Imaginez-vous dans un restaurant 3 étoiles, devant un plat qui a l'air absolument délicieux. Voilà. Maintenant, dites-vous que vous prenez votre verre d'eau, et vous versez tout sur votre plat. Tout d'un coup, ça donne beaucoup moins envie. Ca vous coupe l'appétit et vous sortez frustré du restaurant.
Rage c'est un peu ça. Développé depuis 2007, le nouveau jeu d'id Software ressemblait à un chef d'œuvre sur les screenshots. C'est beau à s'arracher les cheveux, ça a l'air super fun, et bien old-school comme les puristes aiment.
Sauf qu'au final, l'expression "c'est beau de loin, mais c'est loin d'être beau" colle parfaitement avec Rage.
Les artistes de chez id ont fait un travail incroyable pour retranscrire cet univers post-apo. Que ça soit pour les personnages ou les décors, c'est extrêmement variés et magnifiques. On retrouve un gros soucis de détails sur les moindres recoins.
Sauf que tout ce gros travail artistique a été gâché en partie à cause du moteur. La résolution des textures est juste horrible, on a l'impression de revenir 10 ans en arrière, avec des textures moins belles que dans Max Payne (qui était pourtant un TPS et non un FPS). De plus, le streaming est réglé de manière maladroite, si on bouge rapidement la souris, on verra tous les objets se charger en temps réel. En matière de bouilli de pixels dégueulasses, Rage frappe très fort en 2011.
Le moteur accuse également son âge lorsqu'on voit à quel point les décors sont morts. Il n'y a ni lumière dynamique, ni moteur physique, ni destruction des objets et le ciel n'est qu'un fond d'écran immobile : tout paraît statique et casse l'immersion.
Niveau gameplay, là aussi j'ai été déçu. D'un point de vue purement FPS, ce n'est pas forcément mauvais. Les armes sont très classiques, mais le gun fight est rapide, gore et amusant. Un travail remarquable a été effectué sur l'IA et les animations des ennemis, pour rendre les combats beaucoup plus dynamiques que dans la plupart des FPS solo actuels.
Le principe du craft des objets apporte un agréable plus pendant les affrontements. Dommage cependant qu'id nous a ressuscité le vieux concept frustrant des "surhommes capables d'encaisser 5 chargeurs de fusil dans la tête", ce qui nous empêche de pleinement profiter des gadgets de manière amusante. Ceci-dit, ça n'a pas empêché le jeu d'être très facile.
Mais le véritable problème du gameplay vient de la structure du jeu. Dès le début, vous allez vite comprendre qu'on se retrouve toujours devant le même schéma de missions, à savoir "aller parler à bidule - aller à un endroit - tuer tout le monde - revenir et aller parler à machin" etc etc...
Le jeu est donc très répétitif, surtout que souvent on est forcé de revisiter un lieu déjà connu, avec quelques portes en plus ou en moins, ou pire, dans le sens inverse.
Certes, il existe plusieurs activités secondaires pour s'occuper entre 2 missions, comme des courses de voiture, un jeu de cartes, une partie de dés etc... Mais le cœur du gameplay restera désespérément similaire pendant tout le jeu.
De plus, Rage n'est qu'un pseudo open-world. On peut se balader si ça nous chante, mais il n'y a rien à faire en dehors des missions. La surface de jeu reste minuscule, et votre progression sera cloisonnée de partout avec des murs invisibles. En gros, Rage réussit à dissimuler très bien ses couloirs.
L'histoire du jeu est inexistante, on n'apprend rien sur notre héros, ni sur l'univers au final. Le scénariste n'a fait que reprendre le vieux coup du monde post-apo contrôlé par un gouvernement totalitaire qu'une bande de révolutionnaires compte renverser. On a connu plus original.
La narration est basique, et les personnages paraissent très plats. Finalement, on ne s'attache à personne, tellement il n'y a rien qui se déroule. L'histoire est juste un prétexte pour poser cet univers.
Le dernier niveau du jeu est vraiment très bâclé. Il n'y a aucun combat épique contre des hordes de surhumains ou un boss colossal. C'est assez frustrant (ou dois-je dire... rageant ?), au point où on se demande si ce n'était qu'une blague, et il y aura la suite après le générique. Mais non.
L'aventure se termine donc au bout de 8 à 10 heures, rajoutez 2 heures pour finir les activités annexes. On est très loin des 20 heures qu'on nous avait promises.
Rage est clairement un jeu qui avait un immense potentiel, avec son univers très charmant et des gun fights amusants (au départ). Mais lorsqu'on voit de plus près, on se rend compte de sa faiblesse technique, de la pauvreté de sa structure globale et son absence d'histoire. Rage est donc pour moi une grande déception, étant donné tout ce travail d'artistes derrière. On se forcera à finir pour profiter de cet univers au maximum, mais on ne retiendra au final qu'un FPS trop classique et trop répétitif pour vraiment séduire. D'autant plus que la fin est vraiment pourrie.