Sonic Frontiers
6.5
Sonic Frontiers

Jeu de Sonic Team et SEGA (2022PC)

Il est là! On l'a vu rater des dérapages, écrasé à terre comme un hérisson campagnard trop près de l'autoroute. On l'a cru ne jamais remettre ses chaussures du "grand" Sonic des Adventure. Mais le voici revenu depuis les profondeurs béantes "Sonic Boom" et "Sonic Forces", amoché et rabaissé comme jamais depuis son ère dorée datant d'il y a pas loin de 20 ans. Oui, Unleashed et Generations font un bon pansement sur ces cicatrices, mais soyons franc: le trop plein de savonnette finit par irriter la peau. Ce sont de bons jeux, mais ils perdent là où les prémices Adventures 1 et 2 réussirent à offrir un Sonic très agréable à prendre en main. Mais revenons à l'ère Gamecube, PS2 et XBox première du nom. Quand les 128 bits nous gavaient de grands jeux quasi tous les mois, c'était un Sonic solide que l'on contrôlait. Un hérisson qui a finit par trouver son style. Chaussé, paré à affronter Mario et autres mascottes du platforming 3D. La perfection d'un Mario 3D restait toujours à une distance que même un être supersonique ne pouvait espérer approcher. Mais quels petits joyaux prometteurs furent-ils! On espérait aller toujours plus loin dans cette direction, virer les phases Tails/Robotnik, pousser les courses de Sonic hors du couloir maudit de la 3D naissante. J'ai un jour visionné au hasard lors d'un détour sur YouTube un monde plus grand, dégagé de ces murs qui emprisonnaient Sonic d'une liberté qu'il méritait. Jetez un oeil à Sonic Robo Blast 2 et Sonic Utopia. C'était ça! Le chaînon manquant à l'ADN du Sonic 3D! Mais ça, Sega et son irrégulière Sonic Team y sont passés à côté, les fans étant de meilleurs pères adoptifs de l'hérisson bleu que son géniteur même. Les fan games sont comme de gros indices de scènes de crime, inpossibles à louper même sur un écran 180p. Ils sont posés sur un plateau d'argent sous le nez de Sega (qui supporte et est très clément avec les fan games, pas comme une certaine entreprise la plus riche du Japon), mais Dieu qu'il leur a fallu du temps pour relever le menton et tenter un grand retour en force!

Sonic Frontiers est venu panser les plaies trop profondes d'une licence malmenée par la terrible 3D. Tout comme le lait et l'ail, le mélange de plate-forme 3D et de la haute vitesse se fait goûter affreusement, mais peut soigner et donner lieu à des miracles. Ce type de jeu réussit rarement à conquérir M. Tout-le-monde. Certes, les Sonic sont fichtrement impressionants dans leurs visuels, dans les acrobaties furtives du fugace bleu à épines et dans ses musiques absolument incroyables. Mais ils finissent par ralentir les battements du coeur excité du joueur lambda dès qu'il pose la main sur la manette. Je m'amuse à appeler le gameplay des Sonic modernes post Sonic 2006 des "savonnettes". Encore mieux, de "savonnette coincée entre deux murs de quelques centimètres". La plaie pour la ramasser est finalement très proche du sentiment insupportable de courir sans se retourner (caméra figée oblige). Et les phases 2D? Sonic Generations avait un chouia amélioré la formule que traînait Sega depuis ses tiroirs poussiéreux de plus de 20 ans. Mais Frontiers est le seul Sonic qui m'a autant fait dire: que Sega cesse enfin la simili 2D en 3D (je sais je sais, le terme de 2,5D existe, mais... le moveset entre les deux dimensions est quasi identique!). Le 8 sur 10 s'est pointé malgré cette avalanche de notes très polarisées sur ce site comme sur d'autres. J'ai aimé ce jeu. Et je peux l'âme tranquille dire qu'il est de loin le meilleur Sonic depuis bien trop longtemps, dépassant mon Generations de coeur. Ai-je été trop ramolli par l'amour que je porte à cette licence gaffante, souvent brillante et la fois suivante étourdie? Peut-être en partie. Mais on vient sur Senscritique pour se rincer l'œil et entendre de tout, et il faut de ce tout pour faire ce monde. Par quoi je commence?

