La saga Shenmue est l'anti-thèse même de l'approche vidéo-ludique de Yu Suzuki, son créateur. Il était au salle d'arcade ce que Miyamoto est (était?) à nos salons : un innovateur infatigable.
Shenmue est une saga divisée en plusieurs chapitres dont malheureusement Shenmue 2 en propose les derniers auxquels on a pu jouer. Il me semble même (la mémoire me fait défaut avec l'âge) que Shenmue est la seule création de Yu Suzuki a être sorti exclusivement sur console.
Il y met de côté ce qu'il a fait de mieux durant toute sa carrière et réussit à nous proposer tout de même une expérience hors normes.
On oublie le côté accessible et easy fun qui ont fait la renommée de ses titres arcades, ici l'expérience est plus lente et le rythme de la narration s'étale sur des heures et des heures. On oublie des mécaniques de jeu très précis pour les joies du scoring pour laisser place à un melting pot d'un peu tout.
Et au-delà de tout ça, on vit l'expérience d'une œuvre interactive saupoudré de contemplation envoutante et indescriptible.
Jamais un titre n'aura mieux incarné cette phrase du philosophe et passionné de jeu vidéo Jean Zeid : "Celui qui regarde quelqu'un jouer sans avoir éprouvé lui-même les sensations incroyables du jeu vidéo ne peut pas comprendre le joueur."
Shenmue est un titre lent qui ne se découvre qu'avec l'implication émotionnelle du joueur. De ce fait, il est difficile de le décrire car l'encre et la plume ici ne peuvent substituer l'expérience et le vécu. Et de part la nature subjective de l'émotion humaine, Shenmue 2 ne peut faire l'unanimité. Car il propose si peu à ceux qui se sont égarés dans ses bras sans avoir pris la peine de le connaître, mais il donne tant aux enfants de bohème qui se prêtent le temps d'un instant à sa poésie interactive ainsi qu'à celle de son auteur.