De l’amour de la violence à la violence de l’amour
Il est très dur de noter une œuvre comme Soldats Inconnus. D’autant plus quand cette dernière délivre un message fort, humain et très bien calibré. Les jeux sur la Grande Guerre ne sont pas légions. Période forte et traumatisante, il fallait porter sa paire de bolox jusqu’au bout du projet. Les petits gars d’Ubi Montpellier l’ont fait mais je vais devoir malgré tout lancer quelques bombes ennemies avant de dérouler le tapis rouge.
L’histoire se place du côté humain de la guerre. Le ton du jeu est assez bizarre, se situant à mi-chemin entre Spec Ops : The Line et La 7ème compagnie. Vous n’êtes pas le plus grand des guerriers, vous n’allez pas brandir vos armes contre l’adversaire avant de foncer dans le tas et faire un massacre. Non vous êtes le petit gars qui va aider à la guerre, qui va participer, pour ou contre son gré, mais jamais vous n’êtes là pour gagner.
C’est d’ailleurs un côté du jeu que je n’ai pas réussi à appréhender, pourquoi j’allais à l’autre bout du niveau ? Parce que les gradés me le demandaient ou alors parce que j’avais envie de voir la suite de l’histoire ? Je ne sais pas à vrai dire, parfois au milieu des niveaux je ne me souvenais même plus du but de ma quête tant je résolvais de puzzles et j’avançais, certainement pas pour le bien de la communauté, ou alors ce n’était pas mon but premier.
Mais l’idée est bonne, faire en sorte de croiser le destin de 4 personnages qui ne se connaissent pas tous. Le bon point c’est que les aventures sont rocambolesques, on ne s’attend pas toujours aux transitions et on se laisse surprendre. Par contre d’un autre côté, on ne s’attache pas à tous les personnages. Du moins je n’y arrive pas. J’étais principalement Emile, car c’est le 1er que j’ai joué et car c’est lui le véritable héros de ce jeu. Celui dont les actions m’ont le plus touché. Donc les mésaventures des autres personnages m’atteignaient moins, me remuaient moins.
L’autre problème majeur que j’ai avec le jeu c’est le manque de cohérence entre le fond et la forme par moments. Quand le jeu vous montre l’horreur de la guerre, c’est tragique, terrible mais il vous la montre juste, il ne va pas plus loin. J’ai aucun problème avec ça. Par contre qu’un de ces moments soit suivi par un combat de boss ou qu’il arrive suite à une scène assez drôle, ça annihile complètement son propos. Je sais, la guerre c’était aussi ça, des moments d’horreur mais il fallait quand même se battre, parfois on riait puis l’alarme sonnait, tout le monde sur le front. Mais dans un jeu qui me dépeint la guerre d’un point de vue humain, je ne peux comprendre ces changements de ton brusques et maladroits car ils sont tout aussi forts que courts et ne laissent pas une marque.
D’autant plus que les séquences de jeu entre ces passages sont souvent longues. C’est un jeu de puzzle/aventure qui aurait pu se passer de son gameplay et de ses répétitives phases de « Va chercher ça », « Trouve machin »,… Déjà parce que le rythme du jeu s’en trouve haché mais aussi parce que ces énigmes n’offrent aucun challenge. On ne ressent pas de progression, on ne ressent pas le fait qu’on avance si ce n’est par l’histoire. Du coup le gameplay s’essouffle très vite et malgré quelques bonnes idées qui viennent ponctuer l’aventure, on distingue rapidement les limites du jeu et du genre qu’il veut se donner. La lassitude ne tarde pas à arriver, triste car même si trouver pour la 3ème fois une roue m’emmerde, j’ai quand même envie de voir la suite.
Et enfin, dernier point qui me perturbe, promis j’arrête après, c’est que, encore une fois, on veut me montrer un visage réel de la guerre, avec ses atrocités et autres. Le jeu le fait en rendant les protagonistes crédibles mais les ennemis ou les généraux, caricaturaux. Du coup ça crée un décalage immense. Pourtant les voix sont géniales, les mots mâchés, les accents bien prononcés, c’est drôle et ça colle au style graphique mais parfois ça ne colle pas avec ce qui se passe à l’écran.
Dommage dommage dommage car l’histoire est intéressante, la narration est bonne, les batailles choisies sont fortes, les musiques sont superbes. Mais me voilà obligé de lâcher un jeu dont je veux connaitre la fin car je m’ennuie, car je n’ai pas de difficulté apparente, pas de courbe de progression. Avoir du défi n’est pas le but du jeu mais parfois il y a des séquences ou on est presque obligé de mourir si on ne connait pas. Un tel décalage m’a parfois fait sortir de ma transe mais… Je ne peux pas dire que c’est un mauvais jeu.
Tout d’abord il y a le style graphique. Impeccable se rapprochant d’une BD mais qui arrive parfaitement à faire ressortir l’humour et les atrocités. De plus on traverse pas mal de décors fourmillants de détails. Pareillement, les personnages sont très bien animés et dans le style, bah c’est un sans-faute. C’est vraiment culotté de prendre un tel style pour une période aussi violente, aussi dure. Mais le parti-pris osé fonctionne et transporte.
Les détails historiques et les images coloriés, accompagnées d’un texte, sont aussi très intéressants. Le tout en partenariat avec les documentaires : Apocalypse (que je recommande très fortement) rend vraiment compte des faits et rajoute au jeu un vrai côté ludique. Malheureusement, si les images sont très intéressantes à lire, souvent ce qu’on trouve sur les objets à ramasser est moins passionnant et surtout, ces objets sont trop simples à trouver. Tels des quêtes secondaires ces derniers sont cachés dans les décors mais à la fin de ma partie j’en avais trouvé facilement plus de 75% et je n’ai pas envie de rejouer au jeu pour cette raison-là.
Par contre le design sonore est excellent et je ne mâche pas mes mots ! Les petits bruits qui vous accompagnent tout au long de l’aventure sont terriblement réels et même si vous jouez à une BD, vous entendez bel et bien les mitraillettes rugir, les moteurs des avions vrombir et bien d’autres petites subtilités. La bande-son est aussi de très haute volée, les compositions ne tombent pas dans le larmoyant et rythment à merveille la progression. Mention spéciale aux passages avec du classique qui en plus d’être très inventifs sont rendus excellent, encore, grâce à la bande-son. Un beau coup de maitre ici !
Ici se termine ma guerre, ici se termine mon aventure et même si je ne l’ai pas toujours trouvée palpitante, je l’ai trouvée intelligente, pleine de fougue et d’inventivité à certains endroits. Mais le décalage créé est parfois trop fort, trop abrupt, coupant mes moments de plaisir en me rappelant que je joue à un jeu où je dois aller chercher des objets pour continuer à avancer.
Cependant je le conseille vivement ! D’une part pour le contexte et d’autre part pour le message qui ne tombe pas, lui, dans la caricature. La fin est excellente et me laisse une très bonne impression sur ce jeu qui, sans m’enchanter, aura quand même su me rappeler ce qu’est la guerre, des personnes qui n’ont rien demandé et se retrouvent parachutées dans un combat. Fort !
"The true soldier fights not because he hates what is in front of him, but because he loves what is behind him" G. K. Chesterton