Même si je n'y ai pas joué dès sa sortie, j'attendais beaucoup Solar Ash. Le jeu était en effet développé par le studio à l'origine d'un de mes jeux favoris : Hyper Light Drifter. D'un autre côté, les critiques mitigées à son lancement ont fait que j'étais sur mes gardes lorsque j'ai finalement posé mes mains dessus. Alors du coup, c'est quoi cette nouvelle création de Heart Machine ?
Et bah c'est Shadow of the Colossus... mais pas que. C'est Shadow of the colossus, mais on incarne le personnage de Sonic dans un monde avec le système de gravitation de Super Mario Galaxy. Ah et aussi, le jeu est incapable de fermer sa gueule.
C'est d'autant plus surprenant et décevant lorsqu'on sait que le précédent titre de l'équipe s'était notamment fait remarquer pour être un jeu quasi-muet. A part les textes du menu et du tutoriel, et un obscure langage gravé sur des stèles dissimulées, aucune phrase ne venait perturber notre expérience. On comprenait tout ce qu'on devait comprendre à travers les visuels et la structure du monde. On comprenait implicitement que notre objectif avait un rapport avec le centre de la ville, qui s'illuminait au fur et à mesure que l'on trouvait et actionnait des sortes de... leviers énergétiques ? C'était simple et brillant à la fois.
Dans Solar Ash, c'est l'inverse. Le jeu est bavard. TRES bavard. L'héroïne tombe dans le cliché des personnages qui se sentent obligés de parler à voix haute pour nous rappeler qu'ils existent. On tombera devant une scène de massacre avec un cadavre adossé contre un mur, et Rei (notre avatar) se sentira obligé de nous dire "On dirait qu'il s'est effondré dans le coin". C'était utile, sérieusement ? La première personne que l'on rencontre dans le trou noir, une IA apparaissant sous forme d'hologramme humanoïde, est un gigantesque déversement de dialogues d'exposition qui se sent obligé de nous expliquer la moindre chose, jusqu'à la technologie qui nous permet de flotter et surfer sur des nuages. Pourquoi ? Pourquoi délaisser ce parti-pris brillant d'en dire le moins possible pour nous laisser comprendre les choses par nous-même ? Pourquoi abandonner cette idée d'histoire montrée sous forme d'images qui auraient été tellement plus intéressantes que des voix pré-enregistrées accompagnées d'un pavé de texte pour nous raconter les dernières heures de nos camarades disparus ?
Serait-ce un manque de confiance en soi ? Il est vrai que les fulgurances d'Hyper Light Drifter jaillissaient d'un jeu à la structure et au gameplay classique, là où Solar Ash repose certes également sur un lit de références mais prend également bien plus de risques dans la construction de son monde. On nous fait traverser des civilisations sans dessus-dessous qui n'est pas sans rappeler le fameux niveau complotiste dans Psychonauts, mais également passer par un puit dans un passage secret qui nous fait traverser la carte pour arriver de l'autre côté du niveau avec la gravité inversée, comme dans les Super Mario Galaxy.
Les boss sont également une prise de risque, déjà parce que leur ampleur va forcément les faire être comparés au chez d'oeuvre de Ueda, mais également parce que les affronter reprend l'idée de renversement gravitationnel parfois confus dans un cadre cette fois de course-contre-la-montre. Une fois la créature aggripée, un compte-à-rebours se met en place, nous demandant de franchir un parcours d'obstacle le plus vite possible. Cet exercice est exigeant pour le joueur, mais également pour la caméra, mais ce qui en résulte est un réel effet de satisfaction et de "WOW".
Alors oui le jeu prend des risques, et c'est peut-être ce qui explique qu'il est moins sûr de lui. Moins sûr du joueur aussi, en le prenant beaucoup plus par la main que son prédécesseur. Cela passe par le texte omniprésent et la présence de dialogues à choix qui sont une hérésie (faut l'savoir hein, c'est pas moi qui l'dit c'est vérifiable) mais également par un autre écueil heureusement plus discret que sont les icônes d'objectif. La présence de cette mécanique est d'autant plus maladroite qu'elle est dispensable. Le monde de l'ultra void est suffisamment bien pensé pour que l'on trouve et complète les objectifs sans avoir besoin de passer par ces marqueurs.
Alors oui, je suis frustré par l'omniprésence de texte et de dialogues (très bien interprétés par les acteur-ices il faut quand même le dire), je suis frustré par cette fin que j'aurais pris beaucoup de plaisir à essayer de comprendre si on ne m'avait pas embêté avec autant d'exposition, mais force est d'admettre que Solar Ash est un jeu unique qui dépasse largement l'influence de ses inspirations pour devenir sa propre chose. Les décors sont sublimes et les musiques...
Oh putain les musiques ! Disasterpeace est un génie, tout simplement. C'est réellement ça, la force de Heart Machine, cette symbiose entre les visuels et les sons qui s'unissent pour créer quelque chose d'artistiquement indescriptible.
J'espère qu'Alex Preston et ses collègues sauront pour leur prochaine production, revenir au minimalisme si puissant et si évocateur de leur première production. Pour ce qui est de Solar Ash, quel jeu imparfait, mais quel jeu !