See you on the other side
Je suis plus que surpris du mépris général quant à ce Silent Hill, qui m'en bouche sérieusement un coin. Je veux dire: déjà après Homecoming y'avait de quoi avoir peur, et le départ d'Akira Yamaoka était la pire nouvelle qui soit jamais tombée sur la série qui en plus d'avoir perdu un compositeur plus qu'estimable avait aussi perdu un producteur fidèle. Alors en plus par un studio d'Europe de l'Est dont c'était le premier jeu et qui foirait systématiquement tout son plan marketing avec 1) des trailers aux animations pas finies et 2) une date de sortie trois fois repoussée pour finir par tomber pile au mauvais moment et entrer en conflit avec le Resident "kikoo" Evil plus bourrin tu meurs.
Et pourtant, à peine le didacticiel commencé je me suis retrouvé happé par l'histoire comme pour aucun autre SH depuis le trois. Sûrement déjà parce que c'est le didacticiel le plus horrible et poignant que j'ai jamais vu (âmes sensibles s'abstenir), parce que Daniel Licht se révèle être un excellent compositeur (cf. ma critique de l'album) et ensuite parce qu'il y a une ambiance vraiment intéressante qui plane sur cet opus.
C'est simple au début j'ai eu l'impression de retrouver la même atmosphère que quand je jouais à Silent Hill 2, dans la longue première partie dans la bordure de Silent Hill où la brume se fait de plus en plus insistante à mesure qu'on s'approche de la ville. Personnellement en rentrant dans les bâtiments je me chiais dessus, ce qui ne m'était pas arrivé depuis le deux, et grâce au 5.1 de mon pote on s'est payé de beaux sursauts grâce au travail sonore efficace (bon c'est pas Dead Space 2 mais c'est quand même nickel). La première apparition du "boogeyman" m'a fait le même effet que celle de Pyramid Head, je n'avais même pas été confronté directement au bonhomme mais il me foutais les jetons à distance.
D'ailleurs au niveau des scènes d'horreur c'est vraiment tout ce que j'aime, ça joue beaucoup sur le son, sur l'inanimé avec des cadavres (?) mutilés posés à des endroits où on ne les attends pas, les meurtres sont toujours très énigmatiques et souvent en hors champ (les ombres sont plutôt bien utilisées). Y'a une scène avec un chien enfermé dans une voiture et un personnage handicapé qu'on voit se déplacer de façon très perturbante sur un écran de contrôle dans un parking qui est vraiment prenante (enfin c'est sûrement dû à ma peur des parkings, mais c'est bien fait quand même), et les monstres ont la fâcheuse tendance à surgir quant on ne les attend pas... ça joue vachement sur le côté enquête du jeu en fait, chaque chose découverte entraîne un autre évènement avec des conséquences pas toujours très plaisantes. Y'a quelques scènes ratées (le train fantôme, tu vire la musique et il devient absolument ridicule) ou maladroites (euh... le monde alterné il est sympa, on se croirait dans un truc d'American McGee sinistre par contre... ça sert à quoi au fond ?) mais dans l'ensemble c'est efficace et bien construit.
Mais ça m'amène au gros point faible du jeu, qui est son bestiaire. Pour l'instant je n'ai rencontré que quatre bestioles différentes et sur les quatre y'en a une de potable (celui de la bibliothèque), les autres sont assez classiques et pas très perturbants, ils sont trop humanoïdes en fait, et niveau symbolique ils sont très explicites. Niveau scénario ils trouvent leur explication mais ils sont décevants quoi, en se promenant dans la rue on croise toujours les gamines hurleuses à intervalle régulier à tel point qu'elles deviennent plus chiantes qu'autre chose, et de temps en temps un humanoïde musculeux au visage passé au fer à repasser pas très flippant non plus. Heureusement que l'environnement se charge de ce que le bestiaire n'arrive pas à faire, avec des scènes vraiment bizarres et des décors bien imaginés. C'est toujours un peu la même chose qui revient, on se ballade dans des maisons abandonnées et à un moment y'a une pièce qui sort complètement de l’ordinaire, genre une chambre d'enfant éclairée de toutes les couleurs avec une boîte à musique qu'on entend de loin, et même s'il ne se passe rien c'est quand même tellement incongru que ça en devient effrayant. Et y'a plein de détails du genre soigneusement disséminés à droite à gauche qui donnent une vraie atmosphère à l'ensemble. En plus la ville est super belle et bien construite, comme d'hab, et le fait qu'on puisse s'y promener en toute liberté rend le jeu encore plus intrigant, y'a plein de petites missions secondaires bizarres tellement intrigantes que je passe plus de temps à explorer le moindre recoin accessible de la ville à la recherche de nouveaux indices qu'à chercher à avancer la quête principale.
A ce propos je trouve le système d'arme très judicieux, je me suis retrouvé plusieurs fois à fuir ou à combattre avec une pierre ramassée à l'arrache et ça met un peu plus la pression (même si je n'ai encore jamais réussi à péter une hache d'incendie) et ça ajoute aussi un plus au système de quête avec cette obligation d'avoir certains objets pour arriver à certains endroits qui ne servent des fois pas à grand chose mais qu'il est toujours avantageux de fouiller. Par contre au niveau du système de combat y'a des fois ou c'est juste pas possible, tu loupes ton coup de... je sais pas, d'extincteur et là ils ont le temps de te toucher quatre ou cinq fois avant que tu ne puisse riposter, et en plus quand en suite pour certains ils se collent au plafond pour recommencer, dans ce cas là vaut mieux courir. Et surtout quand tu as commencé à taper sur un monstre tombé au sol pour l'achever il suffit qu'il y en ait un autre derrière et c'est fini, impossible de s'arrêter de taper sur l'handicapé pour changer de cible, les autres bestioles peuvent s'en donner à cœur joie... En plus avec les ralentissements incompréhensibles dès qu'un pot de fleur de trop entre dans le champ, dès fois je rageais un peu.
Au début le scénario promet beaucoup de choses, l'histoire est assez tordue et les flashbacks sont énigmatiques à souhait, mais le joueur averti de Silent Hill devinera très vite le fin mot de l'histoire qui n'est au final pas si complexe que ça: sans les quêtes annexes, le jeu se terminerait les mains dans les poches (pas de boss intermédiaire, énigmes relativement simples) en à peine quatre heures, c'est peu... A savoir aussi qu'il y a un point de non retours très mal indiqué à la fin du jeu qui arrive très (trop) vite, c'est très facile de se faire avoir.
Perso ça m'a empêché de faire la moitié des quêtes secondaires, du coup je recommence le jeu pour tenter d'avoir une fin potable. Sur les trois que j'ai pu voir en rechargeant tout simplement le boss une est explicative et trop simple, l'autre balancée à l'arrache et (enfin !) la dernière un peu plus perturbante comme je l'attendais.
En bref ça me rappelle un peu le dernier Alone in the Dark, qui promettait beaucoup de choses sans les tenir. Chez Vatra ils ont fait les mêmes mais en les tenant pour la plupart, pour malheureusement mieux se planter dans la fin de l'histoire, pourtant bien partie. En plus y'a plein de clins d'œils plus ou moins gros aux autres épisodes de la saga. Entendre le début de "Magdalene" de SH2 quelques secondes parmi la friture quand on allume une radio, franchement ça fait plaisir. Si vous aimez vraiment Silent Hill, cet opus pluvieux saura probablement satisfaire votre soif d'univers dérangés, peut-être même mieux que The Room.