Sonic Galaxy of the Wild: Neon Genesis of the Colossus

Derrière ce charabia qui en dit trop pour les connaisseurs, se trouve la plus grosse partie de l'inspiration de Frontiers. Tout y est, et le constat frappe aux yeux jusqu'à l'arrière du crâne. Ce qui n'est pas un défaut du tout! Loin de là. Tout art (et je nomme ainsi tout jeu vidéo ou presque) est le mélasse entre l'artiste, son esprit, son savoir-faire et ses références. Le Japon et le monde divinise Evangelion, et le joueur fricottant avec le jeu vidéo depuis sa petite Game Boy connait forcément Shadow of the Colossus. Sonic de base est lui-même un agglomérat d'un tas de cellules variées. De Dragon Ball, à Mario en passant par les folles tendances rebelles des années 90. Frontiers a été un poil gourmant dans ses influences, mais après avoir couru des centaines de kilomètres sur les 5 îles de Starfall Islands, analysé ce stage-ci, ce mémo d'Eggman là, je me suis surpris à sourire sur le culot de la Sonic Team. Et de leur crier: bien joué! Ce Sonic ne brille pas par son histoire. Elle vous emportera pourtant bien plus loin que les derniers jeux en date, et cerise sur le burger: les personnages sont bien plus vivants. Ils ont l'air si différents mais toujours si fidèles à eux-mêmes.

Parlons d'Ian Flynn, un gars sûr. Qui est-ce? L'écrivain derrière les meilleurs comics de l'âge d'or de Sonic entre autres, et il bûche toujours sur la licence! Encore un exemple de l'occidentalisation de la boîte japonaise cracheuse sur Nintendo (un autre exemple est Sonic Mania, conçu sous la direction de Chris Whitehead, le type derrière le portage de Sonic CD qu'il aurait bricolé sur un IPhone!). Mais la plume et l'imagination de cet homme assure un gros bond en avant pour les jeux à venir. Sonic est toujours frimeur, tellement sûr de ses bottes qu'il passerait pour un Narcisse chaussé avec des sandales supersoniques. Mais il a bon coeur et adore lancer des tirades sorties du Shonen Jump. Alors que les Sonics des deux dernières décennies ont bien disciplinées le personnage, il retrouve dans Frontiers sa verve et son grain de sel qui lui manquaient dans son caractère. C'est le Sonic des Adventure qui est revenu. Quant aux autres, Amy, Tails, Knuckles, Eggman et la nouvelle venue Sage... et j'ai encore du mal à y croire, mais j'ai réussit à refroidir mon envie de baffer Amy. Alors oui, elle y va sur sa vision bisounounours du monde, mais ses didascalies ne s'arrêtent plus à "Sonic! À l'aide Sonic!". Tails, fidèle à lui-même en bon génie renard de seulement (et éternellement) 8 ans, se cherchera et se trouvera peu à peu, perdu dans ses limbes du manque de confiance en soi. Knuckles toujours aussi pieu, bloqué sur sa destiné à dorloter la Master Emerald de ses ancêtres Echidnés. Sa dégaine de gros fier musclé crétin sur les bords se heurtera parfois aux caprices de Sonic. Et Eggman... Ce saligaud aux 300 points de QI. Frontiers lui donnera une toute nouvelle dimension. Assez inattendue et aux antipodes de sa fière moustache et ambitions de s'asseoir sur le monde. Que lui manque-t-il? Une chose qu'il n'a jamais "testé" comme il aimerait le dire. Un curieux bousculement du personnage non pas à 360°, mais dans ces eaux-là. Il créa Sage, une entité cybernétique intelligente qui gouverne l'Eggnet et contrôle son armée directement sous ses ordres. D'abord insupportable peste voulant semer des buches sur la course de Sonic, elle atteindra peu à peu un état d'éveil émotionnel envers son créateur. Naîtra ainsi quelque chose de surprenant. Et Eggman sera le premier à en être interloqué. Cependant, soyez prêts à recevoir votre dose de malaise concentré. Sage est en vérité un personnage Disney virant de chipie invivable à héroïne de comédie musicale dramatique. Enfin, la tournure que prend cette gamine aux racines digitales au dernier tiers de l'aventure a de quoi intriguer. Le jour où on la reverra sera peut-être l'avènement d'un nouvel Eggman?

