est pas que le lieu du remords qui dévore et des pertes irrémédiables ; il n'est pas qu'un poids écrasant sur le cerveau des vivants, mais il est aussi l'endroit à partir duquel l'avenir peut être changé, où l'on peut prendre un autre parcours qui amènera cette fois-ci à un happy ending. Il est le lieu de la Justice à venir. Comme pour le fou dans le morceau de Queensrÿche, le passé n'est peut-être rien de plus qu'un futur oublié...


Des défauts ? Peut-être le très petit nombre de musiques (quoique globalement très bonnes) avec les mêmes 5 thèmes qui se reviennent du début à la fin, des persos que le dense enchevêtrement du scénar empêche de devenir attachants et des graphismes qui sans être moches sont vraiment un poil trop minimalistes pour la DS. Mais on est tellement absorbé par l'intrigue et le gameplay que l'on oublie vite ces détails. Et peut-être qu'un jour on le verra aussi en VF.


GAMEPLAY : 9/10
SCENARIO : 9/10
PERSONNAGES : 7/10
GRAPHISMES : 6/10
MUSIQUES : 8/10

ReveLunaire
9
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Créée

le 31 août 2015

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Rêve Lunaire

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