Il est amusant et malheureusement pas vraiment surprenant de constater que la religion progressiste s'exprime également sur le sujet du jeu vidéo.
C'est d'autant plus vrai pour un média qui bien plus que les autres évoluent au rythme des transformations technologiques.
Ce dogme de la marche forcée vers l'avant s'applique aussi bien à l'aspect technique et artistique du jeu, qu'à son gameplay. Assez ironiquement, le scénario de son côté ne semble pas soumis au même diktat. Comme si la maturité du jeu vidéo devait passer par une incessante remise en question de sa forme et non du fond, du sens qu'il porte. Mais c'est un autre débat.
Cette critique porte sur le remake de Resident Evil 2, espéré, annoncé, attendu et finalement disponible !
Les développeurs de Capcom se sont donné pour objectif de sublimer un classique du survival horror, vieux de plus de vingt ans.
Le défi était de taille puisque le progrès ne devait pas uniquement se voir par l'aspect visuel, mais aussi se ressentir dans le gameplay.
Fini les contrôles ultras rigides, les temps de chargement pour chaque porte, les caméras fixes. En s'inspirant du travail effectué sur le septième opus de la franchise, ils ont réussi à proposer une formule plus fluide, tout en restaurant une perspective à la troisième personne.
Ceci dit, ils ont conservé la mécanique des allers retours qui force le joueur à arpenter encore et encore les mêmes couloirs, pour aller quérir les différents objets clés qui débloquent la progression du jeu.
C'est sur ce point que personnellement je trouve la décision des développeurs plutôt intelligente et audacieuse dans un climat dont la tendance est au rejet du passé pour systématiquement vénérer le futur.
Aller et venir dans un environnement dangereux permet le développement d'un ressenti pertinent à plusieurs niveaux lorsqu'il s'agit de faire peur.
Tout d'abord, l'obligation de repasser par tel ou tel couloir crée de l'appréhension puisque limité en balles, il n'est pas possible d'exterminer tous les ennemis et bien souvent une bonne partie d'entre eux reste à errer, attendant le retour du joueur pour tenter d'attraper un morceau de chair.
Dans le même temps, les différentes énigmes, objets à associer, à insérer au bon endroit nous intime d'être dans la réflexion, la concentration.
Il faut ajouter à cela l'attention à maintenir sur les munitions et les soins à disposition.
Enfin, il ne faut pas oublier la présence de Mr X, un genre de terminator, capable de nous poursuivre partout et qui vient rajouter cette petite pression supplémentaire.
Cet ensemble crée une dynamique mentale qui tourne autour d'une simple question : « Comment je dois faire, par ou dois-je passer pour survivre et me sortir d'ici ? »
Pour y répondre, le joueur doit apprivoiser, connaître son environnement, à commencer par le commissariat et sa cartographie, afin de planifier son évasion.
Quand on regarde les choses sous cet angle, la mécanique d'aller-retour, jugée désuète et laborieuse fait partie d'un tout qui se met au service d'une volonté, celle de créer de l'insécurité. Le seul moyen de contrer ce sentiment passe par le besoin de générer de la familiarité. Je connais donc je n'ai plus peur, tant et si bien qu'à la fin on se sent « presque chez soi ».
Cette dynamique très au fait du fonctionnement humain qui témoigne d'un besoin de s'approprier les choses pour ne plus les craindre ne devrait pas souffrir du harcèlement dogmatique de la modernité.
Lorsque l'on regarde de nombreux survival horror sans allers retours, plus linéaire dans leur construction, on constate trop souvent que le ressort principal de tension s'avère être le jump scare. Autrement dit, l'astuce consiste à jouer avec la tension nerveuse du joueur, mais est-ce véritablement de l'angoisse et sommes-nous confrontés au besoin de l'apprivoiser ?
Pour avoir essayé un certain nombre de ces titres, je n'avais pas l'impression de traverser un processus qui m'amenait à évoluer. Au contraire, j'avais davantage le sentiment d'être pris pour un con qu'on essaie de piéger à répétition, comme un ami passablement relou qui à intervalle plus ou moins réguliers se cacherait dans un placard pour en sortir en criant Bouh !
En définitive, ce remake de resident evil 2 me conforte dans l'idée que le passé n'est pas à jeter. De la même manière que le tour par tour dans un RPG, les allers retours dans un survival horror sont au service du fond, plus que de la forme. En ce sens je ne vois pas la nécessité de s'en débarrasser, mais plutôt de les amener à évoluer pour que le propos, le sens du jeu soit respecté, tout en tenant compte des réels progrès survenus entre temps.
Ma critique laisse délibérément de côté de nombreux aspects du titre qui ne sont pour autant pas moins importants, mais après avoir lu et entendu un certain acharnement sur la forme, je souhaitais revenir sur le cœur de l’expérience survival horror que Capcom avec cette dernière production respecte et met en valeur comme finalement très peu savent le faire.
Si les jump scare ont pu faire le bonheur du streaming puisque prétexte à l’exagération et au partage d'une vision théâtrale de la peur, les allers retours visent quelque chose de plus intime, la rencontre et l'apprivoisement de nos propres angoisses.