Dommage; vraiment dommage.
C'est ce que je n'ai pas arrêté de me répéter durant cette courte expérience et cet énième retour de Silent Hill par la petite porte.
Quel dommage que ce Short Message soit autant entaché par la lourdeur de sa mise en scène et sa narration parfois d'une simplicité catastrophique dans son propos; c'est un peu l'antithèse d'un PT autrefois limité par son aspect inutilement cryptique et son simple statut de teaser; Short Message a au moins le mérite de proposer une expérience plus complète (mais pas forcément plus concrète) avec un début, un milieu et une fin (trois chapitres à vrai dire) mais c'est peu dire que l'introduction est rebutante avec son déluge de cinématiques ratées et l'omniprésence d'une voix-off une fois encore malvenue. Animations faciales exagérées, acting dans les chaussettes, caméraman en PLS; pourquoi interrompre sans cesse l'immersion à la première personne pour nous servir aussi grossièrement la narration, littéralement en pleine figure? Dommage oui car en ce sens, Silent Hill est devenu un pur produit de son époque où les créateurs interactifs semblent désormais considérer que le joueur doit non seulement être guidé par une petite voix intrusive dans sa progression mais aussi, et surtout dans le cas présent, que ces émotions lui soient dictées à voix haute. Une démarche didactique et infantilisante qui se prend complètement les pieds dans le plat avec les souvenirs d'un James Sutherland consciemment taciturne et en retrait émotionnellement pour ne pas empiéter sur la propre perception du joueur dans ce voyage enténébré. Sans vouloir faire l'avocat du diable, peut être les développeurs voulaient-ils simplement expérimenter en matière de mise en scène, puisque Short Message reste aussi à sa manière une démo technique, mais le résultat est encore une fois loin d'être reluisant, surtout si c'est pour mettre mieux en évidence des répliques aussi inspirées que "Ah ces adultes! Tous des esclaves du système! Au fait, j'ai combien d'abonnés sur mon Twitter à la con? :p"
Dommage donc...Pourquoi? Parce que quand le jeu accepte enfin de se focaliser sur son immersion en vue subjective, que la narration s'opère davantage par l'intermédiaire du décor, que le jeu cesse de nous balancer ces cinématiques Live qui évoquent les heures sombres de Quiet Man (c'est dire!), hé bien la sauce a plutôt bien pris, en ce qui me concerne. Le Street Art a beau faire sourire au commencement (encore un jeu de hipsters, pourrait-on se dire), il est exploité plutôt judicieusement pour offrir le fameux miroir déformé à une héroïne pas aussi victime qu'elle aimerait le prétendre; la ville est à nouveau le cauchemar que ses infortunés protagonistes emmènent avec eux et en ce sens, l'espace exigu et étouffant d'un immeuble désaffecté est adéquat pour plonger petit à petit le joueur dans un sentiment de malaise et d'inquiétante étrangeté; Short Message met par ailleurs en place une progression vers l'horreur bien pensée en associant le fameux monde des enfers à une impression tenace de boucle infernale, traduisant assez efficacement les tourments incessants dont l'héroine ne parvient pas à s'émanciper. Il est d'ailleurs regrettable que le portable fasse ici office de lampe torche car une trop courte séquence nous contraint à naviguer dans le noir et la scène s'avère également efficace pour diriger le joueur avec ses propres lumières, un peu à la manière de Bioshock en son temps; probablement, un autre rendez vous manqué pour Short Message. Enfin, même si je suis le premier à sourire lorsqu'un jeu met en garde sur les thématiques abordées (sans rire Sherlock, je croyais que je jouais à Silent Hill, dis donc :p), je dois bien avouer avoir été un peu secoué par certaines thématiques abordées, ou suggérées, par ce titre. Il y a de l'envie de bien faire tout en restant finalement plus fidèle aux codes de la franchise que les apparences le suggèrent mais encore une fois, le jeu ne permet pas à son excellent univers graphique de s'exprimer par lui même et ressent un besoin malvenu de coller des mots maladroits à cette atmosphère étouffante alors qu'Akira Yamaoka lui même était le premier à dire que le silence était parfois préférable à la musique.
Dommage enfin que les Game Designers des années 2020 considèrent également que la seule manière de susciter l'effroi chez le joueur soit de mettre en scène une course poursuite avec un monstre collé au cul dans un couloir exigu et mal éclairé ; Silent Hill 2 n'utilisait qu'une fois cette approche à bon escient et à un moment opportun dans son scénario et il est vite fatiguant de jouer à cache cache avec une créature invincible quand Resident Evil 2 et Alien Isolation ont déployé des trésors d'inventivité pour tordre ce concept angoissant sans qu'il ne devienne trop redondant; c'est angoissant au début, agaçant à la longue et j'ai finalement cherché, en vain, une option pour passer ces séquences.
Bref, dommage donc. C'est un énième retour par une petite porte et un énième non évènement pour une franchise autrefois illustre dans le domaine de l'horreur. Maintenant, à en juger par la longueur des Walkthroughts sur Youtube, j'ai bien mis deux fois plus de temps que la moyenne à finir ce message pas si court, preuve que je me suis vraiment attardé sur la narration environnementale et l'atmosphère globale (ou que je reste encore une chochotte manette en mains mais chut :p), donc je n'irais pas jusqu'à adresser une note aussi sévère que mes éclaireurs envers cette expérience qui demeure gratuite.
Les voies de Konami demeurent un mystère (sauf quand il s'agit de se faire du pognon) mais il serait intéressant de connaître un jour les coulisses de ce projet et l'intention qui avait animé l'équipe Japonaise pour la création de cette courte expérience; même si Silent Hill est enfin de retour chez lui, Short Message véhicule plus que jamais l'impression d'une œuvre formatée pour les occidentaux, alors que c'est bien là où les Japonais n'ont jamais vraiment réussis à convaincre par le passé.
Pas honteux non plus à mon sens mais bon, on va pas se mentir, ça semble quand même mal barré pour la suite des évènements. :p
Dommage, donc.