Silent Hill: Homecoming par 0eil
La guerre. J'ai beau ne pas être pro-militaire, penser que la guerre est une forme contre-nature de l'activité humaine, d'Apocalypse Now à l'Échelle de Jacob, en passant par Jarhead, le cinéma a façonné ma fascination pour la guerre. Et encore, je ne suis pas exhaustif dans ma présentation de ces films qui montrent (car l'image est importante pour comprendre, à mon sens) la façon dont la guerre change l'homme. Poussé aux limites du concevable, face à l'absurdité de la lutte, face à la démonstration qu'au-delà de la défense – peut-être légitime – de certaines valeurs, le conflit relève de l'insondable. De l'incompréhensible. Aussi idéaliste que puisse être l'homme qui s'avance avec son fusil, c'est la désillusion qui l'attend, à la signature du traité de paix. La désillusion dans le meilleur des cas, la folie dans le pire. Alors comprenons bien qu'en visionnant le premier trailer de Homecoming, j'ai bondi dans mon siège. Quoi ? Silent Hill s'empare d'un de mes thèmes préférés ? Halleluja ! Maintenant, j'ai eu la manette en main, Alex Shepard à l'écran... qu'en reste-t-il ?
Il faut clarifier la chose : le trailer laissait entendre une descente aux enfers déjà réalisée. Quand Alex – on imagine que c'est lui – dit qu'il est allé à Silent Hill en tout état de cause, on voit la portée que cela pourrait avoir sur la narration : un personnage qui se rendrait à Silent Hill volontairement, dans le désir de se confronter face à lui-même ? Peut-être, dans un dernier élan d'égoïsme, faire face à la réalité de son innocence pour revendiquer les horreurs dont il se sent coupable, tout ça sous la plume d'une Silent Team qui – si elle n'a pas toujours maîtrisé le support de jeu vidéo, preuve en est Silent Hill 4 – sait se servir d'une narration pour raconter une vraie histoire, contrairement à de nombreuses productions récentes. Ça fait rêver. Et déchanter aussi vite.
Plutôt que de s'élancer dans le visionnage intense des grands poncifs du film sur la guerre (à ne pas confondre avec le film de guerre), Double Helix a vu et revu le film, l'a digéré et a tenté d'en reproduire ce qui en faisait une très bonne adaptation. Plutôt que de chercher l'efficacité dans le propos, d'afficher un parti-pris immédiat, peut-être choquant, de placer un récit dans un conflit actuel, pour s'en détacher à travers le prisme de son personnage central, il se focalise – peu ou proue – sur Silent Hill. Et cherche n'importe quel moyen factice pour y envoyer le protagoniste, tant bien que mal. Là où il aurait pu être réellement novateur de modifier l'apport de Silent Hill, comme The Room tentait de le faire, en substituant la ville à son principe, en projetant l'univers intérieur de son héros sur la réalité, ils se contentent de modéliser des rues en HD. Et la direction artistique n'est pas aux anges, pour la peine, la ville, qui se doit d'être fade, l'est réellement : dommage, à une époque où l'on privilégie l'environnmental storytelling, d'avoir un décor qui renvoie si peu à l'intrigue.
Cela dit, pour avoir un monde intérieur, il faut décrire un personnage et Alex est plat. En fait, non, il est mal exploité. Sur les deux tiers de l'aventure, il est difficile de se prendre de sympathie pour un personnage dont les motivations paraissent si évidentes. Il faut attendre réellement le dernier tiers de l'aventure pour mettre du relief à notre protagoniste et saisir réellement les thématiques qui sont les siennes : homme-enfant en manque d'affection, tentant de se créer une identité d'adulte et de trouver sa place dans un monde façonné par l'image de son père, distant et insensible. On a alors des petits éclairs de génie, dans la façon dont est racontée la relation d'Alex à ses parents : sa haine non-formulée contre sa mère pour avoir laissé son père le traitait comme il l'a fait, sa rancoeur – mêlé de l'ineffable besoin d'identification – envers son père et l'amour-haine-jalousie envers le petit frère. Un tableau noir d'une histoire de famille qui aurait pu être davantage mis en avant, surtout que la somme de ces non-dits, finalement, transparaît, de temps en temps, comme pour signifier que Double Helix est capable de le faire. D'autant que les troubles du protagoniste, comme dans tout bon Silent Hill, participe du design des monstres, qui prend son essors entre deux créatures pas particulièrement originales : Sauvages, Lying Figure et Nurse sont de retour, mais au-delà, Siam, Aiguilleur et autre besiole à tête de requin marteau font leurs apparitions, avec tous une apparence inhérente aux tourments de notre Alex. Petite mention spéciale aux boss, tout particulièrement, d'une grande beauté.
Pour les autres personnages, autant dire qu'ils sont particulièrement dispensables tant ils n'apportent rien à une histoire qui peinent sensiblement à s'envoler (hormis, donc, quand elle se focalise sur le personnage, ce qu'elle aurait dû faire dès le début). Le scénario, si l'on est prêt à faire l'impasse sur quelques données incohérentes, n'est pas si révoltant et tente, tant bien que mal, de concilier « l'arc de l'Ordre » et « l'arc psychologique » comme l'avait essayé The Room. On se trouve alors devant une intrigue au potentiel dramatique perceptible, mais malheureusement sous-exploitée, qui tente d'habiter l'espace narratif entre deux combats.
Pour conclure, un Silent Hill en demi-teinte, qui aurait sans doute profité de l'expertise de Climax en matière d'horreur moderne et de psychose pour épanouir un peu tout ce potentiel à côté duquel on a l'impression de passer au fur et à mesure de l'histoire. Heureusement, le joueur a une grande part dans la construction du récit d'un jeu, à nous donc de construire ce qu'il manque !