Après une heure de jeu je suis à fond dedans. Je rampe, je cours, je me cache. Quand je suis à l'abri je mange un truc, je sors mes jumelles pour repérer les alentours, je vérifie la position de la montgolfière qui patrouille. Et je repars.
Je ne sais pas où je vais. Je me promène partout. Je dois trouver des fragments de cailloux disséminés sur la map, je tombe dessus par hasard en allant d'un point remarquable à un autre. Une colline, une maison, un muret, un bosquet. Je fouille, je trouve des trucs qui ne me servent pas, je les garde dans mon sac. A un moment j'ai fait du bateau !
Il y a des robots, il me cherchent, ils veulent me tuer. Le titre du jeu et la cinématique de début me l'ont dit. Alors je reste très loin d'eux, ils ne me voient jamais, il ne me dérangent pas trop. Mais quand même, quand j'en vois un de loin avec son regard de laser rouge je me cache vite, je me couche dans l'herbe et je l'observe avec mes jumelles. La pleine Lune dans le ciel, l'ombre des arbres, les hautes herbes et les rochers aux formes étranges, les corbeaux qui s'envolent et ce robot qui approche. Brrr ça fait des petits guilis dans le ventre, je cramponne ma hache en espérant ne pas avoir à m'en servir.
Mais non, jamais je ne m'en sers. Les robots, même s'ils se diversifient au fil du jeu et que chaque rencontre d'une nouvelle forme reste un petit moment d'effroi, ne sont jamais une menace ni un obstacle. Il suffit de les contourner de très loin, ou d'attendre qu'ils partent. Et une fois qu'on est conscient de la réalité de cette approche pragmatique, l'implication s'effondre.
En fait j'ai projeté dans le jeu ce que je m'attendais à y trouver, le sentiment d'être perdu, traqué, pourchassé, dans un environnement hostile et flippant. Avec un titre et un pitch il m'a vendu du rêve, et avec un certain temps d'attente avant de me décider à l'acheter je m'étais convaincu d'avance de ce que j'allais y trouver. Grâce à l'excellente direction artistique l'illusion a tenu pendant au moins une heure. Ça aurait sans doute doute pu durer plus longtemps, c'est seulement après avoir lu quelques critiques que je me suis rendu compte que ce qui me plaisait dans le jeu n'existait pas en tant que tel, ce n'était que du roleplay inconscient de ma part.
Alors est-ce que ça en fait quand même un bon jeu ? Pour moi oui. L'ambiance est là et fait le job.J'ai un peu menti dans un paragraphe précédent : même après m'être rendu compte que le sentiment de danger est totalement surfait je continue à jouer le jeu et à apprécier de parcourir l'archipel dans l'état d'esprit de la proie d'une chasse à l'homme. Tout comme dans DayZ je persiste à éviter les zombies en sachant pourtant très bien comment les gérer, sans parler des mobs nocturnes de Minecraft dont on se rend rapidement compte qu'ils sont des sacs à loot plus que de dangereux monstres, ce qui ne m'empêche pas de continuer à ne pas sortir la nuit.
Un épisode de "Un drop dans la mare" démontait le concept d'immersion pour lui préférer celui d'implication. J'ajouterais que de mon point de vue les deux sont opposés. L'immersion sous-entend que le joueur passif attend de se voir proposer quelque chose de parfait qui le transporterait ailleurs sans que lui même n'y projette quoi que ce soit, alors que l'implication demande une participation consciente et volontaire du joueur pour faire fonctionner un jeu malgré les défauts du jeu qu'il peut percevoir. Sir, you are being hunted se place dans le second cas, et c'est carrément bien comme ça.