Alors celui-là, je ne l'avais clairement pas vu passer !
Petit puzzle game sorti en 2022 de la part d'un petit studio polonais dont j'ignorais jusqu'à alors le nom (Afterburn pour les curieux), Railbound fait partie de ces jeux qui entendent se bâtir autour d'un concept simple mais qui se veut porteur : ici, une banale affaire d'assemblage de wagons à une locomotive. Il suffit de regarder un trailer pour comprendre tout de suite l'idée : chaque puzzle prend la forme d'un damier sur lequel ont été disposés des wagons et une loco, l'objectif étant pour le joueur de relier tout ça avec des rails afin que les premiers aillent se raccorder à la seconde. Un principe tout bête donc et dont le trailer donne une idée des enjeux et des possibilités : parce que – bien évidemment – le nombre de rails est limité et les wagons et obstacles deviennent sans cesse plus nombreux.
Voilà de quoi se détendre simplement faute de mieux, pourrait-on s'imaginer de prime abord. C'est en tout cas ce que je me suis dit quand j'ai découvert ce jeu parmi les promos du Nintendo eShop. Et je pense sincèrement que s'il n'avait pas été à 0,99€, jamais je n'aurais pris la peine de m'y intéresser et encore moins de l'acheter...
Or, quelle belle erreur ça aurait été !
Parce qu'en effet, il cache drôlement bien son jeu ce Railbound ! Moi qui m'attendais à plier ça en une heure ou deux, j'avoue avoir été surpris par la tournure de ma partie. En dix minutes, j'avais pourtant bouclé la huitaine de niveaux qui composaient le premier monde. Avec dix minutes de plus, je pliais le second, et après une demi-heure de jeu, j'étais déjà théoriquement arrivé au tiers de la partie. Tous les outils censés enrichir le concept de base semblaient avoir déjà été posés sur la table : barrières, aiguillages à bouton, tunnels, quais à desservir... Tout ça coulait vite et bien, qui plus dans un univers visuel tout ce qu'il a de plus chaleureux et mignon, le tout agrémenté par dessus le marché de musiques agréables et de cartes postales remplies de chiens-cheminots trop choupis. Autant dire que je tenais là une bonne distraction pour ma soirée. Et une distraction à 0,99€, s'il vous plaît...
Et puis soudain, il y a ce niveau ; celui qui va soudainement nous obliger à interrompre notre cadence d'enfer. On n'aura pas tous le même, c'est presque certain. Ça dépendra de la logique de chacun. Mais aux alentours du monde 4 ou 5, il va y avoir un niveau qui va nous poser une résistance et nous obliger à nous poser deux minutes... Voire dix... Voire plus.
Et c'est là, pour moi, que l'expérience Railbound commence vraiment.
Se retrouver bloquer sur un niveau de Railbound, c'est soudainement considérer les règles autrement. En fait, le nombre limité de rails n'est pas qu'un obstacle, c'est aussi un indice. Les cases bloquées par des piquets, les rails inamovibles, les virages imposés : autant de problèmes qui sont en fait aussi là pour nous guider. Parce qu'au bout d'un moment, il y a clairement trop de paramètres à gérer. Entre ces trois wagons qui ne partent pas dans la même direction, qui vont devoir prendre a un moment donné la même voie mais dans des sens opposés sans se percuter, tout en prenant en compte les temps d'arrêts aux quais, le fait que tel wagon se doive d'actionner le bon interrupteur afin d'actionner la barrière pour l'autre wagon, et le tout en veillant bien à ce que les aiguillages s'orientent dans le bon sens au bon moment, on peut très vite se laisser dépasser par les évènements. Et c'est à partir de là que, pour ma part, j'ai vraiment pris la peine d'explorer toutes les possibilités d'aiguillages complexes, réfléchissant en termes de timing et de voies à plusieurs usages. D'un côté les contraintes m'obligeaient à sans cesse chercher de nouvelles astuces tandis que l'enchainement d'essais / erreurs participaient à me faire appréhender progressivement ce nouveau système qu'on m'incitait à échafauder. Et c'est généralement là que tout finit par se débloquer. Soit ça arrive après qu'on ait bien pensé notre truc, et dans ce cas-là le lancé de wagonnet à quelque chose de très rétributeur, soit on a été un peu chanceux au moment d'opérer le lancé gagnant et dans ce cas-là, il y a quand même moyen d'être admiratif de la belle ingénierie échafaudée par Afterburn. Pile tu gagnes, face tu ne perds pas pour autant. Tout ça reste quand même grisant.
Car l'aventure ne s'arrête bien évident pas au premier écueil rencontré. Des écueils, bien évidemment, on en rencontrera d'autres sur notre chemin, mais là où je trouve l'expérience agréable, c'est que je ne suis jamais retrouvé à devoir buter deux fois d'affilée sur un tracé. Non pas que le jeu ait été pensé pour enchaîner puzzles faciles et puzzles durs (quoi que), c'est plutôt qu'à partir du moment où on a cerné une logique, on peut généralement l'appliquer lors des puzzles suivants. C'est ce qui a fait qu'en général, après un long blocage, ça m'est arrivé d'enchaîner parfois six à dix circuits sans vraiment bloquer et cela jusqu'à la prochaine épreuve...
Et voilà comment, de fil en aiguillage, je me suis retrouvé a passer plusieurs heures sur ce jeu, et sans jamais vraiment me prendre la tête. Parce que lorsqu'un puzzle nous bloque, rien ne nous empêche de revenir en arrière pour tester des tracés alternatifs qu'on a laissé de côté dans les mondes précédents. Quelques circuits supplémentaires nous permettent alors de nous changer les esprits, peaufiner nos techniques, et revenir au puzzle qui nous bloquait initialement pour le débloquer enfin. Malgré tout, je trouve dommage que les petits gars d'Afterburn n'aient pas pensé à explorer la piste de trajets alternatifs nous permettant de contourner les puzzles sur lesquels on coince. Parce que ça veut dire que, si malheureusement on est vraiment bloqué sur un puzzle faisant partie de la trame principale, alors on ne pourra pas avancer plus loin : on sera contraint de trouver la solution. Or je trouve dommage que dans un jeu qui parle de trains et d'aiguillage, on n'ait pas envisager d'explorer la voie de l'itinéraire bis.
Malgré tout, ce manquement ne m'a personnellement pas empêcher de prendre mon pied bien comme il faut avec ce Railbound. C'est clairement ce que ça prétend être, et c'est même un peu plus que ça. C'est simple, accessible, mais ça ouvre à suffisamment de complexité pour nous offrir une progression gratifiante. Alors certes, je ne vais pas non plus hurler au chef d'œuvre non plus. Je ne suis pas ressorti de là en ayant eu l'impression qu'on m'avait inventé la pierre philosophale, mais malgré tout, j'ai trouvé là un jeu sans réelle fausse note ; un jeu que j'ai pu tout aussi bien mobiliser pour des petites parties d'un quart d'heure que pour des grosses sessions d'une heure ; un jeu vers lequel je suis toujours retourné avec la banane.
Bref, dit autrement, Railbound est un jeu abouti, qui pousse son concept jusqu'au bout. Et ça, pour moi, c'est juste synonyme de billet pour le pays des joueurs satisfaits. Vous l'aurez donc compris, Railbound, c'est clairement un jeu pour lequel je vous conseille quelques minutes d'arrêt. ;-)