Au départ, il y eu les Echidnés. Protecteurs des plus grandes sources d'énergies de la création, les Chaos Emeralds. Dignes de leurs légende, elles offrent un immense pouvoir à quiconque les réunira. Même seules, elles s'avèrent explosives. Capables d'altérer la réalité, d'amplifier l'énergie, de retourner le temps... Les gemmes de l'Infini du type à l'épiderme violet dans Marvel en somme. Mais avant? Il y avait le Big Bang, mais aucune trace de l'origine première des pierres. Sonic Frontiers nous donne une piste, à l'instar d'un Zelda: Skyward Sword qui retrace le passé ancestral de ses légendes.

Souvenez-vous, Chaos 0. L'étrange entité aqueuse chamboulant Sonic Adventure premier du nom deans tous les sens. On le sait, cette forme de vie fut liée aux Chaos, mais Frontiers va encore plus loin en mettant au monde un peuple aux caractéristiques identiques. On les appelera les Ancestres et furent les premiers catalyseurs de ces joyaux dignes du Créateur lui-même. Leur civilisation semblait s'épanouir à l'infini, toujours plus puissante et au-delà des pauvres cervelles humaines. Mais la perpétuité peut parfois soudainement d'arrêter par une cause extérieure. Un jour, une "chose" gargentuesque, intelligente et difforme avala tout simplement et purement ce monde beaucoup trop parfait. Les quelques survivants emportèrent les émeraudes sur Terre et s'y établirent en priant de ne plus attirer l'appétit du dévoreur de monde. Cinq îles couvertes de cairns, fortifiées et couronnées par la tout-puissante technologie cybernétique garda au chaud les Ancêtres. On ne sait combien de siècles ou millénaires furent-ils sur leurs gardes à l'arrivée improbable de la "chose". Mais la nature étant ce qu'elle est, ayant parfois des envies de décimation ou de création de la vie, elle en décida ainsi pour ce peuple surdéveloppé. Le truc arriva, avare et baveux. Ces êtres bleus furent combattif jusqu'à leur dernier souffle, et tout juste avant de laisser l'âme quitter le corps, ils enfermèrent la créature dans le Cyberespace, le monde virtuel qui enmagasine les souvenirs et esprits, et réplique le monde selon les vécus de l'utilisateur. C'est ce que vera Sonic en y entrant durant les stages en cyberespace. C'est pourquoi chaque course semble si familière aux yeux du fan tétant le sein de Sega depuis tout petit (un exemple: le stage 2-6 est un ersatz de Sky Rail de Sonic Adventure 2. Le plus long et l'un des plus réussit parcours de Frontiers au passage). Je vole encore une ligne pour hurler mon dégoût pour le 3-5, cette patinoire sortie des limbes d'un cerveau sous drogue. À moins que cela soit un hommage à Sonic R...

Ce qui arrivera ensuite est un mélange de curiosité d'Eggman, du sens de devoir de Tails et de Sonic, mélangé aux ruines toujours vivantes de ces îles terrains de guerre mais jadis prospères. C'est durant un vol de reconnaissance que la bande de bestiaux anthropodes finira par s'engouffrer dans l'étrange champ cybernétique de l'île de Kronos. Et là, la manette peut enfin servir et le joueur déguster du Sonic cuvée 2022.

Le paradoxe du cyberespace: le retour du syndrome de la ligne droite

Parlons de Cyberespace. Car c'est le premier contact doigt à doigt que le titre vous lancera en pleine figure. Le stage 1-1 s'ouvre avec de la verdure trop... familière. Est-ce là encore l'éternel titillement de nostalgie que nous sert Sega pour la ixième fois? Encore du Green Hill! Et il va falloir s'habituer, car il y a ici et en tout à peine quatre paysages offrant une vue psychédélique sur l'ensemble des cyber stages. Imaginez un monde en fractal, entièrement basé sur les vécus de Sonic. Quel bon prétexte au recyclage, pas vrai? Mais Sonic Frontiers le fait exceptionnellement bien. Une sorte de redite de Generations, mais à la sauce 2022, sculptés avec les mécaniques propre à cette aventure. Si je parle et compare la manette à du savon s'amusant à glisser des mains, il décrit ici parfaitement ce qui salit la licence depuis son entrée dans la troisième dimension.

