Si le Remake de Resident Evil 2 avait soulevé des inquiétudes légitimes suite à son développement étonnamment silencieux, il était parvenu à surprendre un grand nombre de joueurs, moi y compris, en s'imposant à nouveau, malgré son statut de Remake, comme un épisode majeur de la série, réitérant ainsi l'exploit accompli par Rebirth sur Gamecube des années auparavant.
Étant donné la sortie extrêmement rapide de ce Resident Evil 3 Remake après celui de Resident Evil 2, il était malheureusement clair qu'il ne fallait pas placer autant d'espoirs de renouvellement dans ce nouvel opus mais ce dernier s'achève malgré tout avec un certain goût amer devant un manque regrettable d'ambitions.
Le début du jeu parvient pourtant à faire illusion et semble avoir enfin trouver le compromis que la série a toujours désespérément chercher à atteindre entre Action et Survival Horror. Là où Resident Evil 2 Remake avait ainsi enfin représenté l'incarnation du TPS Horrifique que les fans avaient espérés depuis les versions abandonnées de Resident Evil 4, ce RE 3 est assez honnête d'entrée de jeu sur ses aspirations : le rythme sera plus effréné, l'ambiance moins posée et contemplative mais à première vue, il ne compte pas pour autant lorgner vers l'action décomplexée d'un Resident Evil 5.
Ainsi, si le rythme de l'aventure essaie très clairement d'inciter le joueur à une fuite en avant perpétuelle, ce nouveau cauchemar interactif garde pourtant dans sa structure un Level Design ingénieux, incitant à la mémorisation des raccourcis et autres serrures qu'il faudra plus tard débloquer. Et si l'effet de répétition après la sortie pas si éloignée de Resident Evil 2 commence déjà à se faire sentir, le jeu a au moins le mérite de proposer un renouvellement du bestiaire (à défaut de l'arsenal) pour inciter le joueur à rester malgré tout sur ses gardes en attente de la prochaine menace à affronter.
Un premier tiers au rythme parfaitement maitrisé donc et qui en met également plein la vue grâce à un RE Engine toujours aussi impressionnant (le retard technique associé aux productions Japonaises durant la précédente génération est décidément bien loin). Malheureusement à l'image de Resident Evil 2 dont la qualité de l'expérience diminuait drastiquement après la Maestria de son premier tiers dans le Commissariat, l'intérêt véhiculé par ce Resident Evil 3 s'effondre littéralement au bout de quelques heures et cela, en dépit même de sa faible durée de vie qui se révèlera assez dérisoire.
Plusieurs raisons peuvent expliquer cette déception (relative car finalement assez attendue) mais l'un des écueils les plus problématiques de ce Remake concerne justement sa gestion du rythme qui se révèle à terme contre productive. L'équilibre du premier tiers, précédemment mentionné, est rapidement rompu et le jeu s'évertue alors à imposer un rythme assez effréné au joueur qui occasionne deux effets pervers :
-A cause de cette fuite en avant perpétuelle, le jeu n'arrive jamais à dégager une ambiance véritable puisque le joueur ne reste jamais suffisamment longtemps dans un décor pour que ce dernier puisse être marquant. Si on rajoute à cela un certain manque d'inspiration dans les environnements (en dehors du premier tiers à nouveau), même un joueur habitué à la collectionnite finit par traverser rapidement les environnements sans prêter trop attention à ce qui est raconté autour de lui.
-Puisqu'il lorgne finalement du côté de l'action dans sa deuxième partie, le jeu illustre alors son incapacité à présenter des combats de boss mémorables ou des scènes d'action marquantes, comme avait su le faire Resident Evil 4 en son temps.
Et symptôme par excellence de cette contradiction interne, le Nemesis catalyse finalement en lui toute la déception de ce titre. Dans le précédent Remake, Mr X s'était étonnamment imposé comme la meilleure adaptation indirecte de Terminator dans un jeu vidéo, adoptant la même démarche lente et la présence sourde qui incitait le joueur à être prudent à chacun de ses pas. Dans ce RE 3 Remake, le Nemesis a beau être beaucoup plus agile, beaucoup plus agressif et bénéficiant d'un arsenal beaucoup plus complet, il n'est pourtant paradoxalement jamais aussi intimidant que son illustre prédécesseur, faisant ainsi de lui l'incarnation parfaite que la manière d'exploiter ses outils dans un jeu vidéo est aussi importante que la qualité des outils eux mêmes.
Ainsi, le Nemesis ne semble jamais véritablement briller comme il le devrait, il n'est pas suffisamment intégré dans la tension du gameplay pour être indissociable de l'expérience proposée. Pire, les différents formes ou autres armes utilisées par le Nemesis tendent au contraire à le tourner en ridicule puisque le joueur n'a même pas le temps de s'habituer à contrer un certain type d'attaques que sa Nemesis en change immédiatement d'autres, le discréditant ainsi davantage qu'il n'est véritablement effrayant.
Il est à ce titre intéressant de noter à quel point ce Remake se repose beaucoup plus sur ses cinématiques pour créer de la tension que son prédécesseur, illustrant peut être par ce biais un effet cache misère pour véhiculer dans sa mise en scène l'effroi censé être suscité par le Némésis que le jeu n'est pas réellement capable de reproduire concrètement dans son gameplay.
Et c'est malheureusement regrettable car en l'absence de ce Nemesis, le jeu ne brille absolument pas par son originalité et en dépit de sa courte durée de vie, parvient à dégager un sentiment de redondance assez regrettable. Ne parlons même pas du scénario qui essaie au début de nous faire croire à une approche plus psychanalytique de Jill, censée être traumatisée par les évènements du premier volet, avant de basculer dans le Nanar total comme seuls les Japonais sont encore capable de le proposer en 2020.
Maintenant, ce serait cracher dans la soupe que prétendre ne pas avoir apprécié cette expérience, quasiment parcourue d'une traite. Le rythme effréné a beau se révéler contre productif en matière d'impact et de sensations, il permet malgré tout de parcourir le jeu assez rapidement, offrant notamment le plaisir de parvenir à abattre quelques monstres auparavant récalcitrants. Néanmoins, le jeu semble à un moment à deux doigts de frôler le foutage de gueule en réexploitant sans gêne des environnements du précédent Remake (qui avait déjà ce défaut de rééexploiter lui même ses environnements à outrance) mais cela est heureusement passager.
Au final, ce Resident Evil 3 Remake demeure une expérience honorable, à condition tout de même de ne pas avoir été lassé par la proposition du précédent Remake. Il semble parvenir à trouver sa propre identité durant le premier tiers réussi avant que la réalité d'un développement probablement trop expéditif l'empêche de faire illusion bien longtemps sur ses faibles ambitions.
Ni un Survival Horror réussi, ni un jeu d'action mémorable mais une aventure sacrément rythmée, parsemée de quelques fulgurances de Level Design et de mise en scène. Il fut un temps, pas si lointain, où la licence était arrivée dans un tel état d'éparpillement qu'on se serait effectivement satisfaits d'un tel résultat. Mais maintenant que Resident Evil a retrouvée ses lettres de noblesse, Capcom se doit de faire preuve de plus d'ambitions, de peur de perdre à nouveau son public en chemin.
Pour ma part, si je demeure toujours aussi impatient de connaître la véritable nature de Resident Evil 8, je suis désormais beaucoup moins curieux de savoir si Code Veronica et Resident Evil 4 auront droit un jour à des remakes similaires.
Et pourtant, Dieu sait que je l'aime, mon Resident Evil 4. :(