J'avais déjà dit ici tout le bien que je pensais de Hyper Light Drifter, la production précédente de Heart Machine. 5 ans plus tard, le studio revient nous proposer son nouveau projet, édité cette fois par Devolver. Et même si on reconnait bien la patte de ses auteurs, Heart Machine est clairement passé à la vitesse supérieure avec ce magnifique Solar Ash, et ce à plus d'un titre.
Premier changement d'envergure, le néo-rétro remplacé par une 3D éclatante à tout point de vue. Ensuite, la narration est bien plus bavarde et ambitieuse que celle de Hyper Light Drifter. En furetant du coté des crédits, le lecteur attentif pourra s'apercevoir qu'elle est, entre autres contributeurs, l'oeuvre de Zoe Quinn, ce qui explique peut être la tendance "dépressive - fin du monde" largement présente dans le titre. C'est là un premier point un peu faible de Solar Ash : avec sa narration à la fois dense, abondante et confuse, il peine à intéresser le joueur à son histoire, là ou Hyper Light Drifter arrivait à suggérer sans ennuyer.
Heureusement, le jeu compense avec ses qualités de gameplay évidentes, moyennant une petite heure de familiarisation avec les contrôles. La protagoniste principale, Rei, est une void runner, une coureuse du vide. Son rôle est d'activer la graine d'étoile, un dispositif censé empêcher un trou noir d'engloutir sa planète. Et même si on ne comprends rien au déroulement du scénario, c'est un véritable plaisir, embarqué par un flow rythmique de bon aloi, de déambuler et combattre dans ces environnements fantasmagoriques pour éliminer les "anomalies" (c'est le nom que le jeu donne aux ennemis) et nettoyer cette boue noire qui envahit tout. Les points d'orgue sont les combat contre les boss, véritables ballets aériens exigeants et grisants baignés dans une explosion graphique et sonore totalement jubilatoire.
Il faut d'ailleurs le dire et le re-dire : la direction artistique de Solar Ash est fabuleuse. Les décors, grandiloquents et gigantesques, transmettent un sentiment de dépaysement onirique qui contribue beaucoup au plaisir de jeu. La partie sonore est toutefois un peu en retrait : contrairement à ce qu'on peut lire un peu partout, elle n'est pas signée Disasterpeace mais Troupe Gammage, le premier ayant limité sa contribution au sound system et à quelques morceaux (l'agonie des boss, par exemple ?). La partition est loin d'être honteuse, mais la comparaison avec les mélopées extraordinaires coutumières du compositeur de Fez est assez défavorable, malheureusement.
Mais inutile de bouder son plaisir : les qualités indéniables de Solar Ash sont bien trop importantes pour être gâchées par les quelques menues faiblesses dont il fait preuve. Tout comme son prédécesseur, Solar Ash propose, le temps de quelques heures (une dizaine en ce qui me concerne) une virée outre-espace dans des contrées oniriques, avec des rollers anti-gravité et des rencontres insolites et exigeantes. Par les temps qui courent, c'est une offre qui ne se refuse pas.