Un monde gris, où la pluie ne s’arrête de tomber. Des fracas de balles, de flèches tirées, une guerre qui fait rage. Et des hommes, des femmes, aux yeux vides, aussi vides que le sens de cette guerre. Un évènement imprévu, une inconnue dans cette équation parfaitement calculée, un virus, qui s’insémine dans ces êtres. Leur karma s’anime sous forme de démons, et ne reste plus qu’une règle : manger, les manger tous. Et en accompagnement, la mélopée d’un Rock mélancolique, aux notes aussi lourdes que la pluie qui enveloppe le Junkyard.


Shin Megami Tensei : Digital Devil Saga, comme son nom l’indique, est un des jeux composant la grande série des Shin Megami Tensei (ou MegaTen), J-RPGs assez méconnus en Europe. Mais s’il porte effectivement le nom de son illustre série, Digital Devil Saga est un Spin-off, tout comme sa suite, Digital Devil Saga 2.

Le jeu prend place dans un univers particulier, nommé le Junkyard (la décharge) où s’affrontent 6 tribus différentes, dans un but de domination censé les mener à la tour qui surplombe l’univers, le Nirvana, et la promesse d’une vie meilleure.

Nous contrôlons Serph, Leader de la tribu Embryon, modeste par sa taille, mais ayant néanmoins prouvé sa valeur. A noter que Serph est un « silent hero », et ne décrochera donc aucune parole tout le long du jeu. Accompagné des meilleurs éléments de sa tribu, Heat, Argilla, Gale et Cielo, Serph fait face à la tribu des Vangards, dans un affrontement visiblement coutumier. Ce n’est qu’un étrange artefact présent sur le lieu de la bataille, une sorte de Pod, qui les changera à jamais. Littéralement.

Lorsque ce dernier explose, des fragments transpercent tous les habitants de ce monde, laissant une marque sur leur peau, et les transforme en monstres, à l’appétit insatiable, forcé de se dévorer les uns les autres.

Après un carnage sans précédent, Serph et ses acolytes, redevenus humains, découvrent une jeune fille nue dans le Pod, aux cheveux bruns, une certaine Sera. Dès lors, le temple du Karma qui dirige ce monde ordonne aux tribus de rapporter la fille à la tour, et ce après avoir conquis toutes les tribus, afin d’obtenir l’accès au Nirvana. Pour cela, une seule règle : manger, ou être mangé.

Ce synopsis très rapide des évènements de départ de DDS (nous le nommeront ainsi par commodité) sont le point de départ d’un scénario posant beaucoup de questions, un scénario mature et sombre donnant à réfléchir, mais qui ne donnera que peu de réponses. Sachez-le d’ors et déjà, le jeu n’est qu’une première partie, dont la conclusion se trouve dans le deuxième opus. Qu’importe ! Car l’histoire de DDS, simple mais forte, se pose comme étant une véritable métaphore, dans un univers apocalyptique et mélancolique.

Cet univers est à lui seul la grande force et curiosité de DDS. Le Junkyard est donc séparé en 6 tribus, établies autour de la tour centrale de ce monde. Chacun de ces lieus possèdent un nom inspiré par les karmas du bouddhisme. Ce n’est pas un hasard, car la direction artistique du soft est résolument tiré de la dite religion, couplé à des installations délabrés, tristes. Car le jeu est très mélancolique, comme le prouve la pluie éternelle qui rythme la vie des habitants du Junkyard. Le monde en lui-même est très terne, et très réduit en taille. Mais certaines villes sont dotées d’architectures imposantes, magnifiques, et l’ambiance tire beaucoup sur son côté dur et militaire.

Heureusement d’ailleurs que cette ambiance et ce cachet existe. Car d’un point de vue purement technique, le jeu accuse une sobriété qui peut déranger, bien que cette dernière soit en accord avec le Junkyard. Tout de Cell-Shading, d’un effet aussi efficace que peu poussé, le jeu est beau artistiquement, mais très passable graphiquement, pour ne pas dire dépassé, même à la sortie du jeu. Les animations en revanches sont plutôt bonnes dans les cutsenes, qui sont un véritable bonheur de mise en scène. Elles se révèlent plus pauvres en jeu, avec Serph qui glisse sur le sol en se déplaçant (la faute au 50 Hz ?), et des effets de sorts jolis, mais pas spectaculaires pour autant. Non, techniquement, le jeu est vraiment limité.

Les personnages sont traités cependant avec un soin plus particulier, surtout grâce à leur design, signé de Kaneko, très froid d’apparence, mais d’une efficacité et d’une beauté indiscutable. Combien même sont-ils froids au début du jeu, tous les protagonistes se révéleront attachants, la faute aux sentiments les animant, d’une pureté et d’une force éclatante. Le seul qui pourra peut-être décevoir est Serph, d’une grande classe, mais qui souffre de son statut de Silent Hero. Peut-être dans le 2 ?

Pour achever cette partie sur l’univers du jeu, comment ne pas parler de la Bande Son ? Cette dernière est surprenante à bien des égards, car quasiment constituée que de morceaux à la guitare, dans un Rock mélodique et mélancolique. Et on ne peut que s’incliner. La guitare est utilisée de façon intelligente, ingénieuse même, pour parvenir à faire ressortir toute la mélancolie et la tristesse de ce monde. Il nous arrive parfois de nous arrêter simplement, et de poser la manette pour écouter et contempler, comme à Sahasrara. Les pistes de combat ne sont pas en reste, devenant pêchues, rythmées, tout en conservant le ton très triste de l’univers du jeu. Encore faut-il donc être sensible au style, mais c’est une bande son de grande qualité.

