Un anneau pour les gouverner tous

Heureux possesseur d'une Wii U depuis bientôt 2 ans et n'ayant jamais possédé de Wii, je me suis récemment penché sur la ludothèque de la glorieuse grande soeur de ma console. Et en grand fan du hérisson, il faut avouer qu'il y a de quoi faire puisque 4 jeux sont sortis dessus, dont 3 inédits (et je ne compte pas les spin-offs et party games). Après Sonic Colours en début d'année, voilà le moment de tester celui qui a ouvert la marche sur la console de Nintendo. Spoiler : c'est vraiment pas terrible.

1001 insomnies

Le jeu commence lorsque Sonic se fait entraîner dans le monde des 1001 nuits par la (le ?) Génie de la Ring magique (no comment) afin de stopper le méchant Erazor Djinn, génie responsable de la destruction des contes et souhaitant à terme conquérir le monde de Sonic.
Une fois arrivé face au Djinn, Sonic est victime d'une malédiction qui consume sa vie petit à petit. Bon prince, Erazor promet de lever le sortilège si Sonic lui ramène les sept Chaos Emera...ah, non, les sept Rings Mondiales. Sonic va donc devoir parcourir le monde des 1001 nuits à toute vitesse pour retrouver ces précieux anneaux. SANS JAMAIS S'ARRÊTER.

On est effectivement face à un jeu de type runner, 4 ans avant que Temple Run ne lance la mode (mais 8 ans après ce chef-d'oeuvre). Sonic court donc automatiquement dans des niveaux inspirés de contes arabes (tiens, j'ignorais qu'un conte des 1001 nuits se passait au temps des dinosaures, on en apprend tous les jours). Et comment contrôle-t-on Sonic ? Devinez.
A la Wiimote bien sûr ! Le jeu est sorti à peine quelques mois après le lancement de la Wii et les éditeurs étaient donc en pleine phase d'expérimentation avec ce nouvel outil qu'était le motion gaming. Sega, toujours plus fort que les autres, a donc décidé de créer un jeu de plate-forme jouable uniquement grâce à ces nouveaux contrôles. Qu'est-ce qui pourrait mal se passer franchement ?

Sonic se cogne contre un mur. Il se fait un bleu.

Entendons-nous bien : je n'ai strictement rien contre l'innovation. J'ai acheté la Wii U parce que le gameplay asymétrique me parait être une idée de génie, des jeux comme NintendoLand ou ZombiU l'ont prouvé dés 2012. Quand à la Wii, un simple Wii Sport au concept simple et efficace a réussi à abattre plus de barrières autour du JV que n'importe quel autre jeu en 30 ans.

Mais ici, ça ne marche pas. Et les gars de chez Sega ne s'en sont visiblement pas aperçu : Sonic ne répond pas au doigt et à l'oeil et il y a un délai de quelques millisecondes entre l'action du joueur et sa répercussion à l'écran. Inutile de vous dire que dans un jeu aussi speed, vous allez mourir des dizaines de fois sans comprendre pourquoi. Mention spéciale aux plate-formes super étroites de Pirate Storm.
Et encore, les phases 3D ont une maniabilité à peu près convenable, mais en 2D je vous jure que c'est le purgatoire. Dans ces moments, en inclinant la manette à droite ou à gauche, Sonic ne va pas dans la direction indiquée : il se contente d'évoluer dans la profondeur ! Et vu que le jeu ne vous indique rien (voire vous induit en erreur), il va vous falloir plusieurs essais avant de comprendre comment ça marche.

Heureusement, Sonic peut être arrêté ou faire marche arrière. Le problème de l'arrêt, c'est qu'il n'est pas immédiat : Sonic glisse un peu avant de s'arrêter, ce qui vous demande de préparer longtemps à l'avance votre manoeuvre si vous ne voulez pas rentrer dans un ennemi.
Il existe une deuxième solution : sauter puis faire une charge au sol et maintenir le bouton de saut appuyé vous permet de vous arrêter net une fois que le sol est atteint. A partir du moment où une solution alternative devient plus efficace que la solution de base, je vous laisse en déduire le temps que le jeu a dû passer en béta-test.

Autre erreur monumentale de game-design : la Homming Attack. Dans tous les Sonic 3D, elle est activée en appuyant une deuxième fois sur le bouton de saut. Ici, il faut secouer la Wiimote. Encore une fois, ça n'a l'air de rien, mais se déshabituer de mécaniques qui ont fait leurs preuves depuis 8 ans, ce n'est pas automatique. Et je ne mentionne évidemment pas le fait que parfois la Homming Attack ne sorte pas alors que vous secouez la manette comme un demeuré.

Tous ces défauts se retrouvent dans le combat contre le boss final, un châtiment à l'état pur. Vous devrez secouer la Wiimote EN PERMANENCE pour charger une attaque indispensable permettant de toucher l'ennemi, le tout en évitant ses projectiles quasi-inesquivables (sauf si vous ralentissez le temps, mais ça prolonge encore plus la souffrance) et en naviguant tant bien que mal entre ses coups de griffe. Et évidemment, le nombre de Rings dans l'arène est ultra-limité histoire que 2 coups suffisent à vous mettre out.
Ah, et c'est qu'un détail, mais la tronche de Sonic pendant ce combat, mon Dieu... Comment peut-on faire un truc aussi kikoololesque ?

