Final Fantasy 15 était censé taper une bonne fois sur la table des RPG pour rappeler que le japon est toujours à prendre au sérieux. Malheureusement ce fut une petite catastrophe. A singer les mondes ouverts occidentaux, ce FF a dilué son identité. Entre les sous quêtes qui sont plus qu’annexes et le scénario mal maitrisé, mal raconté, ce jeu est d’une tristesse. Posé à côté d’un The Witcher 3, il fait figure d’enfant incapable de rassembler ses idées pour s’exprimer. Quel crève-cœur pour toute une génération de joueurs qui ont découvert les jeux de rôles avec FF7 et toute sa profondeur.
C’est sans doute ce contexte un peu morose qui explique mon enthousiasme vis-à-vis de Persona 5, qui au travers de sa campagne marketing s’annonçait comme la dernière fantaisie japonaise (à grande échelle).
Bon, on ne va pas se mentir le premier contact est un peu hard. C’est dense de dialogues et tout est en anglais.
Mais une fois acclimaté, on glisse doucement dans une immersion sans concession.
On est tout d’abord attrapé par l’esthétique générale du titre. Quand en occident, on nous ressort presque toujours l’austère inventaire, ici c’est le feu d’artifice. Chaque menu et sous menu bénéficie d’une illustration différente, chatoyante et ensorcelante. Et que dire de l’interface inter et post combat, très bien intégrée et pleine de folie.
Alors oui ça fait très manga japon !!! Mais si on laisse de côté les préjugés, c’est juste parfait.
Aujourd’hui, on ne peut parler d’un jeu vidéo sans mentionner l’aspect technique. Est-ce qu’il est à la hauteur de la machine sur laquelle il tourne ? C’est du 1080 en 60 fps ? Etc.
Pour Persona, j’ai l’impression que la question ne se pose pas, en tous les cas pour moi, qui suit davantage sensible à la direction artistique qu’à la technique.
Et puis il y a la conception sonore. Un régal ! Que ce soit les sfx ou l’ost, l’ensemble se déroule sans une fausse note. Certains thèmes sont plus accrocheurs que d’autres, mais globalement c’est surprenant et rafraichissant. Chaque lieu, chaque instant comporte une identité bien marqué et avec le mélange rock/jazz/pop, autant dire qu’on voyage !
Maintenant que dire de tout le reste, tellement c’est vaste.
Disons que le scénario a le mérite de jouer avec pas mal de symboliques qui offrent plusieurs niveaux de lecture, en plus de nous confronter à un Tokyo moderne, dans ses préoccupations.
Nous incarnons un adolescent qui fait sa rentrée dans un nouveau lycée avec un statut de criminel en probation. Il va faire la rencontre de nouvelles personnes, se lier d’amitié et d’inimitié et se voir affubler de la fameuse étiquette de l’élu qui doit sauver le monde.
Ce synopsis peut paraître très, trop classique, mais encore une fois, la façon dont on raconte les choses et ce qui est montré sur le chemin parcouru de ce héros fait toute la différence.
Il ne m’est pas facile de mettre des mots sur l’expérience narrative que propose ce jeu, tant je n’avais pas ressenti une aussi forte immersion, sans doute depuis Shenmue.
C’est sans doute dû en partie à cette gestion du temps que nous impose Persona, puisqu’il nous propose de suivre le quotidien d’un lycéen normal le jour et exterminateur de narcissique la nuit.
Il est demandé au joueur de choisir sans arrêt. Avec quel ami vas-tu approfondir ta relation ? Vas-tu aller travailler ce soir ? Vas-tu aller pêcher, faire du baseball ?
Sachant qu’après les cours, vous n’avez la possibilité de réaliser que deux grosses activités (le shopping ne compte pas, heureusement).
Par ce choix de gameplay, Persona nous rapproche de nos quotidiens toujours plus pressé d’empiler les activités.
Et il faut avouer que l’on se perd à gérer le tissu social de notre protagoniste, d’autant que le niveau de relation va se répercuter sur les phases de combats via des compétences très utiles.
Un exemple parmi tant d’autres, si l’un de vos camarades est assez proche de vous, il sera littéralement prêt à prendre une balle pour vous (comprenez le coup fatal d’un ennemi). Ce qui fait que personnellement, je me suis retrouvé à combattre le dernier boss entouré des personnes dont j’avais choisi d’être le plus proche.
Cette correspondance entre le vécu de votre avatar et le gameplay de combat vient encore renforcer l’immersion et la volonté de creuser les mécaniques du titre pour devenir un être social, en plus d’un combattant aguerri.
Il faut ajouter à cela la composante psychologique qui traite de façon assez pertinente le cœur des hommes et son ambivalence entre le désir et l’empathie. Le jeu dépeint une fresque très engagée de la culture individualiste qui consiste à ériger des murs, à construire des palaces pour se protéger des autres. Persona 5 place en opposition sa culture collectiviste, dont le japon est un des représentants, par l’intermédiaire de ce groupe d’adolescents, complémentaires et co-dépendants.
Et au final, c’est sans doute ce qui m’a le plus marqué dans cette aventure de 95h. Après avoir enchainé les RPG occidentaux, qui offre au joueur le plus souvent un bac à sable dont il est le roi incontesté, ce Persona m’a offert cette vision culturellement opposée, ou il s’agit de construire un groupe qui n’agit qu’à l’unanimité.
Qui plus est, au contraire d’un monde ouvert, la progression peut paraître balisée, cloisonnée, et pourtant, rarement j’ai eu cette impression de pouvoir m’exprimer, d’exister dans un jeu vidéo.