Attaquons nous à présent au Gameplay. DDS est un Donjon RPG pur et dur, dont le déroulement est des plus classiques. Comprenez que vous enchainerez les longs donjons labyrinthiques, jalonés d’ennemis aléatoires, de pièges, et d’énigmes même, entrecoupés par les cutscenes faisant avancer la trame, et de rapides passages dans les villages… parfois. Les donjons de DDS sont originaux, d’une construction intelligente, et artistiquement inspirés. Sur ce point-là, rien à en redire. En revanche, certains pourront se plaindre de leur longueur, de la fourberie, voire le sadisme, des développeurs quant à leur constructions, et les énigmes, pas foncièrement dures, mais frustrantes à divers égards, car la moindre erreur étant synonyme d’un long chemin pour revenir là où l’on s’était arrêté. Pourtant, le joueur intrépide les trouvera très bons.

Le système d’évolution se nomme le système de Mantra, une sorte de sphérier, dont on doit acheter les différentes itérations (cher !), pour ensuite passer un temps d’apprentissage, et pouvoir enfin les utiliser. Cet apprentissage se fait par le bien d’Atma Points, récupéré sur les démons que vous vaincrez, dont on peut décupler l’obtention en les dévorant. Fameux. Cela permet de bien customiser ses personnages, bien que l’argent, en début et en milieu de jeu, vienne vite à manquer. A noter aussi que le level-up de vos alliés se fait automatiquement pour leurs caractéristiques, alors que vous contrôlerez totalement celles de Serph, où à chaque nouveau niveau, vous devrez distribuer 3 points de compétences parmi ses six stats.

Le système de combat ensuite est nommé « Press Turn », du tour par tour, initié par Shin Megami Tensei : Luciger’s Call, et considéré par beaucoup comme l’un des meilleurs systèmes de combat au tour par tour. Le principe est simple, nous avons trois personnages, et donc trois actions possible par tour de base. En exploitant les faiblesses de nos adversaires, nous gagnerons un demi-tour, qui permet une action supplémentaire. Nous ne pouvons cumuler au maximum que 3 demi-tours, ce qui porte le nombre d’action maximale par tour à 6. Là où le système est intelligent, c’est que si l’ennemi en face est immunisé à l’attaque que vous venez de porter, ce n’est pas simplement l’action que vous venez de faire qui est perdue, mais aussi l’action suivante. Comprenez que cela peut vite devenir tendu, sachant que cela s’applique aussi aux sorts de zone. Enfin, le nombre d’actions possible est déterminé par le nombre de personnages en forme de votre côté au début du tour, et même si vous ranimez un personnage mis à terre, vous ne gagnerez pas la troisième action permise en temps normal. Un système donc très stratégique, qui joue sur les imunités et les faiblesses, sachant que tout cela marche aussi pour vos ennemis, qui ne se gêneront pas d'utiliser les éléments contre lesquels vos personnages sont faibles. Couplé à la très forte chance que les sorts infligeant des statuts négatifs fonctionnent, les affrontements, même contre les monstres de base, peuvent vite tourner à la catastrophe.

A noter à ce propos que le jeu est exigeant, plus difficile que la plupart des RPGs et des jeux en général, mais rien d’insurmontable. On trouve des points de sauvegarde très régulièrement, les personnages mis à terre en combat sont ramenés à 1 PV à la fin de ces derniers, et la difficulté monte de façon constante et équilibrée, bien qu’il faille faire régulièrement du level-up, rien de bien méchant néanmoins. Les donjons sont longs, et peut-être parfois éprouvants, mais encore une fois, c’est largement abordable, surtout quand on connait la réputation de la série des Shin Megami Tensei. Néanmoins, il faut noter des boss secrets proposant un fort challenge, dont un boss ultime, véritable clin d’œil pour les fans des MegaTen, défini comme étant le plus dur de tout le J-RPG. Rien que ça !

Enfin, nous terminerons sur deux points, qui peuvent se révéler peu réjouissants. Tout d’abord, le jeu est court, une 30aine d’heures de jeu, sans se presser, pour voir la fin du scénario. Certes, nous trouvons des annexes de qualité, mais cela reste peu, surtout quand on sait que sa suite fait grosso modo le même temps de jeu. On comprend donc que les deux jeux auraient pût parfaitement ne former qu'un tout, et que le scénario du premier ne fait que poser les questions, là où le second y répond. Frustrant.

Le deuxième point, enfin, c’est que le jeu est entièrement en Anglais, voix et textes. Cela l’empêche donc de se faire une renommée auprès du grand public, bien que les habitués du J-RPG ne verront pas ça comme un défaut, tant l’anglais est un standard dans ce monde.



A la fois austère mais généreux, simple mais complexe. Digital Devil Saga assume son ambiance sombre et mélancolique, traitant de la notion de cannibalisme. Les questions s’accumulent, tandis que nos protagonistes se révèlent. Un jeu atypique, qui vaut vraiment pour cette ambiance. Une expérience.

Créée

le 21 déc. 2012

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Nivarea

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