Quand la fille du président des Etats-Unis est enlevée par une secte religieuse issue du fin fond de l'Espagne, provoquant au passage un incident international, les autorités ne trouvent rien de mieux à faire qu'envoyer un ancien flic équipé d'un 9mm et de quelques herbes médicinales.
C'est donc avec tout le soutien américain possible que débute l'aventure dans un coin paumé d'Europe centrale censé représenter un pays voisin du nôtre, et d'un revers de main, le jeu balaye tous les problèmes d'écriture avec un moteur de jeu et un gameplay impeccables qui nous calment d'emblée. Le jeu n'usurpe pas son statut culte et y rejouer aujourd'hui permet de voir où bon nombre de jeux de la 7ème génération ont puisé leur inspiration : pour le meilleur (gestion de la caméra, animations) comme pour le pire (QTE). L'introduction compte parmi les moments sacrés de la série, avec cette arrivée dans le village peuplé non pas de zombies mais bien d'hommes et de femmes (déments, certes). Qu'il soit néophyte ou non, le joueur a instantanément le réflexe de se réfugier dans la seule maison dont la porte est ouvert. Ce qui était alors synonyme de temps de chargement et de paix dans les opus précédents se transforme ici en un véritable enfer. Les villageois utilisent les échelles, cassent les fenêtres et viennent de partout, et je ne parle même pas de l'affolement que provoque le simple bruit de la tronçonneuse... Toute la première partie (aka le village) est d'une maîtrise totale aussi bien dans le level-design que l'ambiance globale.
Ce ton globalement sérieux est totalement contrebalancé par un Leon Scott Kennedy qui est décidément l'un des personnages les plus fascinants du jeu vidéo... dire que les événements de Raccoon City l'ont affecté serait un doux euphémisme tant il ne semble plus rien avoir en commun avec celui qu'il était 6 ans plus tôt. Détaché, cynique, également plus confiant et provocateur, chacune de ses répliques est culte, hilarante et rappellera certains des meilleurs (pires) films d'action US issus des années 80. C'est surtout à partir du deuxième tier (aka le château) que l'écriture va prendre une toute autre direction et lorgner du côté des plus grands nanars, tant les dialogues entre Leon et les vilains sont impayables. Le script se paye quand même le luxe de nous proposer un boss final avec un discours sur la pop culture et le cinéma hollywoodien quand il s'agit du personnage qu'on imagine le moins dans son canapé le dimanche soir à mater Die Hard. Mention spéciale pour le doublage anglais qui se permet quand même beaucoup de libertés en comparaison avec la version originale japonaise. ("where's everyone going? bingoooo ?")
En parallèle, les invraisemblances se multiplient et on ne s'étonnera même plus de visiter des volcans en éruption dans les salles supérieures d'une forteresse médievale, de croiser notre pote Luis dans les pires couloirs, ni de dézinguer des régiments entiers avec l'armée US qui arrive en renfort au dernier moment (America yeah!), le tout entrecoupé par des moments de pause où l'on retrouve un marchand toujours caché dans les endroits les plus improbables et dont la démarche commerciale serait sérieusement à revoir... pourtant le jeu sait ménager ses effets et reprendre un ton sérieux quand il le faut, notamment autour de ce que les opus précédents ont pu construire : à ce titre, la relation ambiguë entre Leon et Ada continue d'être exploitée et constitue une belle réussite qui donne envie d'en voir plus, quand cela n'est pas massacré par un dialogue final génial avec Hunnigan. Cette alternance entre passages sérieux et nanars se poursuit jusqu'à un générique magnifique, tant dans la musique que dans les illustrations, qui arriverait presque à nous donner des remords quant à tous ces villageois qu'on a pu décapiter avec le coup de pied légendaire de Leon...
Si le jeu se permet tous les délires possibles, dégageant ainsi tout réalisme pour se focaliser sur un game-design réussi, Resident Evil 4 propose donc une sacrée expérience qui marque le joueur par son ambiance et son gameplay, toujours aussi efficaces près de 15 ans après, ce qui en fait un excellent jeu d'horreur extrêmement drôle.