Vous en avez vu? Ces barrières qui longent les autoroutes, celles destinées à empêcher toutes bestioles sauvage de finir en steaks sous les roues des voitures. Est-ce qu'un minuscule hérisson pourrait survivre au-delà d'un tel mur salvateur? Sonic devra pourtant s'y essayer, c'est ici la première fois qu'il remarque qu'un monde entier vit autour de lui. Sonic Adventure et sa Station Square lui a déjà enlevé sa virginité du monde ouvert, mais Frontiers va bien plus loin. La 3D est finalement le passage à l'âge adulte, obligé et somme toute naturel, de toute licence de platforming. L'enclos de la 2D qui le gardait bien au chaud jusqu'en 1998 lui allait bien, mais le marteau des critiques ont finis par briser ses menottes, et Sega a décidé qu'il était grand temps de sortir du trop petit écran 16 bits. Mais en l'an de grâce 2022, qui donc ne s'est pas senti la gorge serrée, les grands fans en premier, du fléau incessant de la 3D bancale qui suit Sonic comme son ombre? Un gâchis qui se répète encore et encore, la faute aux quatre murs qui entravent le potentiel de la bestiole. Sa 3D n'était pas vraiment celle qu'il méritait. Alors qu'un plombier gras du bide mais à l'athlétisme sans pareilles déchainait les passions (Mario 64 déforma a lui tout-seul toute l'industrie vidéoludique, et pas seulement le genre de la plate-forme), le téméraire Sega sort timidement Sonic Adventure. Un jeu chéri jusqu'aujourd'hui, mais imparfait sur une liste longue comme les jambes d'Eggman. Ce n'était pas mal, ces autoroutes décorées d'anneaux dorées. On s'y amusait à dévaler looping, pentes en piétinant les bestioles en boulons de l'empire de Robotnik. Mais c'est aussi là qu'est apparu le pire villain de l'histoire du jeu vidéo, pas seulement du monde coloré de l'hérisson dopé au nitro. Cette chose qui change magiquement n'importe quel grand jeu en une médiocre bouse par sa qualité de programmation: la caméra.

Mal configurée, trop proche du protagoniste, trop statique, trop lourde... mais jamais trop permissive. Plus une caméra nous permet de la tâter, nous permet de la manier librement, et plus grand en sortira le jeu. Dans le monde la plate-forme 3D, la caméra est bien plus qu'un personnage principal. Elle est la colonne vertébrale du plaisir de jouer. Elle maintient le contact entre le joueur et son avatar. Pour le dire clairement: elle est la ligne des yeux à nous, contrôleurs du hérisson à l'écran. Le monde ouvert de Sonic Frontiers nous offre une caméra merveilleuse comme jamais elle ne le fut dans la passé tumultueux en trois dimensions de la saga. Mais les stages en cyberespaces? Absolument, aucun, pouvoir, possible sur notre champ de vision. Et c'est là le plus grand drame de Sonic depuis ses premiers pas en 3D. Les Adventures et '06 ont tirés le cordon au maximum et ont offerts un semblant de liberté. Et ici, pour le premier contact que noue le titre au joueur, nous voilà lancé dans un couloir glissant sur fond de musique trance (si le jeu ne dépendait que de la bande-son, qu'il n'était qu'un album décoré d'images, le 9 voire le 10/10 tomberait sans protestations). Quelle étrange premier rendez-vous. La mélodie destabilise et la poussée hasardeuse de Sonic commence bien mal ce premier rapport du joueur à Frontiers. Les barrières sont proches, le retour du boost manuel redonne de la vigueur à la course à pieds qui met mille plombes à démarrer. Ce n'est pas bon. Et piment sur le gâteau, cette fichue et têtue caméra ne flanchera pas, ô combien de fois vous pousserez le stick droits par pur réflexe de joueur. Le homming attack, mouvement offensif emblématique du héros épineux, annonce un feedback plutôt agréable. De bons prémices aux futures techniques de corps à corps énervées de la bête. L'impression de cogner et éclabousser du métal se ressent sur la manette à chaque coup porté. Mais où diable est ce drift d'enfer apparu dans Unleashed et perfectionné dans Generations? Cette énergie dans la prise de virage manque tellement. Au lieu de cette glissage joussive, ce sont des murs que l'on se tape dès lors qu'un angle fait face à Sonic!

