Développeur : Raven Software
Editeur : Activision
Type : FPS
Sortie : 2010
Des graphismes inégaux, où des couleurs et des ambiances assez chouettes cohabitent avec des textures baveuses de trucs qui n'auraient pas vraiment dépareillés dans un jeu cinq ans plus jeune. Un level design linéaire comme pas deux, sympatoche, mais rarement surprenant. Beaucoup trop d'armes par rapport au nombre que l'on peut emporter et à la durée totale du jeu, ce qui fait qu'on en utilise qu'une portion infime. Est-il besoin de préciser que les ennemis ne sont pas très malins? D'ailleurs, la manipulation du temps (qui était un peu le porte étendard du titre) est sous-exploitée. Sous-exploitée. Et ne me parlez pas de l'histoire qui perd à peu près tout son intérêt une fois qu'on comprend ce qui se passe (mis à part le plot twist final, assez sympathique), et qui maintient des zones d'ombre assez énormes, donnant une impression des plus brouillonnes.
Ca, c'était les détails énervants, et si Singularity n'avait pas quelques atouts pour compenser ces défauts qui ressemblent plutôt à un manque de temps/moyens, il ne vaudrait clairement pas la peine d'être joué. Ce FPS est un jeu d'ambiance. Il s'ouvre avec une sorte d'hommage mêlé aux introductions d'Half-Life et Bioshock, distillant une petite impression de déjà vu, mais sublimé par l'univers dans lequel le jeu essaie de nous faire rentrer. Une ville fantôme, rouillant depuis une catastrophe dans les années cinquante, une musique qui rappelle le Bailey d'HL², mais cette ruine de communisme flamboyant dans la nuit à son petit quelque chose qui happe, pour peu qu'on soit réceptif à ce genre d'atmosphère un peu flippante. Toute de rouille et de bâtiments en ruine, en arrière fond permanent, cette tour qui... bref.
Le jeu a d'ailleurs quelques fulgurances d'horreurs ça et là, desservis par des bruitages et une musique qui, s'ils ne sont pas exceptionnels, remplissent très bien leur rôle. La catastrophe qui a ravagé l'île où se passe l'histoire a laissé quelques survivants, qui ont parsemé les niveaux de messages audio sur ce qu'ils sont devenus; couplé avec les perturbations temporelles qui hantent littéralement les lieux, l'immersion qu'ils procurent dans cette ambiance post-apocalyptique pallie à leur côté un peu artificiel (laissant de côté que des russes ne parleraient pas anglais dans leur journaux intimes). Le tout donne à l'ensemble une ambiance bien ficelée, servie par une ambiance graphique jamais hors de propos.
Lorsque les premiers monstres arrivent, on panique un peu, et les affrontements, s'ils ne se révèleront jamais bien difficiles, vous permettront de faire mumuse avec le manipulateur temporel, qui procure quelques pouvoirs assez sympathiques. Combinés aux armes, ils peuvent se révéler assez jouissifs et offrir quelques moments haletants. Toutefois, lorsqu'on veut manipuler le temps, on s'aperçoit à quel point ce pouvoir est bridé; alors qu'il aurait pu être la source de puzzles géniaux et d'aller-et-retours tortueux à la croisée d'un Soul Reaver et d'un Portal, ce gadget se contente du strict minimum, et s'il se livre parfois à quelques démonstrations impressionnantes, tout est scripté. On meurt relativement rarement dans ce jeu, et c'est tout aussi bien: on sent le script qui rôde aux marges de notre écran, et si on devait recommencer une scène plusieurs fois, elle en perdrait tout son charme.
On traverse donc le jeu en avançant sans cesse (voire en reculant dans le temps, et les sauts entre 1955 et 2010 dans les mêmes endroits sont assez bien fichus pour donner la perspective du temps qui passe) en dézinguant tout ce qui bouge, et si les sensations de combat sont assez plaisantes et grisantes, elles reposent davantage sur les pouvoirs que sur les armes, correctes mais sans plus.
Singularity est un jeu inégal, correct mais au potentiel gâché par un manipulateur temporel trop limité. Cela dit, son ambiance de qualité en fait un très bon pop-corn, le faisant sortir du lot tout en restant lesté par ses faiblesses qui le cantonnent dans les petits jeux bien sympas.