Habituellement, ce sont les jeux à petit budget qui poussent les genres. Ils innovent. Ils épurent. Ils complètent. Ils rendent obsolètes les jeux à gros budget trop lâches, trop apeurés, trop pourris par le désir de plaire, pour les suivre en des sentiers aventureux. Si un genre ne devait pas faire exception à la règle, c'est bien celui de l'horreur, où les petits studios règnent en seigneur depuis plusieurs années (avec Frictional Games comme roi et maitre). Pourtant, pour le coup, Resident Evil 7 vient de foutre un sale vent à toute cette clique de petits bourgeois. Oh certes ! L'enfant prodige n'est pas vraiment aussi bien écrit qu'un Soma, mais il est tellement plus amusant à jouer.
Du reste, Resident Evil 7 n'est pas si mal écrit. En fait, il est même curieusement bien écrit. Sa grande réussite est d'arriver à laisser largement le joueur dans l'obscurité quant à ce qu'il se passe tout en lui donnant suffisamment d'informations, et des informations suffisamment intrigantes, pour aiguiller sa curiosité. Puis, franchement, j'ai trouvé que les dialogues étaient plutôt bons, en tout cas largement supérieur à la plupart des productions AAA dont la qualité d'écriture est pourtant vantée par tout un tas de sordides crétins (les Biowares, les Rockstars, etc.). Le héros a beau avoir peu de personnalité, la sobriété dont il fait preuve dans l'expression de son malheur (en l'occurrence,
la mort répétée – et finalement définitive, en ce qui me concerne –
de sa bourgeoise) suffit pour en faire un perso plus supportable que le gros du cast d'un Mass Effect. Le merveilleux "Kill this little bitch !" (une gosse) de ladite copine est plus fun (sans doute car il cherche aussi moins à l'être) que la plupart des saillis drolatiques de Rockstars. Puis, je dois l'admettre, j'ai été touché par la terreur de Zoé lorsqu'elle
se transforme en carton-pate
après avoir cru pouvoir s'échapper – mais il faut dire que j'ai aussi une faiblesse pour les jolies garçonnes aux yeux cernés vivant des choses horribles dont elles ne réchapperont pas.
J'ai plus ou moins implicitement écrit plus haut que la dimension interactive du jeu était amusante. Une des raisons pour laquelle elle est amusante tient au fait que Resident Evil 7 est agréable à manier. Il y a cette théorie insupportable, contraire à tout ce qui est beau et bon, qui veut que pour faire peur, un jeu doive être pénible à diriger, particulièrement en matière de combat. Ordinairement, les ridicules avocaillons de cette fumisterie se cachent piteusement derrière les Silent Hills, une série de jeux en effet plutôt correcte et pourtant particulièrement peu agréable en main. Je pense qu'un peu de réflexion aurait déjà permis à l'époque de convaincre quiconque de l'erreur de ces vues ; mais depuis, merde, y a eu Amnesia (et d'autres jeux avant, mais Amnesia fut le plus marquant) qui a bien montré au monde qu'il n'y a pas besoin de mauvais combats pour faire peur, pas de combat du tout (mais tout de même des vilains) faisait très bien l'affaire. Resident Evil 7 poursuit la démonstration en montrant qu'on peut même avoir un système de combat agréable à manier et tout de même une bonne dose de frousse ; il suffit que les ennemis soient beaucoup trop forts et les ressources beaucoup trop rares – ou tout du moins, qu'ils donnent l'impression de l'être.
Enfin, et c'est sans doute la plus grande qualité de Resident Evil 7, le jeu a un rythme et une diversité incroyable. Le jeu dure 10 heures, ce qui est très long pour un jeu de ce type, pourtant il arrive à constamment varier. Les 20 premières minutes sont un mélange de promenade et d'action avec une mise en scène bien rigide et au spectaculaire un peu ridicule. Puis ça se transforme en jeu d'horreur comme ils se font depuis Amnesia : un jeu de courses poursuite où un affreux invincible est sur nos talons (ou potentiellement sur nos talons) pendant que l'on doit explorer l'environnement et résoudre quelques pseudo-énigmes. Mais alors que la chose commence à durer un peu, par la grâce du game design, nous voilà soudainement dotés de moyens de répandre la douleur autour de nous. Le jeu devient alors semblable aux premiers Resident Evil (en plus agréable à manier) : on est armé, mais on a très peu de ressources et il faut économiser (d'autant plus qu'on est toujours coursé par l'autre affreux, qui ne reste jamais à terre bien longtemps). Puis, comme dans beaucoup de jeu de cette espèce, on commence à être trop équipé, on a trop de flingues, trop de munitions, trop de soins, l'idée de pénurie commence à se faire loin. Le jeu est devenu Resident Evil 4 (ou 5 ou 6)(en plus agréable à manier). Cela dure un peu, puis soudain, le jeu nous retire tous nos joujoux. On change de perso et on recommence avec rien, sauf que les ennemis les plus coriaces, eux, sont déjà directement là. C'est une version sous amphétamine de la phase d'avant. Phase beaucoup plus courte cependant, car on se rééquipe vite, et on se re-équipe encore, et encore. On promène dans son coffre de quoi armer une armée ; et ça tombe bien, car en face on a une armée à exterminer. Puis le jeu prend fin.
Durant tout ce temps, le jeu a continuellement proposé de nouveaux monstres, de nouveaux décors, de nouvelles armes. Il a alterné phases d'exploration, phases d'énigmes, phases de boss.. Il y a pas mal de monstres génériques, trop sans doute ; mais les opposants intéressants, avec une personnalité et des caractéristiques uniques, sont très présents. Ce ne sont pas de simples super-monstres que l'on ne croise qu'à la fin du niveau. Ils interagissent avec nous constamment.
Le jeu aurait mérité tout de même un petit dégraissage. La dernière heure du jeu dans les mines aurait pu être réduit à une portion congrue. Mais globalement, c'est une chose exceptionnelle que nous propose cet Resident Evil 7, et d'autant plus si on prend en compte la démo et les DLC (qui, eux aussi, proposent des expériences assez différentes de ce qu'on peut trouver dans le jeu de base).
Resident Evil 7 est le premier blockbuster à m'avoir réellement plu depuis des années, depuis Fallout : New Vegas plus précisément. Ça reste un blockbuster, ce n'est pas une expérience radicale que celle de Resident Evil 7, mais elle est riche, et tellement léchée. Ainsi donc, je recommande.