Le cauchemar terminé, à peine 30 secondes de stage plus tard (oui oui, c'est le temps voulu pour atteindre le rang S pour ce premier jet en cyberspace), Sonic se retrouve projeté comme un nouveau né dans une nature pluvieuse et non avare en verdure. Et c'est là que le constat frappe aussitôt que l'hérisson se met à courir sur les terres de ce monde libéré d'entraves: il y aura deux Sonic. Celui du cyberespace, du parkour linéaire, court et spectaculaire. Et celui du monde ouvert. C'est ici, selon moi, que se trouve l'avenir de la licence. Car si liberté rime avec qualité, elle n'est rien sans une bonne jouabilité qui répond du feu de Dieu. Le secret est dans la course. Jamais Sonic n'a été autant plaisant à diriger. Il déferle à l'écran, brouille l'horizon sur les mille et un assets repêchés sur les anciens opus. Rails, ressorts, looping, tapis d'accélération, canons... Comme tout premier contact avec l'inconnu, l'étrangeté des lieux fera cligner vos yeux. Le trop plein d'accessoires collés aux cieux semble irréel, tel un projet d'étudiant en première année de game design et trop pressé d'empiler des assets sur le dernier Unreal Engine. C'est l'avis d'une majorité bruyante aux premiers trailers du titre. Pas faux... mais pas totalement vrai non plus. Les îles sont parsemées de ces petits défis le plus souvent aériens qui finissent toujours sur une emblème (de petits artefacts qui vous feront progresser dans le script de l'aventure). J'omet l'ignoble pop-in qui sabote le plaisir du jeu. C'est décevant il est vrai, et Sega a pourtant choisis le risque de lancer le titre en l'état. Malgré tout, chacun de ces mini parcours jouera de ces plate-formes encastrées entre-elles. Jamais répétition il n'y aura. Certains sont même géniaux au point de s'étonner de sortir un "ah ouais!" de surprise! Et quels puits d'informations sont-ils! J'entend par là que le joueur doué et maîtrisant pleinement les botes de Sonic trouvera mille et une façons d'atteindre ces emblèmes. Ce n'est que de nombreuses heures au gré de l'aventure que le joueur comprendra toutes les possibilités cachées dans le code du jeu.

Parlons du momentum, que l'on traduirait par "élan" dans la langue de Molière. Un non-dit de Sonic Frontiers, une mécanique qui s'épanouira sous vos yeux au fur et à mesure de vos vagabondages. La physique du monde ouvert comprend l'inertie, vitesse et angles de la course de Sonic. Pousser le stick vers l'avant, le maintenir et jouer du boost va affiner cette impulsion. Ensuite, c'est la topographie (collines, monts, pentes, terrains accidentés) qui dictera ce qui adviendra du vol plané. En bref, si la bestiole bleue se retrouve projetée à pleine vélocité tout juste sur l'extrémité d'une pente, le bond peut être très puissant et lancer Sonic tel un boulet de canon. N'importe quels hectares de plaine, de désert et autres fractions de terre semblant inatteignables le sont, en réalité! Le Spin Dash (course en boule) est vraiment particulier ce coup-ci, mais elle poussera Sonic tel un bélier même sur la plus aigue des collines. Rajoutez à cela rails, lignes d'anneaux, et autres tas de boulons qui servent de sacs de frappe... Tout n'est que bac à sable pour défier le compteur de kilomètres par heure! Voilà l'une des saveurs les plus douces de ce titre trop sous-estimé: la fuit en avant dans une dimension "parkouresque" Alors oui: on le voit très bien. Ce n'est que le premier prototype d'une future grande série. Sega a les clés en mains. Le test "Frontiers" a dépassé les attentes de la Team, visiblement trop insupportés de voir en leur Sonic d'amour une longue série d'échecs et semi ratés. Au diable le minimum syndical! Bien que le produit final soit un doppelganger d'un Zelda: Breath of the Wild (et que de toute manière toute l'industrie s'étant mise à disséquer et insérer des bribes du game design du jeu de Nintendo), Sonic Frontiers fonctionne. Il rame, il en fait trop, il bouche le ciel avec ses milliers d'assets déposés ici et là. Il a une sale gueule de jeu bricolé par un Takashi, petit étudiant en game design. Il ne paie pas de mine, mais manette en main, une bonne dizaine de centaines de kilomètres parcourues, les chaussures du hérisson commenceront à ouvrir vos chakras. Vous comprendrez enfin le potentiel d'un tel Sonic, toujours limité à suivre le chemin dicté par le code linéaire qui le hantait. C'était une malédiction. Le monde ouvert est décidément la plus grande bénédiction qui arriva aux mains de Sonic. Quel plaisir que de foncer à toute allure, épines aux vents, telle une tornade qu'aucune géographie ni menace mécanique ne puisse arrêter.

