Shadow of the Colossus est un de mes jeux favoris. Sorti fin 2005, le jeu se montre comme l'une des figures ludiques les plus mémorables et les plus appréciées des hautes sphères du monde du gaming. Développé au sein de la team Ico et conçu par le brillant Fumito Ueda, Shadow of the Colossus est à mon sens une des propositions phares de l'histoire du média. Et ce pour plusieurs raisons. Ce qui est intéressant avec Shadow of the colossus, dans un premier temps, c'est ce qu'il parvient à transmettre et à évoquer chez une très grande majorité d'individus et l'impact émotionnel qui peut s'en ressentir.
Le jeu consiste globalement en l'affrontement de différents colosses, monstres dont on comprend assez peu la nature et la composition, le but étant pour le jeune personnage que l'on incarne de délivrer sa belle Juliette de la mort en abattant ces créatures gigantesques. Le pitch est simple, l'idée générale du jeu aussi. Il faut abattre 16 boss point. Pas de chichi. Le tout dans un univers open-world relativement grand pour mieux mettre en exergue la solitude du héros dans sa quête orphéenne et créer un environnement approprié à des créatures aussi gigantesques. Ce qui me plait dans Shadow of the Colossus c'est la simplicité avec laquelle le game-design s’intègre à la formule ludique du titre.
C'est simple, hormis une caméra un peu dérangée et des errances techniques, le travail ludique est porté par une simplicité d’exécution qui à mes yeux poussent au prodige. Votre personnage se manie très simplement, dispose seulement de ce qui lui est nécessaire (une épée, un arc pour attirer l'attention de l'ennemi, un cheval pour se déplacer, une barre de vie) et doit trouver le moyen d'utiliser le level-design à sa portée pour attirer/monter/trouver les points faibles/abattre le colosse. Le tout dans une mise en scène dantesque, appuyée par une bande originale d'une beauté sans nom, inimitable.
La simplicité d'action et l'habillage sonore et visuel rendent ces affrontements extrêmement grisants et mémorables parce qu'il n 'y a rien de trop et il n'y a rien d'inutile. Je me demande encore pourquoi certains se plaignent. Si vous voulez du RPG ça existe déjà, Shadow of the Colossus propose une formule ludique typée boss Rush qui n'a rien de "non-jeu" comme j'ai pu le lire à droite à gauche. A tel point que certains parlent de vide ludique.... Parce que le jeu ne prêche pas par excès.
C'est d'autant plus stupide que, ce que le jeu propose est bien une expérience ludique, ou alors je défie quiconque de me signaler un jeu pré-2005 qui propose une série d'affrontements aussi intelligents, aussi dantesques et aussi spectaculaires avec un game-design aussi adapté à son propos (et la mécanique de grip associé à la gâchette de la manette PS2, une excellente idée) ; celui de défaire seize monstres gigantesques dans un univers dévasté. Le jeu se désintéresse fortement des attributs poétiques que l'on a tendance à lui prêter, car son propos orphéen et l'impact qui en découle passe bien davantage par les actions effectuées par le joueur (c'est à dire, abattre les colosses par l’interaction avec le joueur) que par l'expressivité de la forme que prend le jeu que l'on parle de narration ou d'ambiance (minimaliste et réussie cela étant dit). Shadow of the Colossus est un jeu vidéo et il est bien plus précis et maitrisé dans ses choix ludiques qu'un bon nombre de ses compères. Affublé à tort d'adjectifs "poétique" affleurant la sensibilité des plus narcissiques, Shadow of the colossus met en lumière le divin ballet d'adversaires gargantuesques, semblables à de larges puzzles organiques dans l'attente d'être résolus par le petit nain courageux qui vous sert d'avatar. Voilà un jeu d'une grande témérité, qui touche au but sans aller se perdre dans de la quête annexe moisie et du surplus de narration bringuebalant et complétement limité par son média. Une simplicité ludique.
"La simplicité n'est pas un but dans l'art, mais on arrive à la simplicité malgré soi en s'approchant du sens réel des choses".