Red Dead Redemption par samyz
Ce qui a fait entrer Rockstar dans la cour des grands, ce n''est pas tant les moyens souvent colossaux mis en oeuvre dans la production d'un GTA, ni même sa réputation sulfureuse. La vraie force des derniers GTA réside dans leur sens aigu du storytelling, l'art de raconter et de mettre en scène une histoire. C'est peut-être parce qu'il est anglais et non pas américain que Dan Houser, co-créateur du studio, trouve le recul nécessaire pour dresser avec autant de justesse un portrait satirique de sa société d'adoption. En s'attaquant cette fois au mythe fondateur du Far-West, la réflexion sur l'Amérique, ses idéaux et ses démons, atteint une toute autre dimension.
Read Dead Redemption vous plonge en 1910, au crépuscule de la
grande aventure de l'ouest, près de la frontière américano-mexicaine.
Vous incarnez John Marston, hors-la-loi repenti guidé par un profond
désir de vengeance. Tantôt Pascal grand frère, tantot revenant à
ses démons de truand, il ne peut s'empêcher de remplir de sales
besognes pour le compte d'authentiques salopards en échange d'une
poignée de dollars. Pourtant, la plupart de ses faits d'armes seront
répertoriés sur le compte du respect de l'ordre (à défaut du respect de
la loi), ici en partant à la recherche du fils disparu d'une villageoise,
là en ramenant au shérif un voleur de chevaux après l'avoir ligoté et
trimballé sur son destrier comme un vulgaire jambon, ou encore en
sauvant un malheureux reluqué de trop près par un esprit damné aux
tendances cannibales. Jonglant entre une jauge de réputation et une
jauge d'honneur, alternant bonnes et mauvaises actions, Marston est
prisonnier de ses propres contradictions, à l'image d'une époque vivant
ses dernières heures : à l'aube d'une nouvelle civilisation, le Far-
West et ses codes d'un autre temps ne tarderont pas à être balayés
par l'inéluctable marche du progrès.
Si l'interface et la maniabilité sont calqués sur GTA IV, RDR surprend
par sa maîtrise technique en offrant des environnement sauvages
et gigantesques d'une beauté rare, à parcourir de longues heures
durant à cheval ou en diligence. Les adeptes de défis rencontreront
des compagnons d'arme ou se confronteront à des chasseurs de prime
dans un mode en ligne très complet partagé entre exploration libre
et joutes multijoueurs classiques. RDR, c'est aussi une galerie de
personnage assez fascinants, des mini-jeux à la pelle , des centaines
de missions aléatoires et annexes, des saloons animés, des duels
au pistolet, des musiques façon Morricone, des chevaux sauvages
à capturer, des coyottes, des villes fantômes, des commercants
charlatans, une alternance permanente de moments de solitude,
d'introspection, de bravoure ou de lose totale. C'est aussi une
foison de gunfights intenses et précis grâce au système de sang-
froid permettant de ralentir l'action pour dégainer plus vite que
Lucky Luke.
Non content de peaufiner l'ambiance dans ses moindres
détails (mention spéciale au journal local et ses publicité d'époque
délicieusement mensongères), RDR immerge froidement le joueur
dans la réalité reconstituée du Far-West, en y supprimant le glamour
mythifié. Un univers impitoyable, nid à désillusion, violence gratuite,
ignorance crasse, maladies, corruption, perte de repères, où la seule
loi qui vaille est celle dictée par le colt à 6 coups. Une incroyable
expérience, immersive, parfois émotive, à tel point qu'après avoir
éteint la console, on se dit que notre époque n'est finalement pas si
pourrie.
Test publié dans Snatch Magazine n°3 - www.snatch-mag.com
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