La mascotte de Sega peut bien courir où l'âme le portera, mais il lui faut une baballe à suivre, un but. C'est là que le jeu entrera donc dans ce très rare genre à notre époque: le collectathon. Un sous-genre fossile de la plate-forme à l'ancienne. Ce terme, semblant tout droit sortir d'une époque révolue, ne voudra de vous qu'une seule chose: ramasser. Ramassez tout! Ces anneaux, ces émeraudes, ces emblèmes, parlez donc à ce personnage, sautez donc sur cette rampe, chauffez vos neurones et résolvez ces puzzles insultant votre intelligence (tant ils sont fastoches). Collecter, courir, pêcher, cogner (un système de combat d'ailleurs à mille lieux d'un Devil May Cry, car trop automatisé, recouvert de moves insistants sur la mise en scène plutôt que les frappes perpétuelles. Même si Super Sonic face aux Titans m'a surpris en train de secouer la tête face à cette montagne russe de style)... Ces doigts collés à la manette adoreront ou détesteront ce trop plein de tout dispersé au pôle Nord comme au pôle Sud de la map. Mais jouer à l'éboueur de plaines finira assurément par fatiguer. C'est l'époque qui le veut. Une époque ou tout se doit d'être bref et où amasser une montagne d'artefact pourrait paraître barbant. J'ai été bercé par ces mondes où tout peut être ramassé depuis l'époque préhistorique de la Nintendo 64, c'est pourquoi j'ai accepté à bras ouverts cette décharge de babioles. C'est aussi le fossile que je suis qui gloussa de surprise à la vue des phases de piratages introduites avec Tails et Sage (Nier: Automata, qui possède exactement les mêmes phases de piratage (!) est aussi passé par là): une reprise d'Ikaruga, shoot'em up béni de Sega qui marqua les archives vidéoludiques!

Sonic Frontiers vous parlera. Enfin, je l'espère qu'il vous le fera comme à moi. Il n'est pas poli et encore moins accessible de prime abord. Imparfait, il vous lancera une poignée de défauts à la figure, mais son charactère pourra vous charmer. Ce n'est pas le même Sonic d'antan exaspérant, têtu à courir tout droit et on ne sais où jusqu'à faire bailler. Ce Sonic 2022 est le cocon d'un avenir meilleur pour la boule bleue. En l'état, il sort à peine de la définition d'un bac à sable marqué par quelques points d'intérêts. Mais le mammifère est enfin sortit de son hibernation dans la médiocrité! Que Sega sauve une dernière fois les stages effrénés, qu'ils côtoient la même caméra et liberté de mouvements que le monde ouvert! Et qu'il jette cette fadasse 2D et sa lourdeur de mille tonnes aux oubliettes! Qu'on rende à César ce qui est à César, et la 2D aux épisodes en deux dimensions. Et si c'étaient là ses premiers véritables pas de bébé depuis plus de 30 ans? Il est grand temps de pouvoir enfin crier aimer un Sonic, sans honte et avec espoir pour l'avenir. Ce couloir qui l'enfermait depuis si longtemps est enfin devenu une plaine.

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le 16 juin 2023

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Mottainai

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