Les mondes parcourus sont composés d'un niveau normal assez long, d'un bossfight et d'une douzaine de mini-niveaux ayant souvent lieu dans les mêmes salles et aux objectifs variés : ramasser X anneaux, vaincre X ennemis, terminer en X secondes... Si l'idée semble bonne, visiter sans arrêt les mêmes pièces avec juste quelques pièges en plus ou en moins lasse énormément.
Etrangement, obtenir une médaille d'or dans une mission relève de l'exploit tellement tout se joue au quart de poil de cul près. Pour le final boss par exemple, j'ai mis au point (après 2 bonnes heures de souffrance) une route parfaite où je lui fais un maximum de dégâts en un minimum de temps...et je ressors avec une médaille de bronze. Inutile de dire mon niveau de sel.

Ce rêve bleu

Maintenant qu'on a bien défoncé sa mère à la maniabilité, parlons un peu du reste.
Le scénario, comme mentionné, est pas génial mais il se laisse suivre. La présentation des cinématiques dans un style vieux parchemin est sympa, mais une ou deux cutscenes en CGI en plus n'auraient quand même pas fait de mal (au moins pour l'intro et la première rencontre avec Erazor, non ?).
Erazor est pas l'antagoniste le plus complexe jamais créé mais il sort quelques bonnes punchlines et j'aime bien son côté pervers narcissique. Sharah quand à elle ne sert à rien, si ce n'est à jouer les filles fragiles de temps en temps (et vous avez osé lui donner la voix de Blaze the Cat ? Monstres !).

Les graphismes sont pas oufs, le jeu tourne sous le même moteur qu'Heroes donc on retrouve un Sonic ultra-brillant et les décors peuvent se ressembler d'un niveau à l'autre. On va mettre ça sur le fait que les développeurs ne connaissaient pas encore bien la Wii, mais je préfère les graphismes de Sonic Adventure 2 perso. Et il était sorti 6 avant...

Reste la musique...
Oh boy, cette musique de l'enfer. Toutes les pistes du jeu essayent de mixer rock et sonorités orientales, et quasiment toutes sont chantées. C'est peut-être une question de goûts, mais on est ici face à la pire OST de la franchise selon moi. Si on peut saluer la tentative de concilier 2 univers aussi différents, il faut bien admettre que c'est raté : le résultat est une sorte de rap aux paroles sans intérêt (coucou Evil Foundry) et qui a du mal à se renouveler.
Et comment ne pas mentionner "Seven Rings in Hand", le main theme du jeu que vous allez entendre TOUT LE TEMPS : au lancement du jeu, à la sélection d'un niveau, à la fin d'une mission (réussie ou échouée), lors du bossfight final... Et le pire, c'est que c'est probablement la moins bonne musique du jeu ! J'ai limite envie de vous conseiller de couper le son lorsque vous naviguez dans les menus, ça sera toujours ça de gagné pour votre santé mentale.
S'il fallait absolument retenir une musique, je dirais celle de Levitated Ruins. Déjà, c'est la seule sans parole, et ensuite elle me rappelle Twinkle Park de Sonic Adventure. Mais pour une série reconnue pour la qualité de ses musiques, c'est quand même très léger.

Enfin, un mode party-game est inclus. N'ayant pas d'amis auxquels je souhaiterais infliger ça, j'ai testé les différents mini-jeux. Ils sont plutôt sympathiques et le motion gaming fonctionne assez bien, ce qu'il faut souligner.
C'est pas aussi fun ou complet qu'un Mario Party (notez que le 8 ne sortira que quelques mois plus tard), mais j'aurais franchement préféré que la Sonic Team fasse un party game à part entière plutôt que de le reléguer à un mode annexe d'un jeu naze.
(Ah, et Blaze doit être débloquée dans le mode solo pour pouvoir être utilisée dans le mode party. Fuck !)

Epilogue

En résumé, les seuls points positifs du jeu sont le mode party (à petite dose), l'antagoniste et la patte graphique des cinématiques. C'est très léger.
Le jeu n'est pas maniable, les musiques sont au mieux oubliables, au pire totalement énervantes ("Seven Rings..." est officiellement le main theme que j'aime le moins), le 100% relève de la science-fiction, l'aspect RPG semble être là juste pour faire chier (il faut acheter une amélioration pour pouvoir mieux contrôler Sonic, SANS DECONNER ?) et le final boss est une corvée.
Je n'ai jamais joué à Sonic 06 ou Sonic Boom RoL, souvent considérés comme les pires jeux de la licence. Mais honnêtement, je ne comprends pas comment ils peuvent être pires que Secret Rings vu que chez eux au moins, quand tu touches plus au stick, le personnage s'arrête !

Bref, je ne recommanderai ce jeu qu'aux fans hardcore du hérisson. Ou aux curieux qui veulent voir les limites du motion gaming, vu qu'elles sont très vite atteintes ici.
Pour les autres, si vous voulez absolument jouer à un runner avec Sonic, je ne peux que vous recommander les deux Sonic Dash, dispos sur smartphones. Non seulement ils sont facilement contrôlables, mais en plus ils sont gratuits. Que demande le peuple ?