J’ai découvert Stalker l’année de sa sortie, prêté par un ami dont les goûts m’apparaissaient obscures à l’époque (et qui m’apparaissent aujourd’hui comme le summum du bon goût, puisqu’il m’avait aussi initié à Hitman Contracts et Morrowind). J’y ai joué sur mon pc de l’époque, ça ramait constamment, et les nombreux ralentissements auraient pu vite me dissuader si, dans un mouvement inverse, le jeu ne m’avait pas happé autant.


À première vue, rien de révolutionnaire dans le gameplay. Le joueur évolue dans un « monde ouvert » découpé en zones pensées de telle manière qu’elles forment un parcours. Vous partez depuis le bas de la map, et à l’autre bout, vous attend la fameuse usine de Tchernobyl. Vous avez une mission principale qui consiste à chercher un type, mais vous aurez aussi l’occasion de vaquer à des missions secondaires en parlant à des pnjs. Un petit côté rpg donc, avec liberté d’action, gestion d’inventaire, gestion du poids, et quelques à-côtés sympathiques.


Si les mécaniques du jeu sont classiques, l’expérience proposée au joueur, elle, est unique. Et je pèse mes mots. Stalker est un FPS unique, sans équivalant. À mon sens, les Fallout et les Metro ont tenté de s’en approcher, en vain.


D’abord, Stalker est difficile. Vous êtes faible, et les ennemis ne sont pas cons. Une balle bien placée, un tir à bout pourtant et vous êtes mort. Donc vous êtes prudent. Les ennemis vont vous prendre à revers, se planquer, vous encercler. Est-ce que l’IA est bien travaillée ? J’en sais rien, mais je me souviens très bien des fusillades longues et éprouvantes. On ne fonce pas dans le tas, on se planque, on surveille ses munitions, et si possible on évite les affrontements déséquilibrés. Je me souviens des heures accroupi dans la boue, sous une taule, la peur au ventre, pour évaluer les mouvements des groupes ennemis, je me souviens qu’eux aussi se déplaçaient, reculaient ou me coinçaient, et que les fusillades pouvaient parfois s’éterniser, ou bien être vite expédiée si j’agissais intelligemment.


Surtout que le danger est partout. Vous êtes dans la Zone. Un périmètre de plusieurs kilomètres autour de l’usine de Tchernobyl. Comme dans le livre, la Zone est convoitée pour ses richesses. Les radiations ont transformé la faune et la flore, et les hommes viennent chercher de toute part des artefacts étranges qui intéressent la science. On croisera donc plusieurs types de groupes. D’abord les brigands, les moins dangereux mais les plus nombreux, seulement là pour piller et pour vous emmerder. Ensuite l’armée, bien équipée, qui essaie d’encadrer cette jungle comme elle le peut et qui n’est pas amicale. Ses hélicoptères survolent régulièrement la Zone, mais les soldats évitent de s’y aventurer et n’effectuent que de rares descentes dans cet enfer. Ensuite, il y a les Stalkers, et là ça se complique.


Les Stalker, c’est des pros. Ils rigolent pas. Ils sont monstrueusement équipés, si bien que l’armée évite de les faire chier. Mais il y a plusieurs factions de stalkers. Je crois me souvenir (assez mal) d’une faction du devoir dont le but est d’encadrer le phénomène des stalkers, de sécuriser la zone, d’en faire un territoire réglementé. Et d’une faction de la liberté qui s’oppose à cette vision et qui considère que la Zone doit rester un eldorado libre et profitable à chacun. Car, comme dans le livre, les Stalkers sont des chercheurs d’or, des aventuriers, des mercenaires qui n’ont peur de rien qui contribuent à cartographier la Zone. Vous pourrez rejoindre l’une de ces factions, ou faire cavalier seul. Vous êtes libre.


Votre but : trouver Strelok, un stalker légendaire, qui aurait apparemment réussi à atteindre Tchernobyl.


Tout l’univers du jeu se déroule à travers les informations glanées ici et là. L’idée géniale, déjà présente dans le roman, est que les radiations ont créé quelque chose de déique, de vivant, qui a une emprise sur l’homme. On parle de la Zone comme d’une entité qui aurait ses propres réactions, ses humeurs, sa volonté de conquête. Et ça, vous le ressentez dans l’ambiance du jeu. Il y a vraiment quelque chose de pesant, d’étrange, à la fois terrifiant et beau dans la façon dont la Zone vit autour de vous. Beaucoup de critique parle d’abord de ça, et c’est normal. Car c’est ça qui nous frappe d’emblée lorsqu’on commence une partie : l’ambiance unique qui nous saisit, le sentiment d’être dans un enfer, mais un enfer calme qui nous envoute. C’est difficilement descriptible. Il faut le vivre.


C’est un enfer à cause des différents groupes armées que j’ai cités, et qui vont bien vous occuper, mais aussi à cause des mutations que vous allez croiser. La Zone est pavée d’anomalies physiques. Des pièges mortels disposés par la nature elle-même. Une nature effroyable qui aura vite fait de vous tuer. Il y a ces espèces de tourbillons invisibles qui vous aspirent et vous broient, seul un léger effet de flou dans l’air vous avertit de leur présence. Il y a cette électricité qui couvre le sol, ces poltergeist qui volent comme des lucioles, la radiation qui brouille votre vue et vous tue petit à petit, ou pire encore : les émissions psi qui vous donnent des hallucinations (combien de fois j’ai gaspillé des munitions sur des monstres qui n’étaient que des spectres issus de mon esprit). La Zone vous met constamment à l’épreuve.


Eh bien évidemment, il y a les mutants. Et le génie du jeu se trouve probablement ici : vous ne croiserez pas énormément de mutants dans le jeu, pas autant que dans un Fallout par exemple, mais chaque rencontre va vous marquer à vie. Vraiment. Et notez-le : rien n’est scripté, je ne parle pas de cinématiques ou d’évènements tracés. Ici, il vous suffira de vous aventurer dans les égouts, dans un entrepôt abandonné, de parfois vous éloigner inconsciemment d’un sentier pour croiser ces atrocités. Et vous prierez pour ne plus en rencontrer. Mais l’histoire va vous mener dans des laboratoires souterrains, des usines, des dédales anxiogènes qui vont vous y confronter. Ma première rencontre avec la sangsue m’a littéralement pétrifié, et je ne dois pas être le seul.


Dans le jeu cette terreur est progressive. Car plus vous vous approchez de Tchernobyl et de son réacteur maudit, plus vous constatez que l’environnement a été transformé par les radiations. L’ambiance se fait de plus en plus pesante. La Zone semble comprimer votre cervelle dès l’entrée de la fameuse « forêt rouge », cette zone que j’ai vécue comme un cauchemar éveillé. C’est que vous vous enfoncez dans le cœur de la Zone et qu’elle le sait. Vous ne croisez plus les brigands des débuts, mais seulement des Stalkers aguerris et des anomalies de plus en plus perturbantes.


Je n’ai jamais fini le jeu. L’usine de Tchernobyl est toujours restée un mystère pour moi. J’ai toujours imaginé ce qui pouvait m’attendre là-bas, dans le fameux sarcophage. Un Dieu vivant ? Une monstruosité ? Une réponse mystique ? Strelok ? Je n’ai jamais atteint le cœur de cet enfer, mais je compte bien y parvenir un jour, et me relancer le jeu dès que possible.


Je vous invite à lire cette critique
http://www.merlanfrit.net/La-Zone-10-ans-apres

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le 22 févr. 2019

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